Julien Magre
Né en 1973 à Paris, Julien Magre est diplômé des Arts décoratifs de Paris en 2000. Il a réalisé plusieurs expositions de photographies, dans des galeries et lors de festivals, en Italie, en Australie, à Paris et à New York, en 2003, où son exposition fut notamment parrainée par Michael Stipe, le chanteur du groupe REM.
Julien Magre est diffusé par Picture Tank. Ses photographies sont visibles sur son blog www.julmagre.com.
Marc Villard
Né en 1947 à Versailles, il commence à écrire de la poésie en 1968 après avoir abandonné la peinture. En 1971, il publie L'Amer son premier recueil de poèmes. Durant dix ans, il écrit exclusivement de la poésie puis passe à la fiction en 1980. En 1981, paraissent simultanément son premier recueil de nouvelles Nés pour perdre, son premier scénario Neige, et son premier roman Légitime Démence. Il sera aussi chroniqueur rock pendant 8 ans pour Le Monde de la musique. Après plusieurs textes remarqués pour leur noirceur, il entre à la « Série noire » en 1984 avec Ballon mort. Il a ensuite publié la majeure partie de ses romans et nouvelles chez Rivages, dont Cœur sombres, Démons Ordinaires, Personne n'en sortira vivant.
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«La route de Modesto» est le n°6 de la collection KB, édité chez Adam Biro (biroediteur.com). Il associe une nouvelle et des photographies, Marc Villard est l’auteur de ce n°6.
Carla quitte Modesto en Mustang, un bébé sur la banquette arrière. Elle zone sur les routes de l’Amérique, élimine les emmerdeurs et avance vers un but inconnu. A ses trousses, un homme se présentant comme son époux roule sur ses traces. Road movie cruel et dépressif, La route de Modesto est accompagné de photos signées Julien Magre qui dessinent en couleurs l’ambiance frelatée des motels et des bleds perdus pour le monde humain.
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EXTRAITS :
« Carla prit la voie de droite à la sortie de Modesto. On était en mai, le soleil tapait ferme mais la climatisation fonctionnait parfaitement dans la Mustang. Un modèle de l’année passée. »
« La moquette synthétique était presque propre. Les murs cachés par une toile de jute verdâtre présentaient des zones d’humidité. Au-dessus du lit, un portrait de Jimmy Carter paradait dans un cadre en plastique doré. »
« Le silence la prit par surprise. Elle rouvrit les yeux puis contempla le corps inerte qui s’enfonçait dans l’ombre de la piscine. Elle se détourna vivement et vomit son hamburger. »
« Carla entra dans Torsada, une bourgade qui fêtait quelque chose avec reine de beauté, majorettes et rodéo. Des crétins vêtus comme au siècle précédent agitaient leurs lassos au-dessus de leurs têtes. N’importe quoi, se dit la jeune femme. Puis elle pensa : no fric, plus de médocs, je paye cash, maman écrème les cieux, les kangourous sont-ils homosexuels, n’épuisez pas le ciel. »
« Alors qu’elle s’éloignait du centre, un chien au poil terreux mit ses pas dans les siens. »
« Carla émergea en fin de matinée. Il lui restait deux dollars cinquante et elle décida de s’offrir un café. Elle s’installa dans la salle du fond d’un bar périphérique et entreprit de rédiger des poèmes destinés à la vente. Sans coach culturel, sans rien. D’hôpital en hôpital, elle avait construit une œuvre éphémère et multiforme. Ses poèmes commençaient invariablement par un vers piqué à un confrère. Celui qu’elle rédigeait présentement débutait par : « Ô temps, suspends ton vol. »
« L’ambulance s’éloigna discrètement. Les passants se hâtèrent vers les activités du jour : un concours de bowling et une présentation de chiens asiatiques. Parker gagna pesamment sa Corvette qui l’attendait devant une banque fleurie. Alors qu’il déverrouillait ses portières, le montant de la rançon dérisoire exigée par Carla lui revint à l’esprit : deux cent sept dollars. C’était le prix d’un aller en train Modesto-New York. »