Versus vidéo © Moussa Sarr
Moussa Sarr est né en 1984 à Ajaccio. A l'âge de 18 ans, il décide de parfaire ses talents artistiques et entre aux Beaux-Arts. Pendant son cursus, il participe déjà à de nombreux festivals artistiques tels que ceux de Clermont-Ferrand, de Bourges, de Marseille, ou encore le Salon d'art contemporain de Montrouge. Il acquiert ainsi de l'expérience, et se forme de manière plus concrète. Photographe et vidéaste, Moussa Sarr est un artiste qui a également un vrai propos. A l'occasion du mois de la photo, il présente « La raison du plus fort », une exposition regroupant des photographies et des vidéos dans lesquelles il aspire toujours à ridiculiser un cliché qu'il interprète lui-même. L'exposition est ainsi l'occasion, il l'espère, de toucher un large public.
Beautiful Agony vidéo © Moussa Sarr
La provocation est relativement présente dans vos œuvres, est-elle volontaire ou non réfléchie ?
Je n'ai pas le sentiment que mes œuvres soient provocantes. Elles réveillent certaines choses chez le spectateur, et provoquent donc un sentiment en lui. Mais à l'origine, je n'ai pas dans l'idée d'être provocant. D'ailleurs, pour moi, la provocation pour la provocation ne sert strictement à rien et ne m'intéresse pas. C'est le propos qui se dégage de mes œuvres qui me pousse à créer, et j'essaie donc de trouver la formule juste. Je tente d'interpeller le spectateur d'une certaine manière, et ça n'est pas si provocant que cela. Mes sujets sont seulement parfois complexes, et il est donc possible, dans l'interprétation, de les trouver provocants. Mais ça n'est pas forcément voulu.
Vous considérez-vous comme un artiste engagé ?
Oui, car dans mon travail il y a du politique. Pas au sens militant du terme, ce n'est pas une question de gauche ou de droite. Il s'agit plus du sens social, et de la défense d 'une cause : celle de l'éternel combat du petit contre le grand. Je parle des rapports de force et de pouvoir, et de la défense des opprimés. Je ne dis pas non plus que tous ceux qui ont du pouvoir en abusent, mais comme ils le disent dans Spiderman, « Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Je traite donc de l'idée d'être responsable face à celui-ci. Si les gens ne le sont pas et qu'ils usent de leur pouvoir pour en avoir encore plus et écraser autrui, je veux défendre celui qui est une petite bête, socialement parlant. Car c'est aussi comme cela que je me considère.
Quels sont les messages que vous souhaitez faire passer à travers vos œuvres ?
Il n'y a pas vraiment de message précis. J'utilise souvent l'univers de la fable, comme La Fontaine ou d'autres fabulistes ont pu le faire. Sauf que dans mes fables, il n'y a pas forcément de morale. Il s'agit juste d'une idée, d'une image. Il y a donc une chose à comprendre mais ça n'est pas vraiment un message, c'est un état d'esprit. Celui de résister même dans les pire moments. La Fontaine disait « La raison du plus fort est toujours la meilleure ». Je suis d'accord mais je pense que ça n'est pas parce qu'un combat est perdu d'avance qu'il ne faut pas le mener avec la conviction de pouvoir vaincre. Si j'avais un message, je pense que ça serait celui-ci.
Vous ne faîtes pas que de la photo mais produisez également des vidéos. En quoi le travail de la photo est-il différent ? Et qu'est ce qui vous pousse parfois à choisir ce support plutôt que l'autre ?
Pour moi, il n'y a quasiment aucune différence. Quand je crée, je pense d'abord par la vidéo. Je suis plutôt dans la vidéo-performance. Néanmoins, il y a des moments où ce médium n'est pas approprié pour un discours, et c'est pourquoi je me tourne vers un autre, et notamment la photo. Mais finalement, pour moi le travail est le même : celui de devenir un cliché et de porter un coup à ce dernier.
Le loup et l'agneau vidéo © Moussa sarr
Vous êtes souvent le sujet principal de vos œuvres, est-ce pour donner plus d'impact à vos messages ?
J'aime jouer avec mon image. Certaines œuvres que j'ai créées, telles que L'orgasme du singe, parlent de racisme et ne peuvent fonctionner que si c'est moi qui les interprète, de par mes spécificités ethniques notamment. Car dans sa lecture, le spectateur va prendre en compte le fait que j'interprète moi-mêmes mes œuvres. Je pense que c'est intéressant d'être son propre sujet car il y a alors l'idée de faire son autocritique et son auto dérision. Et lorsqu'on est soi même dans une certaine légèreté, le spectateur pourra l'être a son tour. Tandis que si l'on pointe du doigt certaines personnes, les gens se sentent plus brusqués. Dans mes œuvres, ils rigolent de moi, ce qui peut leur permettre alors de se moquer d'eux-mêmes. C'est donc une manière de dialoguer. Enfin, si l'on devait ne garder q'une seule chose, je garderais la performance. Pour moi, la performance c'est le corps, et il est bien la seule chose qu'on ne peut pas nous enlever. Il n'est pas du tout matériel, le corps sera toujours présent.
Comment en êtes vous arrivés à exposer pour le mois de la photo ?
Au fur et à mesure des expositions, il y a pas mal de gens qui commencent à connaître mon travail. Ils sont de plus en plus intéressés et m'ont contacté par l'intermédiaire de la galerie Martine et Thibault de la Châtre. Celle-ci m'offre donc une certaine visibilité. J'ai le sentiment que le propos commence à passer.
Quels sont vos futur projets ?
J'en ai beaucoup ! Pour plus tard, j'ai envie d'élargir le mode de diffusion. L'univers de l'art contemporain est très bien, mais j'ai envie de l'élargir pour être certain que le message puisse passer à un plus large public. Car je ne me contente pas de faire de l'art-plastique. Il y a un propos politique, engagé dans mes oeuvres. Et parfois, j'ai le sentiment qu'en restant juste dans le milieu de l'art, celui-ci n'est pas assez diffusé. Je voudrais donc trouver d'autres modes de diffusion.
Quels pourraient être ces modes de diffusion ?
Cela pourrait être le théâtre ou la télévision. Mais je dois réfléchir pour jouer avec ces médias là, car il faut aussi se méfier de ceux-ci. En revanche, ils peuvent diffuser le message de manière plus large.
Propos recueillis par Adèle Latour