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Fragments de cette rencontre Actuphoto : Dans cette question de remettre la vérité à jour, vous pensez que la photographie est un médium idéal ? Céline Anaya-Gautier : Ah oui ! Ca j’en suis persuadée. Parce que je m’en rend compte, c’est la photographie et c’est aussi la volonté derrière. Je dirais que pour moi la partie la plus facile de tout, c’est de faire des photos, surtout sur des sujets aussi dur que ça. Parce que même si c’est dur, on est en plein cœur d’humanité, tous les jours c’est du don, tous les jours c’est une expérience humaine qui est magnifique. Ils ont tellement à nous donner, des expériences de vie, même les moments durs, les moments où il y a des gens qui meurent, ça t’apprends. Ca t’apprend énormément les chose. Le plus dur c’est de revenir de reportage et de garder cette rage de ce que tu as vu sur place et d’aller convaincre les magazines. […] Actuphoto : On aurait pu s’attendre face à un tel sujet à voir beaucoup de traces de souffrances, des photos pénibles et un peu horrible. Je pense qu’il aurait été aisé pour vous de les faire. Céline Anaya-Gautier : Oh oui, mais c’est pas du tout mon but. Comme pour Cœur de femmes, ce sont toutes des femmes en grande errance, en grande souffrance, mais ce sont des portraits je pense dignes. Après la souffrance, c’est elles qui la montre à travers leur regard. […] Il y a des photos qui me sont insupportables et que je prendrais pas, et il y a des photos que j’ai prises et que je ne montrerai pas. Par contre, il y a dans l’exposition une photo que personne n’a vu parce qu’elle date de mon troisième, mon dernier voyage en République Dominicaine. C’est une femme qui est en train de mourir, en fait c’est un cadavre, on va dire les choses comme elles sont. C’est un cadavre sur un lit, la photo est très, très dure. Donc j’ai pris la décision de la mettre dans l’exposition mais elle sera en dix par dix, ce sera vraiment une toute petite photo dans un coin, avec un caisson lumineux pour l’illuminer, mais vraiment pour dire ça existe aussi mais j’ai pas besoin de la mettre en 80 par 80 et c’est aussi pour elle. […] Actuphoto : Je pense également que dans tous ces portraits dignes de ces personnes, ça n’enlève rien à la situation dramatique, ça n’enlève rien non plus aux preuves qui peuvent être données de la situation. Mais peut-être ça sensibilise bien plus que le reportage d’horreur auxquelles on est peut être finalement et cyniquement habitués. Céline Anaya-Gautier : Mais exactement ! Quand j’ai montré mon reportage la première fois à différents magazines, même si les gens me disaient on s’en fout des coupures de canne à sucre haïtiens en république dominicaine, beaucoup de chefs de rédaction m’ont dit qu’ils appréciaient mon travail parce que c’était du photo-reportage mais c’était différent. Les cardes étaient différents, j’arrivais à faire passer cette émotion par un autre type de photographie. On ne voit pas justement des gens par terre en train de mourir de faim, ou pleins de sang. Et c’est vrai que le problème est qu’aujourd’hui on est tellement habitués à voir ces images d’horreur, qu’on est limite blasés. C’est horrible, mais c’est exactement ça, et on n’est peut-être pas habitués à voir ici un certain esthétisme. Entretien de Thierry Laugée books@actuphoto.com Autoportait de Céline Anaya Gauthier réalisé pour actuphoto.com