Durant trois ans Camille Millerand, jeune photographe talentueux, a travaillé en tant qu' étalonneur numérique au sein de l'agence Œil Public. Après cette expérience, il décide en 2007, de devenir photographe indépendant. Camille Millerand réalise alors des commandes pour la presse notamment pour Le Monde, Jeune Afrique, Courrier Cadres et d'autres, ainsi que pour des collectivités territoriales. Son travail photographique est tourné vers les problèmes sociaux, il a ainsi travaillé sur différents sujets et exposés dans divers lieux, notamment lors des Rencontres Photographiques de Créteil. Grâce au soutien de la bourse « Défi Jeunes », il axe son travail sur le quotidien de différentes jeunesses. Et a ainsi travaillé sur la jeunesse malienne d'un quartier de Bamako, la jeunesse ivoirienne et la jeunesse roumaine qui a d'ailleurs interpellé les Rencontres Photographiques de Créteil puisque il y a exposé ses clichés intitulés: La Nouvelle Roumanie. Dans le but de faire la connaissance de photographes talentueux et d'approfondir leur travail, Actuphoto vous propose un entretient avec ce jeune photographe: Camille Millerand.
Cette participation aux Rencontres Photographiques de Créteil a-t-elle été une réelle opportunité pour vous?
Participez aux rencontres photographiques de Créteil a été un moyen de donner une nouvelle visibilité à mon travail sur la jeunesse roumaine, celle vivant à Bucarest et celle de deux villages situé à 50 km de la capitale : Perieti et Mihai Bravu. C’était important et gratifiant de pouvoir montrer ces images à un autre public : les jeunes de la Maison Pour Tous de la Haye aux Moines.
Pourquoi êtres devenu en 2007 photographe indépendant, quelles ont été vos motivations?
Après 3 ans d’apprentissage au sein de l’agence Œil Public, j’avais envie à mon tour d’être photographe indépendant. De partager mon temps entre projets photographiques personnels et commandes émanant de la presse ou institutionnelle. La photographie s’est révélé être un moyen d’expression le mieux approprié pour raconter des histoires, aller à la rencontre des gens et susciter une réflexion par rapport à différentes problématiques sociales et humaines retranscrites en images.
Vous travaillez sur la jeunesse? Comment se sujet est-il né? Quel a été l'élément déclencheur?
Mes premiers projets photographiques ont concerné effectivement le quotidien de différentes jeunesses. La première série a concerné la jeunesse d’un quartier de Bamako. Ce travail a été mené dans le cadre d’un échange avec une photographe malienne, Fatoumata Diabaté. Elle s’était concentrée sur la jeunesse franco-malienne en Ile de France. Le travail de Gilles Coulon, « avoir 20 ans à Bamako » a été l’élément déclencheur de cette série. Il nous avait à l’époque, conseillé sur l’élaboration de cet échange et l’éditing final des images. Plus qu’un sujet en tant que tel, donner un point de vue photographique sur certaines problématiques sociales à travers le prisme de la jeunesse m’a semblé être une posture dans laquelle je me suis, tout de suite, senti à l’aise.
De Bamako à Bucarest, d’Aubervilliers à Abidjan, j’ai toujours réussi à créer un dialogue avec ces différentes jeunesses afin d’aborder des problématiques socioculturelles propres à un pays, une région ou une ville.
Pourquoi vous êtes vous intéressé particulièrement à la jeunesse roumaine?
L’envie d’aller à la rencontre de la jeunesse roumaine provient d’une rencontre, durant l’été 2007, avec une jeune journaliste roumaine, Dia Radu, a qui j’avais exposer ma vision de la Roumanie. Face à ma conception dépassée de son pays, elle proposé d’aller à la rencontre des jeunes de chez elle pour tenter de dresser un portrait de ce pays récemment entré dans l’UE
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Qu'est-ce qui vous motive en photographie? Et qu'est-ce qui vous a amené à devenir photographe?
J’aime aller à la rencontre d’univers et de parcours différents du mien. Sensible depuis longtemps au journalisme d’investigation et à la démarche documentaire, j’étais à la recherche d’un médium adapté à mon profil. Pour pouvoir, à mon tour, décrypter certaines réalités sociales.
