«Le régime a récolté la terreur qu'il a semée», explique Ryad en cette deuxième journée de championnat, fin octobre 2011. Il fait partie des Ultra Ahlawy, des férus du ballon rond et supporters fanatiques d'Al Ahly (le Real Madrid africain, septuple champion d'Egypte en titre), dont le rôle dans la révolte égyptienne de janvier et février 2011 a été déterminant. Le photographe William Dupuy et le journaliste Mathieu Ropitault ont suivi les Ultras Ahlawy pour le magazine Yards (http://actuphoto.com/21230-le-sport-en-images-2-2-yards-grands-reportages-et-sport.html), et livrent un reportage sous haute tension. Actuphoto le diffuse aujourd'hui en Carte Blanche.
Selon Yasser Thabet, commentateur éclairé des sociétés arabes et moyen-orientales, les Ultras égyptiens, supporters les plus exaltés des clubs de foot du pays, «sont des adolescents et de jeunes adultes qui ont trouvé dans le soutien d'un club de football un moyen d'identification. Ce sont les futurs citoyens d'une nation despotique , qui sont confrontés à un avenir bouché, qui côtoient la pauvreté au quotidien, qui sont touchés par le chômage, qui critiquent la corruption des gouvernants, et qui ont l'impression d'être totalement ignorés par le régime au pouvoir. Rejoindre les Ultras, au final, c'est aussi un signe de protestation». De véritables fans de foot à l'origine, «ils sont d'abord intervenus (sur la scène politique, ndlr.) car ils étaient dirigés par de pronfonds sentiments nationaux. Ils étaients convaincus, comme la grande majorité de la population, que le temps était venu de se battre pour une Egypte plus démocratique et moins corrompue», précise-t-il.
«Nous avons été les premiers en Egypte à répondre à la brutalité policière par la violence. Se battre sur la place Tahrir était la conséquence logique du harcèlement dont nous étions les victimes dans les stades», précise Ryad. Sans les Ultras, la révolution égyptienne n'aurait probablement pas connu la même destinée.
La preuve : les rivalités entre les différents collectifs Ultras ne les auront pas empêché de marcher à plein régime contre les abus de pouvoir dont ils sont victimes. Avec les Frères Musulmans et les coptes, ils sont même considérés comme un des principaux groupe de pression contre l'ancien Raïs. Selon Mokhtar, la protestation coule dans leurs veines : «Al Ahly a été fondé en 1907 par des syndicats étudiants pour s'opposer à l'occupation anglaise, car les clubs nationaux n'acceptaient pas les joueurs égyptiens. Ils ont oeuvré pour l'indépendance du pays et nous ne faisons que reprendre leur flambeau en luttant contre toute domination». Dans les tribunes, slogans et chants font preuve d'une véritable conscience politique et sociale.
Un an après le soulèvement égyptien, les Ultras ont retrouvé les tribunes de la révolte. En février 2012, le drame de Port-Saïd et ses soixante-quatorze victimes en plein stade confirmaient le climat encore instable du pays et l'attitude ambigüe des autorités à l'égard des Ultras.
Photos : © William Dupuy
Ambrine Benyahia et Antoine Soubrier avec Yards Magazine #2.