© Alice Carfrae
Malika Gaudin Delrieu, Isabelle Milbert et Alice Carfrae sont trois femmes aux parcours atypiques mais non différents.
Malika Gaudin Delrieu et Alice Carfrae sont photographes, et passionnées. Elles ont étudiées ensemble à l'Université de Newport au Pays de Galles. Ce qui les attire, ce sont les gens dont la vie a basculé : les migrants, les prostituées pour Malika, les personnes victimes du trafic d'être humains pour Malika.
Isabelle Milbert, quant à elle, est économiste et spécialiste du sous-developpement, professeur, anthropologue et sociologue du développement. Depuis toujours, elle s'intéresse de près aux problèmes de l'Inde et du Népal, à tous points de vue, économiques et surtout sociaux.
Entretien avec ces trois femmes d'exception, à l'occasion de l'exposition d'Alice Carfrae, « Tin Girls» à Lyon, sur les femmes victimes de traffic d'être humain au Népal.
Malika Gaudin Delrieu, Isabelle Milbert, Alice Carfrae : Pour commencer, pouvez-vous chacune nous raconter votre parcours ?
Alice Carfrae : J'ai toujours aimé raconter des histoires. Mon grand père était un excellent conteur et j'ai toujours souhaité l'être aussi, mais n'étant pas aussi charismatique, j'ai préféré utiliser mon aptitude à faire des images. Ma licence en photo-journalisme à l'université de Newport a été un enseignement inestimable qui m'a permis d'améliorer ma pratique photographique, ainsi que ma capacité à sélectionner et présenter les images. J'ai ainsi pu raconter des histoires au travers des photos. J'ai aussi étudié les techniques dites de multimédia grâce à des ateliers, afin d'apprendre à utiliser la vidéo et l'audio. Récemment j'ai travaillé avec un écrivain, un metteur en scène et un réalisateur pour mettre en place une représentation théâtrale sur le sujet du trafic humain au Népal, utilisant également des éléments audio et filmiques. Cette pièce a été joué au Dartington et au « Bike Shed Theatre » à Exeter. Le spectacle a permis de récolter beaucoup de fond pour une association de lutte cotre le trafic humain au Népal avec laquelle j'ai tissé des liens.
Malika Gaudin Delrieu : Je suis française j'ai 22 ans, j'ai passé un bac international qui m'a permis de faire mes études dans un pays anglophone. J'ai fait la licence de Photo-journalisme de l'Université de Newport au Pays de Galles car le cursus proposé correspondait en tous point à ce que je voulais faire : apprendre à construire et mener des reportages photos de façon autonome, et avec une liberté de choix totale sur les sujets abordés. Pendant mes études j'ai concentré mes reportages sur des enjeux sociaux, particulièrement les problématiques d'immigration. J'ai fini mes études depuis un an maintenant et continue à travailler en tant que photo reporter freelance. Je conduis un nouveau reportage sur la prostitution et travaille simultanément à la promotion du reportage précédent en essayant de faire connaître la cause que j'ai documenté.
Isabelle Milbert : J'ai découvert l'Inde et le Népal en partant au hasard avec les économies de mes trois premiers mois de salaire ! Je ne connaissais rien, j'ai voyagé au hasard, le choc culturel a été terrible, tout était au-delà de mon imagination, un peu comme ce que raconte Tabucchi dans "Nocturne Indien". J'avais 23 ans , j'ai mis 6 mois à "intégrer" et commencer à comprendre tout ce qui m'était arrivé, et la passion était désormais là... Comme il n'y avait aucun moyen de travailler en Asie à ce moment là, je me suis lancée dans un doctorat sur les villes indiennes, comme "prétexte" pour pouvoir retourner là bas. Je me suis prise au jeu et passionnée pour mon sujet, même si les villages népalais étaient ma passion profonde. Comme mon sujet était à l'époque très original, ensuite je n'ai pas eu de problème à continuer dans la recherche puis à l'Université.
Malika Gaudin Delrieu, Isabelle Milbert, Alice Carfrae : Quel est pour vous le but de votre profession ? Que cherchez-vous à faire par le biais de votre profession ?
AC : Raconter des histoires vraies est mon objectif principal. Je voudrais permettre aux personnes qui voient mes images d'apercevoir une vie qui n'est pas la leur, de voir des modes de vie différents. Je pense qu'il est extrêmement important de comprendre comment d'autres personnes vivent. Même si l'on ne peut pas toujours comprendre ces autres manières de vivre, cela peut nous permettre de développer notre capacité à l'empathie.
