© Louise Leclerc
Le jeu de Paume invite son public à découvrir jusqu'au 1 er septembre les six séries d'Ahlam Shibli sur la notion de « chez-soi ». Artiste Palestinienne née à Arab Al-Shibli en 1970, élève des chèvres avec ses parents, mais très vite elle est fascinée par la photographie. Elle se définit comme étant une « Palestinienne d’Israël ». Depuis 2000, elle s’interroge sur la manière de protéger sa maison, sa terre sa ville, mais également son corps. La série « Self-portait » évoque l'enfance de la photographe à travers deux personnages qu'elle met en scène. Alham Shabli présente une série d'un tout autre genre « Eastern LGBT » qui signifie « lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels ». Elle photographie le corps, une cible privilégiée, facilement atteignable et difficile à protéger.
« Trackers », « Trauma » et « Death », retracent les conflits coloniaux en Palestine, l'énergie déployée par la société pour ne pas oublier ceux qui ont perdu la vie au combat. Elle s’intéresse également à la France et aux résistants de Corrèze. Dans cette recherche du « chez-soi » Ahlam Shibli révèle les relations entre enfants orphelins. « The house starves when you are away » dévoile la faculté des enfants à se soutenir afin d'oublier l'absence de famille. Nous la rencontrons afin d'évoquer ses choix photographiques.
© Alham Shibli, Death
Comment êtes-vous venue à la photographie?
C'est ma vie, la photographie, c'est mon amour. Depuis que je suis petite, je regarde beaucoup autour de moi, je porte un certain regard sur ce que je découvre. J'ai eu mon premier appareil photo à dix-huit ans. Depuis, j'ai évolué, changé mon style, ouvert mes photographies, et je me suis adaptée au public, j'ai également ouvert mon champ de vision sur la vie. Pour moi, la photographie est la chose la plus importante. Elle est présente dans mes rêves, et en permanence dans ma tête.
© Alham Shibli, Dom Dziecka
Pourquoi choisir de travailler sur la notion de « chez-soi » ?
Ces séries traitent de la maison, du chez-soi, de la lutte contre la perte. Jusqu’où l'on peut aller pour avoir un logement, pour le protéger. Mon principal questionnement est « qui décide pour toi, qui décide que tu vas mourir pour ta maison? » Jusqu’où es-tu prêt à te battre pour la préserver ? J'ai travaillé sur la résistance française, comment les français ont agi pour se protéger des allemands dans le village de Tulle. Les habitants avaient été pendus aux fenêtres, ils refusaient d'abandonner leur pays
© Alham Shibli, Death
Les séries sur la Palestine concernent la reconnaissance, le besoin d'être légitime dans ce que l'on fait. Il faut aller au bout de ses idées. Nous avons besoin de l'autre pour être reconnu. A titre d'exemple, les Palestiniens ont besoin des Israéliens. Il faut parfois mourir, verser son sang et sa propre chair pour obtenir une certaine gratitude, comme les martyrs que j'ai photographié dans la série « Death ». Lors de la deuxième Intifada, les Palestiniens se sont soulevés contre la puissance coloniale, il y a eu des milliers de morts. Photographier les affiches de martyrs permet de redonner une certaine présence aux habitants morts pour défendre leur ville.
© Alham Shibli, Eastern LGBT
Vous avez réalisé trois séries sur la Palestine est-ce un hommage à votre pays ?
Le principal point des séries sur la Palestine a été de voir de différentes manières. Être à la fois proche de mon pays car je suis née ici, et garder un regard extérieur, de la distance. Mon travail est lié à la Palestine car je demeure ici. La question palestinienne est quelque chose que nous connaissons, nous mangeons, nous vivons en pensant à notre pays. J'ai réfléchi à ce que je pouvais faire pour ma société, la collectivité. Ce n'est pas une critique négative ou positive. Je ne dis pas que ce qui se passe est bien ou mal, je regarde, je dévoile ce que je vois, le reflet de la ville.
© Alham Shibli, Eastern LGBT
Que pensez-vous du mur qui sépare la Palestine et Israël ?
Le mur ne sera pas éternel, il sera détruit par le peuple. Je suis contre toutes ces démonstrations, je pense qu'il va disparaître.
© Alham Shibli, Trauma
Pourquoi choisir de réaliser vos clichés en argentique ?
Mon dernier projet « Death » a été réalisé en numérique, mais les cinq autres séries sont en argentique. J'ai besoin de ressentir les choses, c'est comme humer un vieux whisky. J'ai varié également la couleur et le noir et blanc, selon ce que je percevais. J'ai toujours différents boitiers sur moi, je sélectionne selon ce que je contemple.
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Photographies © Alham Shibli
Propos recueillis par Louise Leclerc