Elsa Silva - Collodion humide sur plaque de verre ©Ritual Inhabitual
Chroniques du 18/01/2017 au 23/04/2017 Terminé
Musée de l'Homme Palais de Chaillot 17, Place du Trocadéro, 75 016, Paris, France tel. 01 44 05 72 72 http://www.mnhn.fr
A la croisée de plusieurs disciplines mêlant art et sciences, la série « Mapuche : voyage en terre Lafkenche », actuellement exposée au Musée de l'Homme, nous plonge au cœur de la culture méconnue d'un peuple du Chili.Musée de l'Homme Palais de Chaillot 17, Place du Trocadéro, 75 016, Paris, France tel. 01 44 05 72 72 http://www.mnhn.fr
Ana Millaleo - Collodion humide sur plaque de verre ©Ritual Inhabitual
Bencinera - Collodion humide sur plaque de verre ©Ritual Inhabitual
L'exposition « Mapuche » est le fruit de la rencontre entre l’art de la photographie et la science de l’ethnobiologie. Cette dernière consiste à étudier les rapports qu’entretient l’Homme avec son environnement. Réalisée entièrement avec la technique du collodion humide, la série semble tout droit sortie de malles d’explorateurs du début du siècle dernier.
Les modèles sont tous membres de l'ethnie Mapuche et viennent pourtant d'horizons très différents. Il y a des chamanes, qui conservent les pratiques spirituelles de leur tribu, des bonnes sœurs qui ont adopté la religion chrétienne ou encore des jeunes de la ville qui cherchent à renouer avec la culture de leurs ancêtres. Ces derniers ont choisi leurs habits et leur pose pour la séance photo à partir de vieux clichés réalisés par des ethnologues du siècle dernier, qui présentaient des Mapuche en tenue traditionnelle.
Un projet aux multiples facettes
Le projet s’est aussi centré sur le lien qu’entretient le peuple Mapuche avec les plantes. Grâce à la participation d’une botaniste au deuxième voyage du collectif en terre chilienne, le projet s’est enrichi de photographies de plantes et d’herbes médicinales, dont l’utilisation fait partie intégrante de la culture Mapuche.
Ces clichés, pris eux aussi avec la technique du collodion humide pour rappeler un herbier, témoignent de la relation très intime qui unit les Mapuche au monde végétal. Dans leurs croyances, chaque plante possède un esprit qu’ils respectent, et ils demandent toujours la permission à ces esprits avant de pénétrer à l’intérieur d’une forêt ou de cueillir une plante.
Lapageria rosea - Copihue - Collodion humide sur plaque de verre ©Ritual Inhabitual
Lobelia tupa - Tabaco del diablo - Collodion humide sur plaque de verre ©Ritual Inhabitual
Florencia Grisanti, une des deux photographes qui composent le collectif http://www.ritualinhabitual.com/", explique les origines du projet. Chilienne comme le deuxième membre du collectif, Tito Gonzalez Garcia, Florencia a toujours été intéressée par les rapports entre l’Homme, la nature et la culture. Souhaitant réaliser une série en rapport avec les rituels chamaniques, ils se sont concentrés sur les ethnies qui composent la société chilienne. Ils se sont alors rendu compte que la culture Mapuche était méconnue au Chili, du fait d’anciennes tentatives de répression de ce peuple par le gouvernement et de conflits de territoire toujours d’actualité. De cette volonté de faire connaître une des plus anciennes ethnies du Chili est né le projet « Mapuche : voyage en terre Lafkenche ».
Une mise en danger émotionnelle
Le collectif a rencontré quelques obstacles dans la réalisation de la série. Comme les croyances Mapuche considèrent qu’une photographie est une extraction de l’âme, il était compliqué de convaincre les chamanes de se laisser prendre en photo. Il arrivait aux photographes de passer deux semaines au contact d’une personne avant que celle-ci n’accepte. « Mais au fil du temps, même si nous n’appartenions pas à ces croyances spirituelles, elles devenaient une réalité pour nous, explique Florencia, il s’agissait de partager cette réalité qui est la leur ».
A travers la technique du collodion humide, Ritual inhabitual a cherché à s’approprier les méthodes de travail ethnographique du début du XXème siècle, sans pour autant s’enfermer dans cette démarche. Florencia ajoute que le but de leur démarche était de franchir les limites du regard objectif de la science pour apporter leur subjectivité d’artistes : « On vivait aussi une mise en danger émotionnelle au contact de cette culture différente de la nôtre ».
Machi Helena Calfuleo - Collodion humide sur plaque de verre ©Ritual Inhabitual
Profondément bouleversé par ce voyage, Florencia a été très touchée par chaque personne qu’elle a rencontrée, même si elle estime avoir été plus profondément marquée par les femmes, car celles-ci ont en commun une grande souffrance, mais aussi une vraie force et une immense sensibilité. Elle se souvient en particulier d'une rencontre qui l’a énormément marquée. C'est Elena, une femme chamane qui, pour Florencia, incarne la femme dans son universalité. Et si leur relation s’est construite doucement, elle durera toujours, assure Florencia : « J’ai partagé avec elle un moment infini ».
L'exposition « Mapuche : voyage en terre Lafkenche » est visible jusqu'au 23 avril 2017 au Musée de l'Homme à Paris.