MGD : Relayer un message est pour moi le but premier de ma pratique. Je rencontre des personnes qui ont des histoires extraordinaires à raconter, des idées ou des messages à faire passer, et j'agis comme une sorte de traducteur. La photo permet de faire passer ces messages à un nombre important de personnes. Je n'essaie pas d'être neutre car j'estime qu'il est de toute manière impossible de l'être dans les situations où je travaille, mais j'affiche clairement mes points de vue et ceux des personnes que j'ai rencontré pour que le public puisse s'informer et se former une opinion.
IM : Objectif de fond: participer aux efforts d'amélioration de la vie des plus pauvres, en particulier dans les bidonvilles de l'Asie du sud; faire connaître la situation, proposer des améliorations.
Objectif personnel: continuer avec ce plaisir de pouvoir dialoguer aussi bien avec des bidonvillois que des ministres, toujours aller au delà de mon imagination...
Aujourd'hui, alors que je ne suis plus très éloignée de la retraite, mon objectif est de transmettre un maximum aux étudiants et chercheurs, à travers mes enseignements et publications.
Alice Carfrae : pouvez-vous nous expliquer votre projet « Tin girls » : de quoi s'agit-il, comment s'est-il mis en place, comment vous l'avez réalisé ?
En 2011 je me suis rendue à Sindulpalchowk, dans la région nord est du Népal, un endroit qui est particulièrement touché par le problème du trafic humain. Beaucoup de femmes sont emmenées vers le Moyen Orient en tant que femme de ménage mais deviennent en réalité des esclaves sexuelles ou domestiques. Lors de mon voyage au Népal j'ai rencontré des personnes ayant survécu à ce trafic. J'ai photographié et interviewé les personnes qui souhaitaient raconter leurs histoires. Partager leurs expériences étaient importants pour ces femmes qui espéraient que cela permettrait non seulement de briser les tabous et jugements existant autour du trafic humain, mais aussi d'empêcher que cela ne se reproduise, que d'autres femmes soient prises dans ce piège. Je suis consciente que cette problématique a été largement documenté par le photo-journalisme mais j'ai souhaité l'aborder de manière différente, utilisant les techniques du multimédia afin de créer un reportage à plusieurs voix.
© Alice Carfrae
Alice Carfrae : il y a malheureusement beaucoup de pays qui ont recours au trafic d'être humains, qu'est-ce qui vous a mené au Népal ?
J'ai d'abord visité le Népal en tant que touriste, et comme beaucoup d'autres j'ai été subjugué par ses paysages magnifiques, sa culture si vivante et ses habitants chaleureux et ouverts. J'ai donc été choquée de découvrir le problème du trafic d'être humain qui sévit dans la région, au travers d'un reportage sur les femmes népalaises ayant été emmenées vers des maisons closes en inde. J'ai eu l'impression d'avoir visité le pays les yeux fermés, sans me rendre compte que le problème était non seulement présent mais aussi extrêmement répandu. J'ai eu besoin d'y retourner et d'enquêter.
Alice Carfrae : Qu'est-ce qui a été pour vous le plus dur dans ce reportage ? Ce qui vous a procuré le plus de joie ?
Il était très difficile d'entendre les récits de viols, de tortures et de sévices que m'ont confié les femmes que j'ai rencontré. Mais elles étaient des survivantes, qui non seulement avaient réussi à s'en sortir mais étaient également d'accord pour partager leurs histoires avec moi et avec le monde. Même si il aurait été facile de s'effondrer en larme durant ces récits, je savais que je leur devais de rester forte et d'écouter de bout en bout. La dernière chose dont elles ont besoin est que nous ayons pitié d'elles et que nous les traitons en victimes alors qu'elles ne le sont plus.
La manière dont certaines d'entre elles se sont ouvertes à moi étaient extraordinaire. J'ai passé énormément de temps à parler avec elles, et j'ai même vécues avec certaines d'entre elles et leurs familles. Ce fut une expérience incroyable que d'être invitée chez elles et très touchant de voir que ces personnes qui possédaient si peu m'offraient autant.
Isabelle Milbert, Malika Gaudin Delrieu : Que pensez-vous du travail d'Alice ?
