Julien Goldstein à Perpignan pour Visa pour l'image, septembre 2012 © Claire Mayer
Julien Goldstein a 33 ans. Il rencontre un jour par hasard Ayperi Ecer, à l'époque rédactrice en chef de Magnum. Elle décide de lui donner sa chance, et après un stage de six mois, l'embauche chez Magnum. Deux ans et demi d'un peu de tout, où le jeune photographe apprend et découvre un univers qui va devenir le sien. En 2001, Ayperi Ecer le pousse à quitter Magnum pour se lancer dans l'univers de la photographie.
Après de nombreux reportages publiés dans Géo, National Géographic ou encore Le Monde, il rejoint en avril dernier l'agence Reportage by Getty images.
Cette année, cet enfant de Visa pour l'image y a exposé un reportage émouvant sur le Kurdistan, un peuple beaucoup trop oublié à son goût.
Rencontre avec un photographe chargé de projets, que l'on arrête plus !
Pouvez-vous nous expliquer le projet que vous avez exposé à Visa pour l'image cette année : « Kurdistan, la colère d'un peuple sans droits »?
C'est parti au départ d'un hasard : j'ai beaucoup travaillé et je continue beaucoup à travailler en Europe de l'est. Jusqu'en 2007, j'ai réalisé essentiellement des reportages en Europe de l'est. En 2007, j'avais envie d'aller voir autre chose.
Je vend essentiellement mes travaux à Géo, pour qui je réalise beaucoup de reportages, et en 2007 je travaillais en binôme avec Olivier Piot, avec qui nous avions fait pas mal de projets en Europe de l'est. Nous avons donc proposé un sujet en Turquie à Géo, sur une minorité chiite en terre sunnite.
Le fixeur que nous avions pris pour ce reportage était kurde, et il parlait parfaitement français. Nous sommes donc partis pendant trois semaines avec lui, nous avons travaillé pendant tout ce temps sur le sujet initial des minorités chiites, mais tous les soirs nous discutions du Kurdistan, sa terre, sa langue … A la fin du voyage, on s'est dit qu'il fallait vraiment que l'on fasse un sujet là-dessus.
Nous sommes repartis, puis revenus quelques semaines après pour réaliser un reportage sur le PKK dans la montagne (le Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation armée se présentant comme un mouvement de guérilla ndlr). Nous pensions n'y aller qu'une fois, et non retourner dans la région.
Finalement, nous avons eu envie d'en savoir plus, et surtout de suivre et d'interroger d'autres personnes que des combattants. De fil en aiguille, nous sommes repartis cinq fois pour Géo au Kurdistan, puis nous avons eu envie de continuer encore, nous avons eu une bourse de la fondation Lagardère.
Au total, c'est cinq ans de travail, 13 voyages …
© Julien Goldstein / Reportage by Getty Images
La suite, ça a été quoi ?
Nous avons sortis un livre, en janvier, aux éditions les petits matins.
Qu'est-ce qui a été le plus difficile à réaliser dans ce projet ?
Nous n'avons pas pu nous rendre en Iran, nous n'avons pas eu les visas, donc nous avons travaillé avec des réfugiés kurdes iraniens en Turquie mais c'est tout ce que l'on a pu faire.
En Syrie, cela a été excessivement compliqué de travailler, on a eu les visas mais c'était un cauchemar pour travailler, nous étions surveillés sans cesse, nous ne pouvions rien faire... J'ai jamais eu autant de mal à travailler qu'en Syrie, nous passions 20h sur 24 à l'hôtel, on sortait quand on avait un contact mais c'est tout.
Au Kurdistan, les gens sont accueillants, vous invitent à boire le thé chez eux, ou au repas de rupture du jeûne lorsque c'est le ramadan. En Syrie, même boire le thé est suspect, les gens ne font pas confiance, sont méfiants.
Nous devions parler de la Syrie, donc nous avons fait deux voyages, et surtout nous avons essayé de travailler du mieux que l'on a pu. Mais dans des conditions non pas dangereuses, mais très compliquées.
Quel est votre meilleur souvenir ?
Il y en a plein... Pendant cinq ans, nous n'avons eu que des meilleurs souvenirs ! On a fait des centaines de rencontres, on a vécu des moments super forts, des moments tragiques, comme cette manifestation qui a dégénéré, il y a eu 3 morts, 60 blessés....
Il y a eu des très beaux moments de fête, des nouvel ans kurdes, le Norouz, qui a lieu le 21 mars, où 1 million de personnes se réunissent dans la rue. J'avais jamais vu quelque chose d'aussi impressionnant !
Il y a des gens aussi qui m'ont marqué, comme un jeune homme dont le portrait est dans l'expo, un combattant. Il est important, car c'est lui qui nous a donné envie d'aller voir plus loin : il a 22 ans, il est venu d'Iran pour lutter avec le PKK, il nous a raconté sa vie, son engagement pour cette lutte à 14 ans …
© Julien Goldstein / Reportage by Getty Images
Comment en êtes-vous arrivé à exposer votre travail à Visa pour l'image ?
J'ai montré mon travail à Jean-François Leroy. J'avais déjà exposé à Visa en 2004, un sujet sur la Transnistrie, une petite république entre la Moldavie et l'Ukraine.
Vous avez été nominé pour le Visa d'or. Ca vous fait quoi ?
J'étais très impressionné quand je l'ai appris, très honoré. Mais Stéphanie Sinclair a vraiment mérité de l'avoir. C'est neuf ans de travail, une super histoire, très bien documentée, des images incroyables, pas une seule image n'est décevante. Châpeau Stephanie !
J'étais vraiment content d'être nominé, et pas que d'un point de vue personnel, mais aussi pour l'histoire : je pense que c'est une histoire importante, il s'agit de 40 millions de personnes, c'est le plus grand peuple du monde sans état, pas très loin devant les palestiniens. Les kurdes sont vraiment sous représentés dans les médias.
Des projets à venir ?
On a sorti le livre en janvier, et depuis je ne voulais pas me relancer dans un gros projet. C'est énormément d'énergie, de temps. Je n'ai pas fait que ce reportage en 5 ans, mais lorsque l'on travaille sur un projet de cette ampleur, on l'a toujours dans la tête, trouver des financements, continuer la documentation ect …
Après ça j'ai fait un sujet à Cuba pour Géo, en Ukraine pour le Monde avant l'euro, en Thailande à la frontière avec la Birmanie... Je pars prochainement à Jérusalem pour Géo … J'avais envie de faire plusieurs sujets différents qui m'intéressaient.
A partir de novembre, je vais me relancer dans un gros projet qui risque de me prendre encore quelques années ! (rire) Ce sera sur les élites chrétiennes au Moyen-Orient, j'ai vraiment envie de comprendre et de voir comment ces élites vont s'en sortir dans ce nouveau Moyen-Orient. Je vais aller en Egypte, Palestine, Syrie, Liban, Jordanie...
Propos recueillis par Claire Mayer