© Kathryn Cook
Membre de l'agence Magnum depuis 2005, Paolo Pellegrin fait partie de ces photographes hors normes, qui ont fait de leurs carrière une vie. Lauréat de dix World Press Photo, nombreux sont les évènements marquants de l'histoire qu'il a documenté, tels que les funérailles de Yasser Arafat, le tsunami en Indonésie, ou encore les conflits les plus durs, la Bosnie, l'Irak....
En 2011, il rejoint le projet de deux photographes de Magnum, Alec Soth et Jim Goldberg, qui ont eu une idée collective lumineuse intitulée « Postcards From America ». De ce projet collectif est né un reportage individuel pour Paolo Pellegrin, choisi par Reporters sans frontières pour son dernier album sorti le 2 mai dernier.
Entretien avec Paolo Pellegrin, qui s'explique.
© Paolo Pellegrin/ Magnum Photos / Postcards from America
Pouvez-vous nous expliquer Postcards From America ?
Ce projet est né à l'initiative de deux photographes de l'agence Magnum, Alec Soth et Jim Goldberg. L'idée était de trouver un espace au sein de Magnum pour s'exprimer ensemble, travailler dans une idée collaborative. Plusieurs photographes de l'agence ont alors demandé à rejoindre le projet, pour au final former une équipe de cinq photographes : Jim Goldberg, Susan Meiselas, Alec Soth, Mikhael Subotzky et moi-même.
A bord d'une caravane, nous avons sillonné le sud-ouest des Etats-Unis pendant plusieurs semaines, du Texas à la Californie. Nous bougions chaque jour, il s'agissait réellement d'un voyage.
L'idée était aussi de se détacher de la collaboration traditionnelle avec les médias, de trouver un autre moyen de financer la création d'un projet, et surtout d'en être indépendant.
Ainsi, nous avons réussi à produire ce documentaire essentiellement en pré-vendant les images à des collectionneurs intéressés par le projet, qui l'ont financé en pré-acquérant les photographies prises au long du voyage.
© Paolo Pellegrin/ Magnum Photos / Postcards from America
Les deux projets qui ont suivis ont été à Rochester, dans l'état de New York, et Miami, en Floride. Pour ceux-ci, le procédé a été différent, il s'agissait cette fois-ci non pas d'un voyage à proprement parler, mais nous restions sur place afin de réaliser une étude plus approfondie de l'endroit choisi.
Nous postions des images sur un tumblr (http://postcardsfromamerica.tumblr.com/), que nous alimentions jour après jour pour montrer nos images, et de quelle façon avançait le projet.
Postcards From America, c'est un projet collectif, mais aussi individuel, puisque nous avons chacun réalisé nos propres images individuellement, comme cela a été le cas pour ma part pour l'album de Reporters sans frontières.
Que représente pour vous le fait d'avoir été choisi pour cet album de RSF, sorti qui plus est le jour de la journée mondiale de la liberté de la presse ?
Je suis un lecteur assidu des albums de Reporters sans frontières depuis longtemps, dont de nombreux grands et mythiques noms de la photographie ont participé. Ces albums accompagnent la vie des photographes, et je suis ravi d'en avoir fait partie.
Symboliquement, le fait que l'album sorte à l'occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse est important, car c'est bien évidemment un sujet dont je me soucie, je suis fier d'y avoir pris part.
© Paolo Pellegrin/ Magnum Photos / Postcards from America
Vous êtes-vous senti libre dans la réalisation de ce reportage ?
J'ai travaillé avec la police locale qui m'a énormément aidé, ils étaient très ouverts et me donnaient libre accès à beaucoup d'endroits. La difficulté résidait dans le fait que je me rendais essentiellement dans les mêmes lieux, pour enquêter, étudier d'un peu plus près, mais parfois avec la police et tantôt seul, donc les gens du voisinage ne savaient pas vraiment quoi penser, c'était une démarche quelque peu périlleuse.
J'ai vraiment été libre dans la réalisation de mes images, à aucun moment je n'ai été contraint par les autorités ni par qui que ce soit, jusqu'à la fin du projet.
Je me suis senti libre et respecté.
© Paolo Pellegrin/ Magnum Photos / Postcards from America
Quel a été pour vous l'évènement le plus marquant ?
Il y a eu beaucoup de moments, pas un seul et unique. En revanche, ce qui m'a le plus choqué, c'est la culture de la ségrégation, qui existe encore énormément aux Etats-Unis. Nous savons tous que cela existe, mais lorsqu'il s'agit d'en être le témoin, c'est beaucoup plus inquiétant.
© Paolo Pellegrin/ Magnum Photos / Postcards from America
Quelle est la prochaine étape de Postcards From America ?
D'un point de vue collectif, la suite sera à l'automne prochain, nous repartirons dans différentes parties des Etats-Unis, où nous continuerons l'idée de projet collectif autour de parallèles.
© Paolo Pellegrin/ Magnum Photos / Postcards from America
Que vous a apporté ce projet ?
Nous nous connaissions tous, mais nous ne nous voyions pas régulièrement, uniquement à des évènements, une fois dans l'année peut-être. Le fait de travailler ensemble nous a permis d'une part d'apprendre à mieux se connaître, mais aussi de photographier, échanger, créer ensemble, ce qui est très enrichissant.
Dans ce métier, nous avons l'habitude de travailler seul, de tout faire nous-mêmes, et nous avons découvert une autre façon de travailler, ce qui était vraiment passionnant.
Photographies © Paolo Pellegrin / Magnum Photos / Postcards from America
Propos recueillis par Claire Mayer