August Sander, Jeunes paysans, 1914 © Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur - August Sander Archiv, Köln ; Adagp, Paris, 2016
August Sander, fils de mineur, est tombé dans la photographie par hasard, un jour de travail sur le terril, alors qu'un homme, chargé d'un appareil et d'un trépied, débarque sur le site. Le jeune garçon l'assiste et regarde pour la première fois dans un verre de visée. Il est conquis.
Une histoire de tribu
L'exposition commence par un album de famille dont la première image montre la Landstrasse à Linz, la rue dans laquelle il travaillait. Car tout se mélangeait chez les Sander, dans le creuset commun de la photographie. « C'est une affaire de famille ! », lâche en riant son petit-fils, Gerd Sander, que son grand-père a initié à cette pratique dès l'âge de six ans. Il en a fait son métier, et certains tirages montrés à Cherbourg sont de lui. On voit le déroulement d'une vie aussi, celle d'Anna et d'August, à leurs fiançailles, à la naissance de leur fils Erik, dont on sait déjà qu'il périra dans les geôles nazies. Cette ouverture plante un décor, nostalgique, intime, social aussi, celui d'une famille d'un mineur émancipé, car devenu photographe.
Des visages des figures
« Je ne hais rien tant que la photographie mièvre, pleine de minauderies, de poses et d’effets. Laissez-moi donc dire en toute honnêteté la vérité sur notre époque et sur ses hommes » : la profession de foi photographique, qui présente l'exposition « Hommes du XXe siècle » à Cologne en 1927, est plutôt claire. Conçu par August Sander dans les années 1910-1920, ce projet titanesque, qu'il mena jusqu'à sa mort, se compose de portraits classés par métiers ou milieux. Le but ? Représenter la société allemande et les hommes de son temps. Le projet avait sûrement la démesure qu'autorisaient l'époque et ce nouveau médium photographique, et il restera inachevé. En 1929, Sander publiera soixante portraits extraits de cette folle entreprise : Visage d’une époque - montrés dans cette seconde partie de l'exposition.
A la vue de ces portraits en noir et blanc, de la petite bourgeoisie aux enfants prolétaires (et désignés comme tels), on ne peut évidemment s'empêcher de penser à Walker Evans. Car il ne s'agit pas ici du « peuple allemand » selon l'acception nazi, mais plutôt d'un catalogue ou d'un témoignage documentaire de la diversité sociale d'une population. Le livre sera d'ailleurs censuré par le régime d'Hitler en 1936. Au-delà même de cette pluralité qui dérange, on y trouve également le vent d'une liberté artistique, propre au Cologne festif de l'époque. Les visages de Sander seront d'ailleurs montrés au Kunstverein où les dadaïstes et les surréalistes sont déjà passés. Forcément, cela ne peut pas plaire à tout le monde.
Reproduction de la couverture du livre Antlitz der Zeit (Visage d'une époque), en 1929
Le pays aux sept montagnes
Vaste, sublime et magnifique regard
Qui embrasse la vie tout autour !
Et de montagne en montagne
Plane l'Esprit éternel
Dans le pressentiment d'une éternelle vie
Ainsi commence le texte rédigé par Sander lui-même pour accompagner les 16 images du portfolio des Sept-Montagnes (Siebengebirge). Sans même prendre la peine de préciser que Goethe est l'auteur de ces vers. Une évidence pour lui. A voir ses images des environs de Cologne - exposées en conclusion des Albums -, leur lumière mourante, les noires silhouette des arbres, les brumes et les branches, le Rhin devenu immense miroir d'un ciel de nuages, on le comprendrait presque. Vaste, sublime et magnifique regard.
August Sander, August Sander dans le Siebengebirge, vers 1941
© Die Photographische Sammlung / SK Stiftung Kultur à August Sander Archiv, Köln ; Adagp, Paris, 2016
August Sander Albums
du 22 mai - 28 août 2016
Le Point du Jour - Centre d'art Éditeur
109, avenue de Paris 50100 Cherbourg-Octeville