Closer © Tomasz Gudzowaty
Kim Thuy est encore enfant lorsqu’elle prend le bateau pour fuir le Viêt Nam et trouver refuge en Malaisie. Son père cache sur lui des capsules de cyanure au cas où l’embarcation miraculeuse se ferait attaquer par des pirates. Cette famille traverse les eaux comme tant d’autres pour échapper à la misère et aux guerres qui se succèdent et se ressemblent. Nous sommes en 1978 et ils embarquent déjà dans des radeaux de fortunes pour trouver un avenir meilleur. Ailleurs. On les surnomme alors les « boat-people »… Kim Thuy, devenue depuis écrivaine au Canada, confie son histoire à Tomasz Gudzowaty qui choisit de l'insérer en préambule de son livre. D’autres récits sur les migrations humaines et animales accompagnent ce témoignage. Ils inscrivent Closer dans l’actualité et permettent d'aborder les déplacements de population comme inhérents à l’histoire naturelle.
D'inséparables tribus...
La force vitale qui se dégage des photos de l’artiste polonais est celle d'une nature luttant, au gré des voyages, pour survivre. Aspiré par le grand format de l’ouvrage, le lecteur peu à peu se laisse embarquer dans la grande aventure animale que photographie avec magnificence l’artiste polonais. En noir et blanc, imprimées sur du papier noir, les photos sont parfois si sombres qu’on n'en distingue plus les formes. Les regards s’accrochent alors au grain, qui rappelle celui des premières photographies de Niépce, rapprochant l’origine de l’art photographique à l’origine de l’être vivant.
Closer © Tomasz Gudzowaty
Toujours en troupe, comme d’inséparables tribus, les animaux migrent, luttent, tuent pour se protéger et reproduire leur espèce. Dans une série de photos, des gnous d’Afrique traversent une rivière dans laquelle surgissent des crocodiles affamés. Suit une autre série consacrée aux manchots empereurs qui parcourent des milliers de kilomètres pour atteindre une plage où, dans des conditions extrêmes, ils pourront élever leurs petits. Puis apparaît soudain la plus célèbre des photos de Tomasz Gudzowaty où deux jeunes guépards s’apprêtent à tuer pour la première fois une proie. Ces animaux apparaissent soudain comme les héros de notre temps, défiant les folies humaines de leurs regards majestueux et sensibles, nous rappelant à notre origine sauvage. Au fil des pages, l'homme se perd et mute pour retrouver ces bêtes et leurs comportements ancestraux. Ne plus savoir qui on est, se retrouver au milieu d’un troupeau d’animaux, se sentir comme l’un des leurs. Retrouver cette humble conscience de vie, ce souffle premier trop vite oublié. Redécouvir les sensations primitives, éprouver le froid, n’avoir aucun autre refuge que sa peau, son poil. Se croire pingouin, gnou, oiseau…
Closer © Tomasz Gudzowaty
L'invitation aux voyages
Il est de ces voyages dont on ne revient pas indemne, même si celui-ci se vit par procuration. S’embarquer dans Closer, c’est explorer le monde avec Tomasz Gudzowaty, haleter avec lui, trouver le souffle de l’aventurier et en sortir grandi. Une expérience transmise grâce aux 256 pages de l’ouvrage, nécessaires pour accepter l’invitation au voyage et peu à peu ressentir la rudesse de ces vies animales. Possible allégorie des crises migratoires actuelles ? En abordant le voyage comme une défense instinctive face à la violence du monde, il s’inscrit a contrario des institutions et refuse d’aborder les migrations comme un sujet politique ou économique, mais les considère comme un état naturel des êtres. A travers l’histoire des papillons monarques qui, d’une génération à une autre, effectuent l’aller-retour entre les Etats-Unis et le Mexique, le photographe encourage ceux qui rêvent d’un ailleurs, voyant en eux l’expression saine et naturelle d’un espoir commun : celui de vivre mieux...
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