© Didier Ben Loulou
Didier Ben Loulou est un voyageur. Il est allé en Israël, à Tel Aviv, à Jaffa, à Marseille, à Athènes, et il vit actuellement à Jérusalem. Ses photographies sont régulièrement exposées en Europe et aux Etats-Unis, et de toute ses séries, celle qu’il présente dans ce livre, Je t'écris devant les fenêtres de mon hôtel, aux éditions Arnaud Bizalion Editeur, est sans doute la plus belle. Même si Didier Ben Loulou avoue à la mystérieuse personne à laquelle il adresse les textes qui composent cet ouvrage : « J'ai réalisé ce petit album pour toi : ce ne sont que des images faites en passant, rien de sérieux, de petits surgissements, tu comprendras que les mots ici ne servent plus à grand-chose. Ces images ne cherchent ni justification ni l’assentiment de quiconque ; elles sont insignifiantes, et tant mieux. »
Pourtant, lorsque l’on parcourt ces textes, ces lettres, lorsque l’on contemple ces photographies, quand on fait le lien entre les deux, ni les photos, ni le texte ne nous semblent insignifiants. L’intuition nous souffle cependant ce que Ben Loulou a voulu suggérer : il ne faut chercher, derrière ces photographies, derrière ces mots, ni signification philosophique, ni représentation du monde. Laissons-nous porter par ses petites phrases légères, rêveuses, par ses notes, toutes simples, mais non dénuées de poésie.
© Didier Ben Loulou
L’Inde et l’amour
Peu à peu, les pensées du voyageur s’entrelacent à des souvenirs amoureux : « Tu sais combien j’ai aimé ton rire par-dessus tout », « Tu étais d’une telle beauté cet été là, nous étions amants et chanceux ». Sur l’une des photos, une jeune Indienne sourit : Ben Loulou a-t-il photographié cette jeune fille en pensant très fort à celle dont il aimait le rire ?
© Didier Ben Loulou
Dans ce carnet de voyage, il pose sur l’Inde un regard en noir et blanc, égayé, ici et là, de petites touches de violet, de rouge, de bleu et de vert. Très aéré, son livre apparaît comme un espace ouvert à la méditation du lecteur : il y a du texte et de nombreuses photographies, mais aussi beaucoup de blanc. Au début de l’ouvrage, de nombreuses photos sont alignées sur la droite, attirant l'oeil du lecteur d’un seul côté de la page. Le regard des Indiens et des Indiennes est parfois dur. Ils ont les yeux noirs, pensifs.
© Didier Ben Loulou
On voit des femmes voilées assises ensemble, on découvre les habitants chez eux, dans leur vie quotidienne, ou dehors, près du Gange, ce fleuve sacré aux yeux des hindous. Didier Ben Loulou est sensible aux dessins qui ornent les mains des femmes, aux bracelets et autres bijoux qu’elles portent, mais aussi à ces hommes barbus dont le visage fait penser, pour l’un, à un Jésus sorti des eaux, pour l’autre, à un vieux sage.
© Didier Ben Loulou
Le point de vue d'un contemplatif
« Tu sais que la photographie m’ennuie le plus souvent, je n’aime que les livres, la musique, une certaine solitude, je pense parfois avoir des goûts de vieillard ou d’un autre temps », livre Didier Ben Loulou.Voilà qui semble contredire l’une de ses confessions précédentes, lorsqu'il avouait balader son appareil photo avec lui depuis trente ans. Mais les mots ne comptent pas, nous a-t-il dit. Oups, revenons aux images. Pourquoi nous livre-t-il ses photographies alors qu’elles semblent s’inscrire dans une démarche si personnelle ? « L’Inde est pour moi un rêve éveillé » écrit-il. Un rêve où les visages sont marquants, où les couchers de soleil sont nobles et apaisants, un rêve où « la fièvre morbide qui y règne plaît à ceux qui aiment se faire peur : la mort en noir et blanc, le fleuve, les crémations, les animaux, les chiens dévorant les restes humains à moitié calcinés… » Ici, les mots disent ce que les images ne montrent pas. Et les photographies n’ont pas été prises dans un souhait de reportage. En témoignent ces deux ombres, captées en pleine rue par son objectif. Anonymes, en mouvement, elles ne laissent reconnaître autour d’elles aucun lieu. Elles sont de ces visions qui nous touchent sans que l’on sache trop pourquoi, et que l’on a envie d’envoyer à une personne aimée, à une personne avec laquelle on a voyagé, et qui marche « à notre rythme », comme les deux êtres de ce cliché.
© Didier Ben Loulou
Je t'écris devant les fenêtres de mon hôtel
Notes indiennes
Didier Ben Loulou (Auteur et Photographe)
Conception graphique : Mia Vilaraud
Arnaud Bizalion Éditeur
16 euros