MGD : J'aime et j'admire beaucoup le travail d'Alice. Elle approche ses sujets avec douceur et respect, et expose leurs vies de la même manière. Son utilisation précise de la lumière permet d'exprimer des sentiments qui vont au delà de la simple représentation. Elle s'intéresse réellement aux personnes qu'elle photographie, et s'engage pour eux au delà de sa pratique de reporter. Autant d'attitudes qui sont précieuses dans la profession et rendent son travail aussi touchant qu'engagé.
IM : J'ai vraiment été impressionnée par la façon dont Alice arrive à rendre palpable une situation sociale dramatique, tout en préservant une sensibilité, et une immense qualité esthétique. J'ai adoré comment elle "plante le décor", donnant en peu d'images la réalité de ces montagnes népalaises.
Isabelle Milbert : Pouvez-vous nous parler sociologiquement du trafic d'être humains, dont traite Alice dans son reportage ?
Ce trafic est caractéristique des sociétés déstabilisées, soit par la pauvreté (les vallées du Népal sont surexploitées, surpeuplées, dégradées sur le plan écologique et très pauvres) , soit par la guerre civile avec la guérilla maoïste et l'abandon des villages par le gouvernement central qui ont fait beaucoup de dégâts dans les villages et dans les familles . Le trafic est très actif entre le Népal et l'Inde et revêt des formes diverses. Malheureusement, toutes les caractéristiques bien connues sont présentes: exploitation de la pauvreté, des plus faibles à l'intérieur de la famille, des situations familiales précaires. De l'autre côté, les réseaux d'exploiteurs, qui mènent les enfants jusqu'à Bombay en particulier, mégapole où l'on retrouve souvent des enfants népalais en situation d'exploitation complète (prostitution, servage etc...) Des ONG spécialisées essaient d'intercepter les enfants victimes de la traite à la frontière entre le Népal et l'Inde, ce sont en général des femmes, qui ont été elles-mêmes enlevées et victimes du trafic , qui font ces vérifications, car elles "sentent" les situation ambigües mieux que personne. Dans une interview où on lui demandait si ce travail n'était pas trop dangereux, l'une de ces femmes a répondu: "cela est sans importance, de toute façon, je suis déjà morte à l'intérieur de moi".
Malika Gaudin Delrieu : Vous traitez beaucoup dans vos reportages de la question de l'immigration en Europe. Avez-vous été déjà confrontée aux problèmes de trafic humain ?
Le trafic humain est un problème inhérent aux problématiques d'immigration mais il existe sous plusieurs formes distinctes. La grande majorité des personnes voulant venir en Europe le font avec des passeurs, il est impossible de ne pas en utiliser, car ces personnes contrôlent les passages illégaux des frontières et font payer pour leurs services qu'on le veuille ou non. Le prix d'un passage dépouille en général le migrant de l'argent qui lui reste, mais est censé assurer sa protection pendant le voyage. Cependant rares sont les passeurs qui respectent la vie des personnes qu'ils emmènent, et nombre des migrants que j'ai rencontré ont été victimes d'abus graves: abandonnés dans le désert de Libye à une distance très importante de la ville où ils devaient aller, entassés dans des embarcations sans moteurs vers Malte, jetés à l'eau au large de Ceuta avec comme consigne « nage c'est pas loin », battus, dépouillés...
Ce type de trafic ne concerne que le voyage mais beaucoup n'y survivent pas. Dans les camps chaque personne connaît quelqu'un qui est mort, dans le désert ou en mer. Mais certains sont des victimes des passeurs pendant plus longtemps, car n'ayant pas pu payer la totalité du voyage par exemple ils sont menacés de répercussions sur leurs familles. Ils sont victimes de réseau mafieux qui les emmèneront vers des maisons closes ou les transformeront en esclaves après avoir pris leurs papiers. Ces personnes n'arrivent pas dans les camps que j'ai visité.
Malika Gaudin Delrieu, Alice Carfrae, Isabelle Milbert : Comment réagissez-vous quand vous êtes face à des problèmes de société comme ceux auxquels vous êtes confrontées ? N'est-ce pas difficile pour une femme ? Ou dangereux ?
