© Actuphoto
C'est dans un lieu peu commun, un restaurant au coeur de Paris nommé L'Alcazar, que Raymond Depardon expose ses photographies sur New-York réalisées en 1981 pour le journal Libération. Au moment où nous visitons les lieux, au milieu des préparatifs pour le tournage de l'émission Top Chef et dans le bruit des cuisines qui s'activent peu à peu, il est possible de (re)voir le reportage du photographe-réalisateur de 70 ans. Les photographies, exposées sur toute la longueur du mur du restaurant retracent, chronologiquement, le voyage du reporter, membre de l'agence Dalmas puis Gamma avant de rejoindre Magnum en 1978.
C'est en effet au cours d'un reportage pour le journal français entre le 2 juillet et le 7 août 1981 que Depardon a photographié la vie et la ville new-yorkaises, revenant avec des images d'une grande beauté et subjectivité. Les photographies de la capitale américaine jonglent entre tumulte et "temps-morts", entre désir de reportage journalistique et autobiographie. Cet aspect est d'autant plus marquant par les textes manuscrits de l'artiste qui témoignent de ses états d'âmes et de ses réflexions au cours de ce voyage sous les photographies en noir et blanc. Graphique, humaine, sensible, Depardon nous livre une vision peu commune de New-York à travers les contrastes et la luminosité particulières de cette ville.
Dans un bureau plus au calme, Michel Besmond, directeur du restaurant, nous parle des photographies exposées à L'Alcazar, et plus particulièrement, de l'exposition Depardon.
Vous présentez l'exposition Depardon à l'Alcazar, comment se fait l'accord avec les agences ?
Il faut savoir qu'historiquement L'Alcazar a 12-13 ans d'existence et très vite est devenu un lieu de photographie ; la galerie Kamel Mennour s'est ouverte en même temps que nous et juste à côté de chez nous : on a tissé des liens d'amitié. C'est une galerie qui a développé beaucoup de photographies et beaucoup de photographes très intéressants : Araki et Saudek par exemple, qui font partis du top t'en des photographes du monde et dont les expos se sont prolongées ici. Très naturellement, au fil des années, L'Alcazar s'est construit comme un lieu de photographie avec une vraie légitimité, avec des photographes de très haut niveau. Le lieu lui-même, très contemporain avec de grands espaces était naturellement fait pour présenter de la photographie, et moi-même j'aime beaucoup la photographie : ce mélange des choses a fait que L'Alcazar et la photo se sont liés très tôt.
L'agence Magnum a ouvert il y a 2-3 ans une galerie à Saint-Germains-des-Prés, donc tout proche de chez nous, et on a lié un peu le même type de lien que j'avais lié avec Kamel ; plutôt que les oeuvres restent dans des cartons chez Magnum, pourquoi ne pas les exposer à l'Alcazar. Depardon est un photographe que j'aime beaucoup, qui a fait des choses avec de vrais points de vue, et qui donc, légitimement, s'est retrouvé à L'Alcazar.
Comment se fait le choix des photographies ? Est-ce vous ? Les galeries ?
C'est en fonction de ce qui est déjà encadré, de ce qui est existant : à travers des possibles, on fait un choix. Cette exposition de Depardon qui date de 81, qui a été publiée dans Libération à l'époque (c'est un reportage de 45 jours je crois, du 1e juillet au 15 août [du 1e juillet au 7 août en réalité, ndlr]), c'est une photo par jour avec une annotation manuscrite de Depardon. C'est quelque chose qui d'ailleurs à l'époque avait un peu changé la façon de voir et de faire des reportages ; c'est quelque chose qui m'a assez fasciné et vraiment intéressé. Ca fait partie des choses que j'ai choisi en allant chez Magnum et qui fonctionnent très bien à l'endroit où c'est installé, qui fonctionne très bien à L'Alcazar. Alors c'est un peu compliqué de s'approcher, de lire, parce que c'est écrit en petit, mais ça fait partie des avantages et des inconvénients : c'est un lieu public, c'est ouvert… J'aime bien l'idée de transporter des oeuvres dans des lieux publics, que les oeuvres ne soient pas réservées aux galeries. Bien évidemment, les galeries c'est bien, mais c'est bien qu'un public plus large, qui ne fréquente pas forcément les galeries ait accès à des oeuvres de qualité. J'aime bien cette idée d'avoir des lieux publics dans lesquels on met des oeuvres de qualité. D'ailleurs en ce moment, en même temps que Depardon, il y a deux photographes accrochés : Bruce Gilden qui fait partie de l'agence Magnum aussi, qui a un vrai point de vue sur la mode, c'est un vrai style, un vrai regard, et puis Nicolas Bruant qui est un photographe français dont l'exposition s'appelle Traces et qui est aussi un regard sur le monde, une façon de voir. Ca n'est qu'un ensemble de chemins et de routes à travers des paysages que je trouve aussi passionnants et intéressants.
Aurélie Laurent, le 1e mars 2012.