Etunwan celui qui regarde de Thierry Murat aux éditions Futuropolis
Joseph Wallace ne ressemble pas aux héros des bandes dessinées les plus en vogue. Il n’est pas détective et n’a pas de superpouvoirs. Joseph est un simple photographe. En 1867, dans une Amérique marquée par les conflits internes, il décide de participer à l’expédition Walker & Jackson organisée par le gouvernement afin d’explorer de nouvelles zones vers l’Ouest. Poursuivant le rêve des pionniers, l’équipe veut cartographier des contrées inexplorées, estimer leur valeur puis les coloniser. Mandaté comme observateur, Joseph photographie - grâce à un calotype qui nécessite trois secondes d’exposition - les hommes qui l’accompagnent, les paysages sauvages qui les entourent mais aussi ses rencontres avec les Indiens pour lesquels il se passionne…
Etunwan celui qui regarde de Thierry Murat
Avec des dessins aux couleurs chaudes pour incarner l’Ouest américain, Thierry Murat propose un voyage poétique et réflexif dont la photographie est le leitmotiv. Dans un style très personnel, le dessinateur propose de reproduire les photographies prises par Joseph, rendant leur immobilité d’autant plus fascinante. La beauté des planches de la bande dessinée accompagne la contemplation du photographe et entraîne le lecteur avec elle pour retrouver l’essence même de la photographie. Les dessins de Murat et les photographies de son personnage se complètent comme médiums artistiques qui servent une même finalité : parler du génocide des Amérindiens.
En photographiant les Indiens, Joseph cherche plus que le témoignage, il veut leur permettre d’exister même après leur extermination qu’ils pressent. Les Sioux l’appellent « attrapeur d’ombres » et, de fait, il attrape quelque chose qui n’est pas tout à fait réel, qui est plutôt de l’ordre du spectre : présent mais déjà absent. Le photographe devient cet être de passage, le Charon de l’histoire du monde. Le massacre des peuples amérindiens, toujours tabou aux Etats-Unis, survole l’ouvrage. Il est partout où il est question de mémoire et d’incarnation. Joseph, celui qui regarde, « Etunwan » comme l’appelle les enfants, observe un monde qui se meurt contre son désir, se détruit sans qu’il puisse agir. En tant que voyeur impuissant il finira par questionner la force de ses images et leur utilité, tout comme aujourd’hui encore on interroge les photoreportages.
Etunwan celui qui regarde de Thierry Murat