AC : Je pense qu'être une femme photographe ne fait pas de différence majeure, ce qui compte c'est la manière dont on agit avec les autres, en tant que personne. Cependant je ne pense pas que j'aurais pu avoir une relation aussi ouverte avec ces femmes si je n'en étais pas une, étant donné que la culture népalaise maintient toujours une ségrégation entre les sexes. La traductrice avec qui j'ai travaillé était incroyable et très douée pur mettre les personnes que nous avons interviewé à l'aise. Elle venait également d'un petit village de montagne comme ceux où nous avons travaillé et on peut imaginer que les femmes étaient plus à l'aise à l'idée de parler avec une autre femme de leur nationalité. Mais je pense qu'en réalité il était plus facile pour moi de gagner leur confiance en tant qu'étrangère car la culture locale impose un tabou stricte sur le sexe, et l'on n'en parle difficilement même à sa famille ou à ses amis. Il était plus facile pour elles de dépasser ce tabou avec quelqu'un qui ne faisait pas partie de leur culture.
Il faut être prudent lorsqu'on voyage ou que ce soit, mais je me suis sentie en parfaite sécurité au Népal. Beaucoup de personnes m'ont demandé si j'avais eu peur d'être moi même kidnappé ou victime des trafiquants. La vérité est que les trafiquants réellement dangereux opèrent à des niveaux élevés et s'estiment intouchables, donc ils ne sont pas inquiété par une femme avec un appareil photo. J'en ai même rencontré plusieurs qui ont accepté d'être interviewés.
MGD : Je suis persuadée que pour le sujet que j'ai traité être une femme m'a ouvert des portes et que ce projet aurait été plus difficile à réaliser si j'avais été un homme. Les responsables des camps où j'ai mené le reportage m'ont laissé un accès total aux endroits qu'ils géraient, et cela en partie parce qu'en tant que jeune femme photographe étudiante je ne présentais pas de menace. Ils auraient eu plus d'appréhension si j'avais été un homme adulte, et selon toute vraisemblance je n'aurais pas pu passer autant de temps dans les camps ou y vivre comme je l'ai fait.
En ce qui concerne ma relation avec les personnes photographiées, la aussi être une femme fut un avantage. J'ai pu passer du temps avec les hommes et avec les femmes, ce qui aurait été plus difficile pour un homme car les femmes migrantes viennent souvent de culture où la ségrégation entre les sexes est un élément important. Je ne me suis jamais sentie en danger, les hommes migrants étaient très amicaux, adoptant une attitude souvent protectrice envers moi. Mais ce qui compte le plus en fin de compte, ce n'est pas que je sois une femme, mais que j'ai passé assez de temps dans ces endroits pour obtenir la confiance des gens. Nombre d'entre eux étaient très méfiants à mon égard au premier abord car ils voient passer beaucoup de journalistes, qui restent dans les camps moins d'une journée, photographient ou filment les personnes sans leur accord et disparaissent. Quand les migrants se sont rendus compte que mon attitude n'était pas la même, que je restais plusieurs semaines et que je ne photographiais personne qui ne souhaitaient pas l'être, ils ont presque tous acceptés d'être interviewés.
IM : C'est vraiment très difficile. J'essaie d'agir en amont, en signalant les abus et aussi en appuyant des ONG qui font un remarquable travail . Mais la police est souvent partie prenante du trafic et répond systématiquement "ne vous mêlez pas de cela sinon vous aurez des ennuis". Mes étudiants qui ont tenté de poursuivre des pistes (enfants disparus dans des orphelinats) mais ces recherches n'ont abouti à rien. En tant qu'étrangers, nos moyens sont faibles et on pourrait nous renvoyer aussi à la réalité des rues européennes, où se trouvent de nombreuses victimes du trafic. Mon admiration va aux personnes indiennes ou népalaises (dans le cas de ces pays), qui, au sein d'ONG font un magnifique travail de prévention, de réparation et de construction de la résilience.
Isabelle Milbert : Vous traitez beaucoup la question indienne. Pouvez-vous nous parler du trafic d'êtres humains en Inde ? Compte tenu de la proximité géographique des deux pays, est-ce les mêmes conditions qu'au Népal ? Quelles sont les solutions pour que le trafic d'êtres humains cesse ?
Bien sûr la situation est tout aussi dangereuse pour les enfants de populations marginalisées. Le problème principal apparaît au moment où la protection familiale est affaiblie, par un deuil, une mauvaise récolte, une absence. Sinon, même dans les familles très pauvres, les parents sont extrêmement soigneux de surveiller leurs enfants, tout comme ici.Les enquêtes faites par Terre des Hommes au Bihar par exemple montrent que c'est au moment de la migration que la traite des enfants va se concrétiser. Cas typique: famille très pauvre, le père est parti comme travailleur agricole travailler à 800 km de là, au Pendjab. L'enfant ou l'adolescent, dans une période de disette, va proposer de suivre le même chemin et part avec des "accompagnants" qui souvent se révèlent des organisateurs de la traite. Des amies indiennes de l'UNICEF ont un jour organisé un "coup de filet", avec l'appui de la police indienne, sur un marché de l'Uttar-Pradesh où le bruit courait qu'il était un centre de trafic d'enfants (Bihar et Uttar Pradesh sont deux régions indiennes contigües du Népal): dans une matinée: 45 enfants avaient changé de main!
