© Dessine l'Espoir
L'association Dessine l'Espoir agit sur le terrain depuis de nombreuses années, par des actions très diverses pour lutter contre le problème mondial du sida. Bien qu'elle agisse principalement en Afrique, des actions sont néanmoins menées en Europe. Des expositions, des campagnes de sensibilisation, ou encore des actions artistiques sont mises en place, comme par exemple l'exposition « Rubans » qui a eu lieu au Viaduc des Arts du 24 Novembre 2012 au 3 Décembre 2012. Entretien avec Safy Nezan, intervenante de l'association.
Depuis combien de temps existe l'association et comment a t-elle été créée ?
On va fêter les 10 ans l'année prochaine en 2013. L'association a été créée à l'initiative de Cyrille Varet qui est artisan installé sur le Viaduc des Arts depuis prés de 18 ans. C'est un créateur de mobilier designer. Il a lancé ce projet en 2003. Il a crée ce qui se nommait à l'époque le projet Ithemba. Le but était de dessiner des objets et de les faire réaliser en Afrique par des associations de personnes, essentiellement des femmes qui vivaient avec le VIH/sida. Ça a débouché sur l'ampoule Ithemba, qui sont dessinées par des grands noms de la mode, des couturiers, des créateurs et qui sont réalisées par une association de femmes séropositives en Afrique du Sud dans la région du Cap. À cette période (il faut penser le sida 10 ans en arrière), surtout en Afrique du Sud on ne trouvait pas beaucoup de médicaments, c'était très difficile d'accès pour les femmes. Il y avait de gros problèmes d'accès au traitement pour les personnes qui étaient dépistées. Donc à l'époque Cyrille avait organisé une récolte des fonds en vendant les dessins originaux et les prototypes de ces ampoules aux enchères. Il a fondé ensuite l'association « Dessine L'espoir » et récolté le fruit de ces enchères pour à l'époque payer des traitements pour les femmes qui fabriquaient ces ampoules. Ca a démarré comme ça. Ensuite, l'association a pris de l'ampleur, a eu d'autres modes de financements, on a parfois des subventions privées ou publiques sur des projets qui se sont beaucoup diversifiés et qui sont installés dans quatre pays : Afrique du Sud, Swaziland, Burkina Faso, Zimbabwe.
© Nelson Ricart Guerrero
Etes vous en collaboration avec d'autres organismes ou êtes vous totalement indépendant ?
On est indépendant. Maintenant, comme toute association on n'est pas subventionné, c'est à dire qu'on ne reçoit pas une somme d'argent qui couvre nos frais de fonctionnement. Par contre on dépose des demandes pour des appels à projets, pour des fondations d'entreprises, Américaines parfois, ou institutions publiques. La région Ile de France a financé un de nos projets.
Pourquoi et qui a décidé de ce thème du ruban ?
L'idée est venue du fait qu'on allait fêter bientôt nos 10 ans sous le Viaduc des Arts. On intervient beaucoup en Afrique mais peu en France et on s'est dit qu'on n'avait jamais rien fait autour de nous. On a un lien très fort avec tout ce qui est la création, les artistes, et ce n'est pas pour rien qu'on s'appelle Dessine l'Espoir. On est quand même sous le Viaduc, dans un lieu de la création. On s'est dit que ce serait sympa de faire quelque chose à Paris. Au début, on a eu un peu peur, on s'est dit qu'il allait être difficile de mobiliser tout le monde, car le Viaduc a quand même des métiers très très différents. Donc on s'est demandé comment lier tout le monde sur un projet. C'est pourquoi on a choisi le thème du ruban car c'est quelque chose d'assez simple et que tout le monde connait. C'est surtout un symbole et on s'est dit que tout le monde pouvait réaliser un ruban, vu qu'ici il y a surtout des artisans qui savent travailler la matière.
C'est vrai qu'on a d'autres projets qui sont plus complets. On demande à des artistes de réfléchir sur des messages de prévention. On a un message par exemple qui s'appelle « I love you positive or negative », mais on s'est dit que cela aurait été compliqué de faire quelque chose autour des messages que l'on véhicule habituellement par notre association. Le ruban est quelque chose de simple et de symbolique. Le but était avant tout de montrer la mobilisation de manière symbolique par les artisans du Viaduc des Arts, et aussi de sensibiliser un public de passants, un public plus large.
Cette campagne « I love you positive or negative » reflète les actions des années précédentes ?
Oui c'est un message que l'association a écrit en 2005 et qui a revu le point de départ à beaucoup de projets, des campagnes de prévention. Ce message a été approprié par beaucoup de personnes, que ce soit les groupes de femmes séropositives avec lesquelles on travaille qui l'ont brodé sur des tee -shirts et qui ont fait évoluer le message, que ce soit des personnalités un peu célèbres, Sud -Africaines, des présentateurs télés, des artistes ou des musiciens qui l'ont aussi interprété. On avait fait aussi des clips télévisés en Afrique du Sud. Voilà c'est un message que l'on souhaite un peu universel. Au début les campagnes étaient créées en anglais car on travaille essentiellement avec des pays anglophones, mais aussi en français pour francophones. Le message est à la fois destiné aux personnes séropositives pour les encourager, les soutenir et ne pas véhiculer un message négatif vis à vis d'elles. Ça a beaucoup changé par rapport à l'époque. Il y avait beaucoup de messages liés à la mort qui circulaient. Ca faisait un peu peur, on disait « attention le sida c'est la mort », donc ça pouvait avoir un effet efficace chez des jeunes qui devaient se protéger, mais par contre ça avait un effet dévastateur chez les personnes qui étaient déjà séropositives. En voyant ces affiches elles savaient qu'elles étaient condamnées.
