Jeudi 22 Décembre 2016 15:51:52 par Sophie Pouzeratte dans Expositions Chroniques

C'est dans une petite rue cachée du 10ème arrondissement, à l'abri du bruit de la circulation et (presque) du CO2 dégagé par les pots d'échappement, qu'est situé le centre d'animation La Grange aux Belles, où Corentin Fohlen expose sa série « Ni Dieu ni maître » jusqu'au 29 décembre.

Photographe français réalisant des commandes pour la presse française et internationale, Fohlen a couvert des actualités allant des élections présidentielles françaises à la révolte populaire athénienne, avant de se tourner en 2012 vers un format de reportage plus long et plus documentaire. Pour la série « Ni Dieu ni maître », il collabore avec Delphine Bauer, une rédactrice pigiste membre du collectif Youpress et spécialiste des sujets de société traitant des femmes et des minorités. Ensemble ils ont suivi Sami et Sabrine, un jeune couple tunisien militant pour l'athéisme, forcé de fuir leur pays après avoir été menacés par des extrémistes islamistes.

Ni Dieu Ni Maître © Corentin Fohlen

Cette série de portraits en couleur retrace leur périple depuis Belgrade, où les deux jeunes se sont réfugiés après s'être enfuis de Tunisie, jusqu'à leur arrivée en France. avec Sami et Sabrine on découvre alors l'errance, la peur, la fatigue, et les désillusions de cet exil forcé. Corentin Fohlen et Delphine Bauer ont couvert les grandes étapes de ce périple depuis octobre 2013, où le jeune couple les a contactés après que leur visa français a été refusé.

Ni Dieu Ni Maître © Corentin Fohlen

On suit avec eux les épreuves que les deux réfugiés ont dû surmonter : les nuits dans des squats d'artistes à Belgrade, puis le séjour à Obrenavac, dans un hôtel aménagé pour accueillir des migrants. Là-bas Sami conseille à sa compagne de mettre du Nirvana à pleine puissance pour couvrir l'appel à la prière, car « c'est plus classe que les versets du Coran ».

Ni Dieu Ni Maître © Corentin Fohlen
 

Dix mois après, le photographe retrouve le couple à Paris, après un passage de deux semaines d'incarcération en Hongrie, et les suit depuis deux ans avec Delphine. Les deux reporters assistent à leurs galères, les accueillant parfois chez eux.

Ni Dieu Ni Maître © Corentin Fohlen
 

Sami et Sabrine vivent désormais à Paris, épuisés, fauchés, mais toujours engagés. Ils dorment souvent dans la rue mais qu'importe, ils militent toujours pour l'athéisme, car c'est aussi ça l'histoire que racontent les clichés de Corentin Fohlen. C'est l'histoire de la persévérance, qui demeure toujours même après d’innombrables moments d'angoisse, après des centaines de kilomètres parcourus et de nuits passées à dormir dans le métro.

Au-delà d'un reportage, c'est une aventure humaine unique que « Ni Dieu ni maître » nous présente. Dans toute sa justesse et sa dureté.