Malika Gaudin Delrieu, Isabelle Milbert, Alice Carfrae : Quel est votre cliché préféré et pourquoi ?
AC : Mon cliché préféré est celui des deux sœurs qui chantent ensemble. Elles chantent une chanson d'amour populaire venant d'un film de Bollywood. Comme le font toutes les jeunes filles. Emplies du même romantisme, des espoirs, des rêves et des ambitions qui habitent tous les adolescents.
© Alice Carfrae
MGD : Mon cliché préféré est celui des jambes de la jeune filles sur le tapis, dans la lumière et ou des cicatrices sont visibles des sévices qu'elle a subi. Cette image parle d'une réalité terrible, de souffrance inimaginable mais le fait en respectant le sujet, avec douceur et sans jugement. Pour moi cette photo évoque aussi la force de cette jeune femme qui est une survivante, il n'y a pas de pitié, juste beaucoup de respect et d'empathie.
© Alice Carfrae
IM : Les photos m'impressionnent par leur qualité esthétique. Je redoute de connaître l'histoire qui se cache derrière certaines d'entre elles. Elles doivent peut être être accompagnées d'une légende, car elles recouvrent tellement de non-dits, d'interrogations, de drames cachées... Mes préférées sont donc les deux plus évidentes : celle dans le champ de fleurs avec l'enfant au milieu, et l'autre, de la jeune fille, très simple, dont le regard dit le poids des épreuves et des angoisses.
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Malika Gaudin Delrieu, Isabelle Milbert, Alice Carfrae : Quels sont vos projets ?
AC : Je déménage en chine en Septembre pour faire un master universitaire en journalisme multimédia. J'espère pouvoir ensuite rester basée en Asie, et voyager pour continuer à être reporter avec ces nouvelles techniques.
MGD : Je continue à mener mes reportages en freelance. Je travaille actuellement avec une personne prostituée de 74 ans et nous racontons l'histoire de sa vie actuelle, sans tabous et sans jugements. J'espère pouvoir continuer à travailler sur ce projet, le mener à son terme et le faire publier. Alice et moi avons également pour projet de mener un reportage ensemble dans l'année qui vient. J'espère également être prise dans une agence photographique ce qui faciliterait grandement la diffusion de mes reportages.
IM : Je retourne en Inde et au Népal très régulièrement. C'est mon travail : pour faire des interviews, des enquêtes dans les villes, pour participer à des colloques où mes idées peuvent passer dans les politiques publiques, au mieux. Mon rêve serait de pouvoir retrouver la liberté de mes premiers voyages ! Décider chaque matin où aller, avec mon appareil photo et mes carnets de notes... Prendre le temps d'écouter chacun, alors que présentement ma vie en Asie du sud, quand j'y vais, est très cadrée : j'arrive de l'aéroport à 2 heures du matin à l'hôtel, mes premiers rendez vous sont à 9 heures !
Alice Carfrae, Malika Gaudin Delrieu : Allez vous continuer à traiter des mêmes sujets ?
AC : Étant basée sur Pékin, il sera facile pour moi de voyager vers le Népal pour continuer à documenter le problème du trafic humain car c'est un sujet qui me passionne maintenant. Hélas le problème est si largement répandu dans la région, et touche tant de personnes dans des endroits si variés, que je n'ai pour le moment fait qu'en effleurer la surface.
MGD : Je continuerai à revenir vers les problèmes auxquels font face les migrants car c'est un sujet qui me touche beaucoup et que je maitrise de mieux en mieux pour y avoir déjà passé beaucoup de temps. Mais ce n'est pas le seul sujet que je souhaite documenter, et je continuerai aussi à photographier d'autres sujets. Mes reportages restent concentrés sur les enjeux sociaux, et suivent des personnes en difficulté ou marginalisées d'une manière ou d'une autre, que ce soit pour leur donner une voix, ou pour donner à voir que d'autres modes de vie sont possibles.
Propos recueillis par Claire Mayer
Photos et vignette © Alice Carfrae