Peut-on vous considérez comme un photographe social et engagé?
A travers mes images, je tente de donner un point de vue différent de celui des grands canaux médiatiques. Convaincu que notre vision d’une société, d’une culture ou de certaines pratiques socioculturelles est largement déformé par les médias établis. Je tente, par le biais de la photographie, d’apporter une autre vision de la réalité dans le but de casser certains préjugés.
Vous aimez être au contact de populations, de différentes cultures, de différents paysages, les voyages et la photographie sont-ils pour vous des ouvertures d' esprit?
Chaque rencontres, discussions ou découvertes d’un territoire nouveau représente un enrichissement immense. Cela permet d’avoir d’autre point de repères. De bénéficier d’une grille de lecture étendue pour comprendre le fonctionnement de notre société actuelle.
Vous travaillez essentiellement sur des problèmes sociaux, qu'est-ce que vous cherchez à dénoncer par le biais de la photographie?
En France, la jeunesse vivant en Banlieue parisienne et celle vivant en milieu rurale représente depuis plusieurs années un axe de recherche photographique. La jeunesse des quartiers populaires est trop souvent stigmatisée, celle vivant à la campagne manque de visibilité alors que ces préoccupations quotidiennes sont parfois plus violentes qu’en banlieue.
Quand je vais à la rencontre de la jeunesse malienne ou ivoirienne, je souhaite mettre en avant des pratiques socioculturelles distinctes d’un pays à l’autre. Le continent africain manque de visibilité médiatique. On en parle seulement en tant de guerre ou d’épidémie. Rarement dans son quotidien.
Or, la France connaît une communauté malienne ou ivoirienne importante sans réellement connaître son histoire ou son origine.
Pour la Côte d’ Ivoire, je trouve que notre vision de la situation du pays est polluée par des enjeux politiques forts que nous maîtrisons peu, à notre échelle, dans lesquels l’état français est largement impliqué. Je voulais photographier le quotidien de la jeunesse estudiantine d’Abidjan qui continue de s’instruire malgré la crise politico-financière qui touche le pays depuis 10 ans.
Vous travaillez essentiellement en couleur, pourquoi se choix? Quelles sont vos affinités avec ce traitement de l'image?
Ce n’est pas forcément un choix contrôlé. Dès mes débuts, j’ai commencé à photographier en couleur. Je trouve que le rapport au réel est plus fort. J’aime retranscrire certaines lumières d’ambiances.
Le traitement de la lumière et des couleurs sont particulières dans vos photos, est-ce là votre marque de fabrique, un signe reconnaissable?
C’est vrai, que j’effectue une interprétation colorimétrique sur chacune de mes images. Ce rapport au traitement de l’image s’est révélé lors de mon apprentissage. J’avais comme repère les planches contacts des photographes de l' Œil Public afin d’appliquer certains traitements de couleurs ou de contraste.
Vous êtes jeunes, vous avez 26 ans, que pensez-vous de la crise du photojournalisme? Vous sentez-vous concerné?
Cela fait plusieurs années que j’entends parler la crise du photojournalisme. Aujourd’hui, c’est vrai que c’est de plus en plus compliqué d’avoir une visibilité dans la presse, surtout en étant un « très jeune » dans la profession. J’ai seulement compris qu’il était important de réaliser des projets personnels, de les confronter aux avis de plusieurs professionnels de l’image afin de susciter l’intérêt et être solliciter pour réaliser des commandes propres à son parcours.
Vivez-vous de la photo?
Je vis de la photographie depuis 3 ans. En alternant entre différentes commandes émanant de la presse ou d’institutions. Le plus compliqué est le manque de visibilité concernant son activité à moyen termes.
Quels sont vos projets futurs? Avez-vous d'autres reportages en tête?
J’ai plusieurs idées de sujets en tête. Après avoir pas mal voyagé à l’étranger ces six derniers mois, j’envisage de travailler sur des sujets en France, continuer mon travail sur la jeunesse des Vosges par exemple. J'ai également réalisé un reportage en Côte d' Ivoire et sur la jeunesse estudiantine d'Abidjan que j'aimerais faire découvrir au public. J'explore également d'autres pistes de travail photographique.
Alexandra Lambrechts