Manuela Marques est une artiste portugaise née en 1959, qui travaille depuis de nombreuses années en France. De ces voyages au Brésil ou au Portugal, elle rapporte des images éclectiques, passant du noir et blanc à la couleur ; des natures mortes aux portraits.
Jusqu'au 26 juillet 2014, Manuela Marques présente son exposition La taille de ce vent est un triangle dans l'eau à la fondation Calouste Gulbenkian, à Paris. Le titre interpelle, et amène le spectateur à la réflexion. Tiré d'un poème d'un écrivain portugais, il est comme une formule permettant de comprendre l'exposition.
Actuphoto l'a rencontré, elle s'explique.
Comment êtes-vous arrivée à la photographie ?
J'ai fait des études de lettres. Pendant ces années universitaires, petit à petit l'image est quelque chose qui m'a de plus en plus intéressée. Je crois que je suis arrivée à la photographie par la littérature donc, par la poésie, par ce biais là.
Un artiste vous a-t-il particulièrement inspiré ?
Il y en a tellement ! Actuellement, il y a le travail d'une artiste qui m'intéresse beaucoup. C'est une sculptrice, une plasticienne qui s'appelle Katinka Bock. C'est un travail qui me plait énormément ; il y a quelque chose autour du volume et de l'installation, qui est de plus en plus important dans mon travail. Mais je dirais que j'ai plein d'inspirations, qui me viennent de la littérature, du cinéma...
© Manuela Marques
© Manuela Marques
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mot l'enjeu de cette exposition ?
La photographie ne m'intéresse que si elle transforme des choses. Cette exposition a été conçue comme cela, avec l'idée d'un réel qui ne peut être saisi. L'exposition suit un parcours assez défini, il y a une salle centrale qui est pour moi une salle de transformation, qui donne accès aux autres salles. Il y a un désir ici d'essayer de donner forme à ce qui ne peut pas vraiment avoir de forme.
Pouvez-vous expliquer votre démarche artistique ?
Je pense que le réel m'intéresse pour sa puissance. Ensuite, je m'en empare, pas pour le transformer, mais pour voir quelle est la zone de contact de potentiel de transformation du réel.
Je n'ai pas de sujet, disons qu'il y a des choses qui traversent mon travail depuis des années, comme par exemple notre situation par rapport à la nature, notre façon de l'appréhender, ou encore le temps qui passe. Je crois qu'en fait mon travail ne s'empare pas de sujets, mais s'empare d'idées. Et à partir de ces idées, j'essaie de voir comment je peux travailler l'image. Je ne montre jamais une série, parce que cela n'a pas de sens pour moi de montrer un « dernier travail ». Par exemple, le portrait en noir et blanc dans cette exposition date de 1988. J'invoque des œuvres qui peuvent avoir 20 ans, c'est une «re-visitation», une reformulation des choses à travers le temps. La photographie de 1988 est là parce qu'elle peut enfin être là, je ne l'avais jamais montré avant, mais dans cette exposition, elle a sa place.
© Manuela Marques
© Manuela Marques
Vos images sont des mises en scène, ou des clichés pris dans l'instantanéité ?
La plupart du temps, ce sont des mises en scène, cette exposition est une grande mise en scène par exemple. Mais je peux aussi tout à fait articuler des images de mise en scène, avec des images de l'orde de la captation directe du réel. Je n'ai pas une façon linéaire de travailler, je me permet tout mixte d'image.
Préférez-vous travailler avec l'argentique ou le numérique ?
Je travaille avec les deux. Cela dépend d'où je travaille, et comment je travaille. Il y a des choses que j'ai besoin de vérifier tout de suite pour pouvoir avancer ; mais lorsque je suis dans des endroits où j'ai accès à un labo, je travaille en argentique. Je ne travaille pas de la même façon avec les deux, mais je peux passer de l'un à l'autre.
© Manuela Marques
© Manuela Marques
Vous associez la vidéo à vos photos, expliquez-nous pourquoi ?
Par exemple, il y a une vidéo dans cette exposition, qui d'ailleurs en porte le titre, qui me semblait être vraiment comme une sorte de continuité de la photographie. Lorsque j'associe la vidéo à la photo, ce n'est pas un élément à part, c'est juste que je m'empare d'un autre médium pour continuer ce travail du visuel : ça peut être de la vidéo, mais aussi des installations vidéos interactives etc. Cette part du visuel est très importante dans mon travail
Décrivez-nous l'ensemble bois et mains.
Je pense que c'est un travail qui se préoccupe beaucoup du temps. Ce temps est totalement insaisissable, c'est bien pour ça qu'il y a des mains qui essaient de capter des choses qui sont de l'ordre de l'éphémère et du volatile. Et en même temps, il y a des choses qui sont extrêmement marquées dans le bois. Ce bois parle également du temps qui passe, il parle du temps présent, du temps à venir. Les trois images de bois laissent voir les nervures à partir desquels on peut compter, et, en contradiction, il y a une autre image où le bois est totalement lustré. L'image en haut au milieu, est une image de bulle, avec ce renversement d'image comme si on était dans une caméra obscura.
© Manuela Marques
© Manuela Marques
Propos recueillis par Louise Tessier
http://actuphoto.com/27086-manuela-marques-presente-la-taille-de-ce-vent-est-un-triangle-dans-l-eau-.html" à la fondation Calouste Gulbenkian
39 boulevard de la Tour Maubourg - Paris 7e
Jusqu'au 26 juin 2014