Anita Conti "la Dame de la mer" a laissé 40 000 photographies
Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Carte Blanche
Après avoir embarqué sur des navires de pêche, à la morue ou au hareng, où elle découvre le rude métier de pêcheur, Anita Conti publie ses notes dans une série d'articles pour le quotidien La République. Édouard Le Danois, directeur de l'Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (devenu depuis l'Ifremer), l'invite en 1933 au lancement du nouveau navire de recherche océanographique, Président Théodore Tissier. Elle est engagée, en 1935, comme " personnel auxiliaire complémentaire " au poste "d'attachée à la propagande" dépendant du service administratif de l'Office. Elle est rapidement chargée de campagnes à la mer à bord du Président Théodore Tissier et de divers chalutiers, dans le golfe de Gascogne, à Terre Neuve ou en mer d'Irlande. Édouard Le Danois mise sur sa connaissance des professionnels et du milieu de la pêche pour comprendre et améliorer les techniques de pêche, et participer à l'élaboration des premières cartes scientifiques d'aide à la pêche.
A l'approche de la guerre, les crédits de l'OSTPM ne permettent plus de financer les campagnes halieutiques et Anita Conti va embarquer, d'abord pour la Marine nationale, puis à son propre compte, sur des navires de pêche qui vont l'emmener au large des côtes africaines, en Méditerranée ou à Terre Neuve. En 1953, elle pose définitivement son sac à terre et écrit son premier livre, Racleurs d'océans, qui retrace sa dernière campagne de 1952 sur le morutier Bois Rosé. Il sera suivi de Géant des mers chaudes, et de L'océan, les bêtes et l'homme qui obtint le prix de la mer en 1972. Celle qui restera "la Dame de la mer" a laissé 40 000 photographies, une dizaine de films, des livres et des notes.
Anita Conti était « fascinée par la mer, les poissons, les hommes », déclare Françoise Enguehard.
On redécouvre peu à peu les œuvres de cette femme fascinante, née en 1899, morte en 1997. Elle a navigué toutes les mers du monde ou presque, officiellement comme scientifique, mais aussi comme observatrice du milieu très viril de la pêche commerciale.
Partageant le quotidien de ces marins, côtoyant l'océan presque tous les jours de sa vie, elle connaissait ce monde comme peu d'autres ont eu la chance de le faire.
C'est dans Racleurs d'Océans, publié en 1953, qu'elle a avancé l'idée que l'exploitation des pêches telle que pratiquée alors ne pourrait être maintenue à ce rythme sans causer de dommages irréparables à l'environnement marin.
Si cette notion semble évidente aujourd'hui, grâce à une certaine conscientisation écologique et face à la décimation des populations poissonnières, c'était du jamais vu à l'époque d'Anita Conti.
« Si on l'avait écoutée en 1953, le monde serait bien différent », lance Françoise Enguehard.
Quoiqu'il en soit, ses écrits et ses photos demeurent. Par ces dernières, Anita Conti attire notre attention sur des détails évocateurs qui peignent simplement mais de façon saisissante la dure réalité des pêches.
L'Agence Vu de Paris a autorisé l'utilisation des photographies de Mme Conti afin de monter cette exposition dans le cadre des célébrations de la présence française à Terre-Neuve.
Le conservateur Edward Tompkins explique qu'il est passé au travers plus de 5 000 négatifs entreposés à Paris dans deux grandes boîtes pour choisir les clichés qui composent l'exposition.
« J'ai sélectionné les images qui, d'après moi, racontaient le mieux l'histoire de la présence française dans les Grand Bancs dans les années 50 », décrit-il.
L'archiviste terre-neuvien, qui habite aujourd'hui la France, dit avoir été particulièrement motivé par la compréhension qu'a démontré Anita Conti quant à la surexploitation des ressources poissonnières qu'elle évaluait comme ne pouvant être durable.
M. Tompkins apprécie aussi le côté artistique des photos : « Anita Conti avait compris l'art de réduire une idée à un espace restreint, résume-t-il. Elle cadrait ses images au moment où elle les prenait, créant des images iconiques ne nécessitant aucune retouche. Les photos de la collection sont telles qu'elle les a photographiées », affirme-t-il.
L'exposition Les Terre-Neuvas d'Anita Conti, Photographe sera ouverte au public jusqu'au 15 janvier 2005 musée provincial de Terre-Neuve-et-Labrador (285, rue Duckworth, à Saint-Jean). La Société 2004 remettra alors les photos aux archives du musée provincial dont elles feront désormais partie.
Et sous les vieux haubans rongés de lente usure,
Poulies aux yeux crevés sur l'infini perdu,
Témoins momifiés des hommes disparus,
Quel dieu féroce a pétrifié dans vos membrures
Les fantômes railleurs de vos orgueils vaincus.
Extrait de "Cimetière de navires-goélettes" de Anita Conti