Plaza de la Soledad (2015) - Maya Goded
Au cœur de ce travail : Carmen, Lety, Raquel ou Esther qui ont entre 50 et 80 ans et se prostituent dans les rues de La Merced, un quartier de Mexico. « Plaza de la Soledad » a d'abord été un projet photographique en noir et blanc, de 1998 à 2001. Mais Maya Goded voulait filmer ces femmes avant qu'il ne soit trop tard : « Cela s'est fait naturellement. Les filles vieillissaient, il fallait le faire. » Et la couleur fut. Posée sur celles avec qui elle n'avait jamais perdu contact, se croisant parfois ou déjeunant ensemble. Après tout, elles vivent dans la même ville.
« Comment construire l'amour dans un monde si violent, mené par l'argent ?, s'interroge la photographe. Je voulais montrer qu'il n'y a justement pas que la violence ou le sexe, mais qu'il y a aussi de l'amour, entre elles ou avec un compagnon. » Maya Goded prend partie de tout montrer : l'attente des clients, les discussions dans les bouis-bouis, les rires, la drogue, la vieillesse des corps, les amours, la mort, la religion... Et au cœur d'un cycle de violences faites aux femmes, perpétuel et institutionnalisé, se dessinent petit à petit des portraits de femmes insubmersibles. Malgré la précarité, la solitude, les viols et le rejet. Car leur âge est l'un des tabous dont la société mexicaine – elle n'est pas la seule – ne veut pas parler. « Personne ne veut entendre parler d'elles. Personne ne veut connaître la sexualité des femmes âgées, ce n'est pas quelque chose de commercial », explique Goded. Derrière ce sujet, il y a bien sûr une réflexion plus générale sur la condition féminine et les combats qu'il reste à mener.
Omniprésente, jusque dans les chambres ou sous la douche, Maya Goded assume : « Je n'essaie pas de leur faire oublier que je suis là. Je fais partie de ce qu'il se passe, et parce que je n'essaie pas de disparaître, je finis paradoxalement par le faire. Ma présence devient naturelle. » A ce naturel, s'ajoute le regard d'une vraie photographe : bienveillant et précis au moment de cadrer ces femmes, de les montrer entières et sans retouche. Carmen et les autres ne s'y sont pas trompées. L'une après l'autre, elles ont toutes vu le film. Dans un petit cinéma prévu à cet effet, elles pouvaient inviter les personnes de leur choix pour leur « projection privée ». Un jour même, alors qu'Esther était allée assister à une projection du documentaire en prison, les détenues l'ont toutes applaudie. « C'était très émouvant ! », confie Maya Goded. Tout comme ce film.
PLAZA DE LA SOLEDAD
documentaire de la photographe
MAYA GODED
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