C’était un message un peu d'espoir qu'on voulait porter et en même temps ce discours s'adressait aussi aux personnes qui n'étaient pas porteuse du virus pour dire que la séropositivité de l'autre, qu'il soit ami, concubin, sœur, frère, devait prendre des protections notamment dans les relations sexuelles.
© Christian Rouchousse
Voyez vous des évolutions depuis la création de l'association, sentez vous que les gens sont plus sensibilisés, qu'il y a plus de moyens ?
On sent une évolution indéniable, ne serait-ce que par les progrès médicaux. Il y a de plus en plus de personnes maintenant qui sont sous traitement, ils fonctionnent bien quand on les a. Mais pour les avoir il faut être dépisté. Aujourd'hui, l'enjeu a changé : c'est d'essayer de dépister un maximum de personnes pour pouvoir les mettre sous traitement si elles en ont besoin. Ce n'était pas cet enjeu là à l'époque quand les traitements n'existaient pas, c’était un peu différent. Dans les mentalités des pays d'Afrique où l'on travaille (Afrique du Sud, Swaziland, Zimbabwé, Burkina Faso) on voit une évolution. Les pouvoirs publics ont pris des mesures, ils sont plus impliqués, notamment en Afrique du Sud où au départ il y avait quelques dénis de la part des politiques sur les problèmes réels du sida. En France, il y a toujours le problème des personnes qui sont séropositives et ignorantes de leur statut donc il faut toujours se battre et donner l'information de se faire dépister. Le préservatif parallèlement, il faut toujours en faire la promotion, mais ce que je constate, c'est que ça reste un objet un peu tabou. Même en France.
Vous avez mis le design du ruban sur les emballages de préservatifs, est-ce que vous pensez que c'est plus percutant que ce soient des artistes qui fassent passer le message ?
Alors le but de ce type d'opération c'est pas forcément de faire quelque chose de percutant. Notre engagement avec la diffusion de ce genre de préservatif c'est pas forcément d'être percutant au niveau du message, même si parfois on essaye de faire passer des messages via les préservatifs, mais c'est plus pour rendre le préservatif attrayants, parfois ludique, beau, et lui enlever un peu ce côté de honte que les gens ont toujours quand ils doivent le prendre. C'est plus dans ce but là. En France, ils sont tous emballés selon les publics auxquels ils sont destinés, avec des messages pour les jeunes, des Bds. Nous on a essayé de faire des photos un peu plus « sérieuse ». On s'adresse plus au public du Viaduc, pas à des bars du Marais par exemple. Donc l'idée c'était que les gens aient envie de regarder ce qu'il y a sur le préservatif, apprennent à le manipuler, à l'ouvrir, et que ça devienne un objet normal. En Afrique du Sud et au Swaziland c'est encore plus fort car les préservatifs sont disponibles gratuitement dans beaucoup de lieux. Par contre il n'y a pas d'emballage, c'est juste l'emballage dans de l'alu, on n'a pas d'esthétique autour. Du coup, quand quelqu'un prend un préservatif, y a toujours le côté « bon j'le prends parce que soit j'suis malade, soit voila ». Alors que là on le prend parce-que tiens, c'est marrant, on en parle à son entourage. Voilà c'est ça l'idée.
Par rapport aux artistes photo ayant participé, comment les avez-vous contacté ?
On a contacté l'association des artistes à la Bastille via son président, Christian Rouchousse, qui elle à transmis l'info par son réseau. On a accepté à peu prés toutes les réalisations, tout ce qu'on a reçu correspondait bien.
© Daniel Nassoy
Y a t-il des journées spéciales en Afrique avec aussi des artistes ?
Le 1er décembre est une journée mondiale donc il se passe des choses. Maintenant c'est vrai qu'en Afrique dans les pays où on travaille, cette journée est plus célébrée qu'ici. Il se passe plus de choses. Par exemple, le petit ruban qu'on porte généralement le 1er décembre en France, en Afrique les gens le portent tout le temps, ou un tee shirt avec un ruban. Le problème n'est absolument pas de la même ampleur aussi. Je trouve ça bien parce que il faut que tout le monde en parle, que ce soit un problème connu de tous pour pouvoir le battre. Tant que ça restera secret, honteux, c'est le meilleur moyen pour que ça perdure et que les gens soient rejetés, et que les problèmes de discrimination s'éternisent.
Attendez-vous une mobilisation plus importante pour le 1er décembre ?
Non, pour nous c'est une journée comme les autres, elle est peut-être symbolique mais nous on a fait cette expo pour marquer le coup. C'est une journée ou peut-être les gens sont plus réceptifs à ce problème, mais nous on travaille au quotidien dessus. On ne fait pas quelque chose de particulier ce jour là si ce n'est comme je vous l'ai dit peut-être un peu plus de communication via cette expo par exemple.
Propos recueillis par Eloïse Rey