© Harry Gruyaert
Impossible d'être insensible aux clichés d'Harry Gruyaert, photographe belge membre de l'agence Magnum depuis 1981. Ses paysages oniriques plongent sans cesse le public dans un univers dont lui seul a la secret.
Son association avec le moteur de recherche Bing, développé par la société Microsoft, peut, de prime abord, paraître curieux. Dans le cadre de l'exposition qui a eu lieu à la Magnum Galerie en juin dernier, les images d'Harry Gruyaert ont été choisies par Bing pour mettre en avant le goût prononcé du moteur de recherche pour l'image
La stratégie du géant de l'informatique est simple : donner un nouvel élan, plus dynamique et surtout plus visuel à une page d'accueil blanche et sans vie. Donner envie aux internautes, et surtout parvenir à se démarquer.
Rencontre avec Harry Gruyaert et Carole Benichou, directrice marketing des audiences Microsoft France en charge du développement de Bing France, afin d'y voir plus clair.
Pouvez-vous nous expliquer cette collaboration assez étonnante entre un moteur de recherche et un photographe ?
Harry Gruyaert : Ce sont eux qui sont venu me chercher. Ils sont très sensibles aux paysages. Ils ne veulent pas que des gens apparaissent sur les photos, il faut que les photos aillent bien aussi avec le logo ect... On s'est donc rencontrés car ils connaissaient ce travail.
Carole Benichou : Oui, il y avait clairement une affinité, c'est vrai que la démarche est venue de nous au départ, c'est nous qui sommes venus chercher Harry. Nous étions intéressés par son travail, par le fait de partager et d'avoir le regard d'un professionnel, d'un artiste, qui vienne nous dire aussi ce qu'il pensait de la façon dont on avait ancré le visuel, l'image dans le réel du moteur de recherche. Harry a sélectionné pour nous des pages d'accueil, qui sont le pendant de cette exposition à la galerie Magnum. Ce ne sont que des photographies d'images, on a beaucoup de photos de paysages, car l'idée est d'avoir quelque chose lié à une émotion. Ce n'est jamais juste une simple photo qui pourrait être une carte postale, il faut qu'il y ait quelque chose d'insolite : soit c'est l'angle, soit c'est la couleur, soit c'est un endroit que tout le monde connaît mais qui est interprété de façon surprenante.
Pourquoi avoir choisi Harry Gruyaert ?
CB : Nous avons été très émus par son travail. Il y a aussi une histoire d'émotion, on a aimé ce travail sur Rivages, et on y a pensé, par rapport à toutes les contraintes qu'il peut y avoir dans la sélection éditoriale de Bing (un comité éditorial sélectionne chaque photo avant qu'elle soit utilisée ndrl).
Comment ce projet a-t-il vu le jour ?
HG : Le projet s'est mis très rapidement en place, en un mois. Nous nous sommes vus rapidement. Rivages est pour moi un travail ancien, que je continue. L'exposition a pas mal voyagé, j'étais à Arles il y a quelque temps, au bon marché ect … Quand j'ai mis en place l'expo à Arles, j'ai réalisé que j'avais beaucoup de photos de rivages, je ne savais pas que j'en avais autant. C'est lié à mon intérêt pour la peinture hollandaise du 17 eme, où il y a beaucoup de bords de mer, à mes origines belges aussi. Je ne suis pas un photographe qui a beaucoup de concepts, je suis intuitif pour certaines choses et pour d'autres moins. C'est très lié à la couleur, aux formes … Je ne suis pas un photographe humaniste comme beaucoup de photographe de chez Magnum.
Cette série était évidente ? Auriez-vous aimé en mettre une autre ?
HG : Ils ont beaucoup de contraintes, chez Microsoft, et il fallait que ce soit assez clair, assez direct, qui attire.
CB : Ce qui est intéressant c'est qu'il y en a beaucoup qui ont ce caractère insolite et curieux, et qui font l'importance de ce critère de choix pour les pages d'accueil de Bing.
HG : Il ne faut pas non plus que ce soit trop chargé, car lorsqu'il y a trop d'éléments ce n'est plus clair pour l'internaute.
Pouvez-vous nous expliquer le partenariat entre Bing et la Magnum Galerie ? Est-ce la première fois ?
CB : Harry est attaché à Magnum, on nous a proposé cette galerie on s'est dit que c'était une bonne idée. Bing voulait matérialiser son engagement auprès de la photographie, et a mis en place cette dotation. Pour l'ensemble des œuvres qui seront acquises pendant la durée de l'exposition, Bing reversera 30% en dotation à la Magnum Foundation.
A quoi sert la fondation Magnum ? Quelle est sa portée ?
HG : Elle est destinée non pas aux photographes de Magnum, mais sert à promouvoir de jeunes photographes, à les soutenir financièrement dans leurs travaux.
Cette association est assez innovante, qu'espérez-vous comme retombées ? Espérez-vous recommencer l'expérience avec d'autres photographes ?
CB : Le simple fait que les gens découvrent que Bing a cette page d'accueil, qu'ils aient envie de découvrir Bing car c'est quelque chose de différent, c'est important pour nous. Il y a beaucoup d'internautes qui utilisent Bing, mais sans jamais passer par la page d'accueil. Alors que celle-ci dégage un sentiment, elle est très innovante et esthétique et a tout un univers visuel.
Harry Gruyaert, parlez-nous de la série « Rivages »
Ce sont plutôt des photos du Nord. Ces images ont été faites au gré de mes voyages, et j'ai été très étonné d'en avoir autant, et que les images fassent sens entre elles.
Quel matériel avez-vous utilisé ?
La plupart ont été réalisées en argentique, mais le film que j'ai utilisé toute ma vie n'existait plus, donc j'ai du continuer au numérique. Il y a les deux. Avant le numérique, c'était beaucoup plus compliqué, il y avait une limite, on savait que parfois on ne pouvait pas aller plus loin. J'utilise un Canon 5D, comme beaucoup de photographes.
Carole Benichou, quelle est votre photo préférée ?
CB : Celle-ci (voir ci-dessous) : je trouve que les couleurs sont étonnantes, on a l'impression d'y être. Je trouve cela extrêmement attirant. Il y a une vraie projection, avec la mer en fond.
© Harry Gruyaert
Avez-vous des projets à venir ?
CB : Pour nous ce projet n'est pas un coup que l'on fait une fois, cette sélection de photos – et de vidéos depuis quelque temps – fait partie de la différentiation du produit, dans lequel on s'engage dans la durée.
HG : J'exposerai à Bruxelles le 13 décembre, au « Botanique ».
Propos recueillis par Claire Mayer