© Hannibal Volkoff
Sévissant depuis 2007, Hannibal Volkoff a cette particularité de répudier une photographie passive. Il ne se refuse pas le rôle de voyeur mais s’octroie toujours le droit d’être acteur : « Ce que j’ai photographié, je l’ai vraiment vécu », explique-t-il. Comme ses jeunes sujets sont engagés dans leurs révoltes, leurs excès, chacun de leurs gestes, Hannibal engage sa vie dans son œuvre. Influencé par les lectures de Georges Bataille, il photographie principalement les corps nocturnes, ceux qui se laissent envahir par le spectaculaire, libérant les désirs et éprouvant leurs limites. A la recherche de ce « vrai corps », il a parcouru les soirées des années 2010, entre la Club Sandwich et la Flash Cocotte où se côtoyaient alors des gothiko-glams et des néo-kitchs, des jeunes qui inconsciemment vivaient les derniers émois post-CPE lorsque « la jeunesse avait montré qu’elle pouvait s’organiser et gagner ». Des soirées encore libres où la drogue se partageait en toute impunité et où les corps s’aimaient parfois au plein milieu de la piste, comme on peut le voir sur ses photographies. Des soirées qui, selon lui, ne sont plus possibles aujourd’hui.
© Hannibal Volkoff
© Hannibal Volkoff
Dans ce soulèvement intime de chacun, Hannibal décèle une volonté de critiquer « l’ambiance collective de la société, rejetant ce que nos aînés attendaient de nous ». Dans la bêtise parfois grossière des plus jeunes, il voit une exhortation du corps inutile face au corps normé, salarial et capitaliste. De ces revendications taiseuses et inconscientes, on se dit qu’elles sont nécessaires mais comme elles le furent à chaque époque pour toute jeunesse. Héritier de Larry Clark, le travail d’Hannibal Volkoff est essentiel pour la génération Y, leur montrant que Paris est toujours une fête et qu’il n’y a rien à envier aux orgies des siècles passées. Mais c’est aussi cette hérédité qui constitue sa limite.
© Hannibal Volkoff
L’underground que photographie Hannibal est cet underground intemporel qui n'a ni âge, ni maison, ni nom... Il s’agit d’un antre dans lequel se succèdent les générations reproduisant, en pensant le contraire, ce que les anciens ont déjà expérimenté. Il est lieu de naissance de créations informes qui parfois éclosent, comme pour Hannibal Volkoff, mais recèle le plus souvent des visages juvéniles qui s’embourgeoiseront au rythme des rides qui travaillent déjà leur visage. Hannibal le constate lui-même : les soirées ne sont plus les mêmes, les gens sont plus individualistes. Il accuse la crise, nous accuserons le temps qui passe, car autre part, ailleurs, dans des soirées où il n’est pas invité, les corps continuent à se déchaîner, à s’aimer violemment et à expérimenter les plus in-expérimentales des substances. Le travail d'Hannibal est le témoignage vital d'une jeunesse émerveillée qui se voit aujourd'hui remplacée par une jeunesse plus sombre et plus violente encore.
© Hannibal Volkoff
Nous naissons de partout aux éditionshttps://www.lespresseslitteraires.com/photos-d-artistes/" est disponible sur internet et dans les librairies suivantes :
Nantes : Librairie La vie devant soi ; Librairie les biens aimés
Bordeaux : Librairie Mollat
Lyon : Librairie Ouvrir l'oeil ; Le bal des ardents
Paris : Librairie les mots à la bouche ; Galerie Hors Champs