Pour ecouter l'entretien Cliquez sur le lecteur C’est dans le cadre de l’ouverture de l’exposition Trésors Photographiques de la Société de Géographie à la Bibliothèque Nationale de France que le commissaire de l’exposition Olivier Loiseaux a accepté de nous rencontrer afin de nous aider à décrypter ces images et à comprendre les enjeux de la photographie dans les missions et explorations du monde dans la seconde moitié du XIXème siècle. Un regard érudit et pédagogique sur la photographie à usage scientifique. Une rencontre tout simplement fascinante.
Thierry Laugée Réponse à l'entretien ou commentaire à l'adresse suivante: laugee@actuphoto.com g La collection de photographies de la Société de géographie, déposée à la BnF, reflète les centres d'intérêt des savants géographes du XIXe siècle. Quelque deux cents clichés, en correspondance intime avec les autres documents conservés à la Bibliothèque – récits de voyage, cartes, dessins ou manuscrits – invitent à un véritable tour du monde, du Japon de Felice Beato aux ruines du Yucatan de Désiré Charnay, des temples d’Angkor au creusement du canal de Panama, des étendues de Mongolie aux paysages de l’Ouest américain… La Société de géographie a été fondée en 1821 à Paris par 217 personnalités qui composaient l’élite savante de l’époque. Sa création et ses ambitions s’inscrivent alors dans une vaste entreprise de connaissance et de découverte du monde. Elle conserve une superbe collection de photographies abritée depuis 1942 par le département des Cartes et plans de la BnF, provenant des dons de ses membres et correspondants français ou étrangers : militaires, diplomates, ingénieurs, voyageurs ou explorateurs... L’exposition proposée dans la Galerie de photographie du site Richelieu restitue trois « regards » sur les lieux et les hommes, trois attitudes du photographe face au monde, qui correspondent aux différents volets de l’activité de la Société de géographie : l’exploration du monde, le témoignage des bouleversements qui le secouent et la passion de l’inventaire. L’essor de la photographie, contemporain du grand mouvement d’exploration de la seconde moitié du XIXe siècle, permet de renouveler l’imaginaire occidental de l’ailleurs. Voyageurs solitaires, expéditions scientifiques, missions religieuses, civiles ou militaires, rapportent les premières images de régions et de peuples jusque-là ignorés des Occidentaux. Etendre la sphère des connaissances géographiques et encourager les voyages de découverte, telles sont les missions premières de la Société de géographie. Elle va susciter et parrainer de nombreuses expéditions, suivre les progrès des voyageurs, leur décerner des prix ... Attentive aux profonds bouleversements nés de la révolution industrielle, la Société se passionne pour cette nouvelle géographie économique qui transforme les paysages et fait de la photographie l’auxiliaire moderne de la nouvelle description d’un monde qui se construit à vive allure. Elle compte ainsi parmi ses membres de nombreux industriels, commerçants, ingénieurs et organise régulièrement des débats sur la construction des chemins de fer, les routes et les débouchés commerciaux, la prospection et l’exploitation des ressources naturelles, le creusement des canaux interocéa niques. La photographie répond au souci documentaire ; fidèle, précise, elle devient l’outil indispensable des missions archéologiques, des relevés géographiques ou géologiques, des travaux ethnologiques ou anthropologiques. L'inventaire du monde qu'elle dessine trouve un écho naturel dans le champ d'action pluridisciplinaire de la Société de géographie : de la géologie à l’anthropologie, de la botanique à l’archéologie, de la topographie à l’économie, elle recueille, classe et répertorie l’information dans tous les domaines de la connaissance.