© Maurice Schobinger
Face à face © Maurice Schobinger
J’ai commencé l’alpinisme à l’âge de 17 ans. Dès le début de ma pratique photographique, la montagne est donc un sujet sur lequel j’ai beaucoup oeuvré. Il y a une trentaine d’année, c’est avec une chambre grand format 20x25 cm que j’ai commencé mon exploration photographique des Alpes. Je travaillais déjà avec un guide de montagne, mais surtout pour une simple question de sécurité. J’aime parcourir ce « désert » alpin, à notre porte, au centre de l’Europe.
Quand on voit vos précédentes séries, on constate qu'elles traitent plus de sujets urbains, du monde ouvrier. Avez-vous souhaité changer vos habitudes en réalisant une série sur un paysage de nature ?
Non, j’ai toujours photographié le paysage qu’il soit alpin ou pas, et l’industrie, l’humain, s’inscrivent aussi dans mon travail depuis longtemps. Cela peut paraître antinomique mais l’architecture industrielle ou l’architecture naturelle paysagère se rencontrent ou se confrontent. Mais à l’évidence toutes les thématiques que j’aborde sont en lien avec mon vécu, j’essaie alors de raconter. Avec une grand-mère russe et un père ingénieur dans une usine de construction métallique, cela explique certains intérêts !
Face à face © Maurice Schobinger
Au niveau technique, comment s'est déroulée la réalisation de la série ? Le projet a mis deux ans à être réalisé. Pourquoi cela a-t-il été si long ?
Toutes les images sont faites depuis un hélicoptère à mi-hauteur de la face et avec une vue à 180º du paysage embrassé par la face. L’idée était de photographier ces montagnes par météo grise afin de ne représenter que la forme de la face, d’effacer au maximum la troisième dimension, la profondeur pour ne montrer que la montagne en tant que montagne et non photographier une lumière particulière. Ainsi peut-on découvrir les contours du sommet et petit à petit s’évader dans les nuances de glace et de roche en oubliant le sujet. Ces faces nous racontent ou nous poussent à imaginer aussi ce qu’il y a en dehors du cadrage, une sorte de dramaturgie.
Alors c’est cette météo grise de nuages d’altitude - environ 6000 à 8000 mètres - qu'il fallait attendre ou essayer de prévoir et « sauter » dans un hélicoptère. Donc une certaine logistique contraignante ! Et durant ces deux années, nous avons cherché et trouvé les partenaires commerciaux pour financer le projet et le livre.
Vous avez travaillé avec le guide de montagne Pierre Abramowski. Comment s'est déroulée la collaboration ?
En 2008, j’ai réalisé le projet et livre Altitude 4000 avec Pierre Abramowski. Car il s’agissait de résoudre des problèmes informatiques complexes en relation avec les topos numériques, le froid et la source d’énergie pour l’ordinateur embarqué. C’était aussi des vues depuis hélico. Nous avons eu un tel plaisir à collaborer que naturellement le projet suivant j’avais envie de le faire avec lui. Il n’y a pas que la prise de vue dans de tels projets, tout l’aspect administratif et financier est absolument chronophage, donc deux personnes ce n’est pas trop !
Face à face © Maurice Schobinger
Maintenant que ce projet est achevé, qu'en retenez-vous ? Qu'est-ce que cela vous a apporté ?
Je sens une plus grande affinité avec ces sommets mais empreinte d’une distance respectueuse. Je revivais mes périples en les photographiant ! La montagne est devenue depuis 10-15 ans un immense terrain de jeu, où l'on recherche le défi, la compétition... Pour ma part, je ne participe pas de cette vision. Sans faire d’anthropomorphisme, quand je regarde ces sommets au travers de mes images, je les appelle « les Seigneurs des Alpes ».
Quels sont vos projets futurs ? Projetez-vous de faire d'autres séries en lien avec les paysages de montagne ?
Je viens de terminer toute une série sur des villes russes et européennes, du Pacifique à l’Atlantique, avec leurs trams, leurs bus notamment, et des textes d’auteurs. Je souhaite aussi poursuivre mes photographies d’usines noires. Pour l’instant, rien de précis sur la montagne, mais quelques projets autour de la neige et des arbres...