© Willy Ronis
Willy Ronis est célèbre pour ses émouvants clichés d'amoureux, pour ses photos de rue la nuit (Montmartre, Rue Muller, 1934), pour ses portraits d'enfants, ses images de femmes nues. Et pour ses chats, me direz-vous ? Oui, parfaitement ! Dans la préface de ce livre déjà paru chez Flammarion en 2007 – deux ans à peine avant la mort du photographe –, l'écrivain Colette Felloux rappelle le nom des compagnons de Willy Ronis. Sophie, Joseph, Raoul, Josephine et Arthur furent ses modèles de 1948 à 1959 et comme aucune légende ne nous indique sous les photos de quel petit être à fourrure il s'agit, nous n'avons plus qu'à imaginer lequel est qui. Il y en a des noirs, un tigré, un gris, un noir et blanc. Se sentent-ils ou se savent-ils photographiés ? Ils se comportent en tout cas avec une insouciance et un naturel parfaits ! Témoignage en images du bonheur simple qu'il y a à regarder un chat.
© Willy Ronis
Willy Ronis n'aurait pu dénicher modèles plus adorables : quelque soit l'angle choisi – de face, de dos, de profil, en plongée, en contre-plongée – le chat est toujours photogénique. Et lui ne viendra pas miauler, après avoir regardé la photo, en disant : « oh noon, je ne suis pas beau ! ». Car les chats se fichent de leur image, et même s'ils cohabitent avec l'homme, ils font preuve, à toute heure, de cette divine désinvolture qui les rend si attirants. Sans le vouloir – puisqu'il s'agit d'instants pris sur le vif et non de mises en scène – Willy Ronis fait d'eux des êtres frontaliers. Très souvent, ses chats se tiennent non loin d'une fenêtre ouverte, les yeux tournés vers d'autres horizons. On les sent méditatifs, rêveurs. Et sur l'une des photographies, un chat est arc-bouté contre la vitre, comme s'il voulait rentrer. La composition de la photo ne manque pas de nous étonner : une femme coiffée d'un chignon fait face au félin, et, comme si la fenêtre était un miroir, elle fait le même geste que lui. Petite différence : elle a un bras et non une patte ! Colette Felloux l'écrit : le chat « accompagne (les) gestes » de l'humain, il est son « double » et toute l'énergie du cliché réside ici dans ce face à face, dans le choix du gros plan, mais aussi dans la pose du chat dont on voit les pattes, le dos tout doux et les oreilles dressées. Il est l'expressivité même.
© Willy Ronis
Ce petit être qui vient animer la photo
Les chats de Willy Ronis apparaissent tantôt dans l'ombre, tantôt en pleine lumière et, par leur présence, soulignent les contrastes, les accentuent. Sur ces photographies prises en lumière naturelle, le chat noir apparaît souvent comme l'élément le plus sombre de la scène. En témoigne l'une des scènes : au sein d'un décor à la grecque - des murs blanchis à la chaux, une grande jarre et un escalier blancs - on distingue, sur la cinquième marche de l'escalier, un chat, noir. Si noir qu'on ne distingue ni ses yeux, ni son museau. Le chat n'est alors plus qu'une forme, sculpturale. Le chat est ici photographié dans son cadre de vie intime. A l'intérieur, installé sur une chaise en paille, ou dehors, lorsqu'il se balade en petit aventurier. Où qu'il soit quand le photographe décide d'immortaliser sa pose, sa présence attendrit, amuse ou surprend. Sans ses poses acrobatiques – Willy Ronis en a quand même surpris un accroché à un rideau, et un autre grimpé sur le dos d'une femme –, sans son regard candide ou implorant, cette série photographique de Willy Ronis n'aurait pas la même âme. Compagnon, muse, modèle, petit être mystérieux, malicieux et serein : ces félins auxquels la légende attribue neuf vies ont presque autant de facettes !
Willy Ronis
Les chats
Flammarion
2016
9,90 euros
95 pages