El Cotorrito, 1980 © Arlene Gottfried / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris
C’est depuis sa fenêtre du Lower East Side que l’artiste a pu découvrir la culture portoricaine, à l’époque où elle commençait tout juste la photo. Les rues de New York sont rapidement devenues son terrain de jeu favori. Armée de son appareil, elle se met à fréquenter la population latino qui devient, pour reprendre son expression, « sa deuxième famille ». Le nom de son exposition reflète d’ailleurs cette combinaison d’horizons. La formule vient d’un marchand ambulant qui criait en bas de chez elle « Bacalaitos and Firewors ». L'un pour les beignets de morue à la portoricaine, l'autre pour les feux d’artifices pour le Quatre Juillet.
Miss Yauco © Arlene Gottfried / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris
Montés sur des cadres noirs d’une sobriété qui contraste avec l’excentricité des photos, les tirages sont des cibachromes d’époque. Ils offrent aux images des couleurs exceptionnelles grâce à un procédé de destruction des pigments. Ce papier devenu aujourd'hui très rare à trouver confère une pérennité sans pareil aux tirages, rendant ce New York des années 1970/80 immortel.
« Je veux montrer les effets négatifs de la pauvreté, la souffrance et la marginalisation, le manque de soins, les grossesses non désirées, les filles-mères, la drogue, la criminalité, la prison et le taux de mortalité extrêmement élevé des jeunes de la communauté portoricaine ». L'artiste porte un regard assez sombre sur le quotidien des ces habitants. Malgré cela, elle ne considère pas son oeuvre comme politique et montre simplement la réalité comme elle est, comme elle la voit. Cette exposition s’apparente plutôt à un documentaire sociologique distancié, parfois emphatique, et souvent décalé.
Trampoline © Arlene Gottfried / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris
Et ce décalage, cette teinte d’humour, sont nécessaires pour la photographe qui assure qu’elle ne veut pas restreindre les quartiers de Manhattan, du Bronx et de Brooklyn à leurs mauvais côtés. « L’exposition montre aussi l’esprit de tout un peuple qui déborde de vie » et décrit en photo la solidarité d’une communauté portoricaine soudée.
Les visuels transcrivent une atmosphère délurée et exubérante dans laquelle Arlene Gottfried s’est toujours plu à évoluer. Cette énergie est décuplée par la spontanéité de la photographe qui tient d’ailleurs à le certifier : « Mes photos ne sont jamais mises en scènes ». Un argument qui explique entre autre la fraîcheur et la sincérité des clichés. Sa photo favorite issue de cette exposition, La Communion, est une bonne illustration de cette authenticité : « J’ai pris cette photo lors d’une procession de jeunes femme qui venaient d’être baptisées dans une église du Lower East Side de Manhattan. J’ai décidé de les suivre à travers le quartier. Quand j’ai vu les téléviseurs posés sur les voitures, branchés aux poteaux électriques, je me suis dit que le moment était intéressant ».
La Communion © Arlene Gottfried / Courtesy Les Douches la Galerie, Paris
« La ville a drastiquement changé depuis que ces photos ont été prises, témoigne la photographe. Les lieux, les gens qui se gentrifient au sein de ces quartiers, tout comme les styles. » Des scènes de vie que l’on aurait du mal à retrouver dans les rues de New York aujourd’hui, même en cherchant bien.