
slum
Depuis plus de dix ans chaque année je me rends en Inde. L Inde, j ai lentement appris à la connaître en la sillonnant d’un bout à l’autre. En restant longtemps. Mon travail s attachait alors à observer la singularité indienne, tel un territoire d’expérimentation, à la recherche d’une alternative à la pensée occidentale.
Aujourd’hui dans un contexte de globalisation et d uniformisation, les mutations urbaines inhérentes à l essor des métropoles transforment les modes de vie et les spécificités des populations liées à un territoire, un habitat.
Dans la série Slum j ai photographié des adolescents vivant dans les bidonvilles de métropoles indiennes. Au plus près des visages, des traces, des stigmates, des regards, des cous, des bouches, de la peau. Pour susciter l émoi, pour célébrer une beauté qui dit l univers social, la beauté des corps indisciplinés, anticonformistes. Corps politiques. Pour dire aussi leur vulnérabilité. Les gueules d’ange des garçons pauvres.
Des portraits de rue desquels j ai fait disparaître toutes traces du contexte pour privilégier la rencontre photographique d un individu et le récit imaginaire du spectateur. Le titre de chaque image ne dit que leur prénom et signifie comme le début d’une conversation.
Mais au delà du groupe social j espère interroger l idée que l on se fait de l autre, ce que l on pense savoir de l autre à travers son apparence.
J ai donc demandé aux jeunes garçons de fermer les yeux dans un abandon de soi et ainsi donner tout pouvoir au spectateur, puis de rouvrir les yeux pour reprendre part à la relation, au rapport regardeur - regardé et peut être créer un trouble. Certains ne fermeront pas les yeux d autres ne veulent pas les ouvrir.
Marie clauzade