Home and Rootless, 2008 © YANG Shun-Fa
Il existe entre ces quatre expositions, actuellement présentées à la Maison Européenne de la Photographie, un lien tacite. Plus que le titre « Lendemain Chagrin », plus que le regard aiguisé des photographes sur la société taïwanaise, c’est la relation ténue, fragile, parfois destructrice, mais toujours indissociable, entre l’homme et son environnement.
Yang Shun-fa maîtrise avec brio l’art de la mise en scène et du décor. Soucieux du moindre petit détail, il capture l’insolite. Ses photographies sont d’autant plus inquiétantes qu’elles sont pour nous incompréhensibles. Chargées de souvenirs et de référents culturels qui ne sont pas les nôtres, elles deviennent les vitrines d’une société que le photographe semble juger superficielle. Objets de fétichisme ou artifices de théâtre ? Ces maisons abandonnées portent à merveille leur titre de « foyers désaffectés » (« home and rootless »), comme si elles étaient interchangeables. On reste à la porte regardant à l’intérieur sans vraiment savoir ce qu’il s’y passe. Ce qui devait être un lieu de vie est désormais un lieu d’exposition. On regarde sans toucher, on passe sans rester, le silence y est éloquent. Lieux actuels déjà passés à la postérité. Les quelques photos possédant une présence humaine en sont d’autant plus dérangeantes de par l'absurdité qu’elles dégagent. Leurs gestuelles de statue, leurs actions dénuées de sens, enlèvent toute vie à la photo et font apparaître la société taïwanaise plus figée que jamais.
Home and Rootless, 2008 © YANG Shun- Fa
Home and Rootless, 2005 © YANG Shun- Fa
Roaming around the Ruins IV - Gods & Idols - Surround the Border (UFO Villa : Monkey), 1999 © YAO Jui-Chung Courtesy JUT Museum Pre-opening Office, Taiwan
Roaming around the Ruins I - The Civilization Built by Skeleton (Thirteen Stratum Copper smelter 9), 1999 © YAO Jui-Chung Courtesy JUT Museum Pre-opening Office, Taiwan
Avec Hung Chen-jen, la photographie est plus que jamais un objet. Ces clichés en noir et blanc sont en fait bien plus que cela, elles sont des collages, des pliages, presque des sculptures. Il y a, dans ses œuvres, du relief, de la matière. Les photographies entrent dans une nouvelle dimension, permettant à l’artiste de les manipuler, d’en arracher les différentes couches et de les redisposer à sa façon. Avec ironie, ou violence, le photographe inspecte non seulement les travers de sa société mais aussi les limites de son art.
Place of Melancholy, 2007 © HUNG Cheng-Jen
Place of Melancholy, 2004 © HUNG Cheng-Jen
En août 2009, le typhon Marakot ravage Taiwan, y laissant de nombreuses victimes. Les traces de son passage, nettes comme des coups de pinceaux sur les murs blancs, sont le sujet d’une série photographique de Chen Po-i. Immortalisant les trainées de boue, les terres ravagées et les murs éventrés, ses photographies se font métaphores : natures mortes d’une terre blessée. Impuissant, le spectateur ne peut que regarder les colères du ciel sur nos fragiles constructions humaines, faiblesse et vanité de l’homme. Deux autres séries accompagnent et complètent celle-ci : la première sur les dessins formés par des fientes d’oiseaux sur des pierres, sortes de peinture rupestres aux formes fantomatiques, et la seconde sur les traces laissées par des feux d’artifices sur les habits des hommes participant à une fête traditionnelle.
Typhoon Morakot (Nanshalu Village)- VII, 2010 © CHEN Po-I
Stone Age-I, 2004 © CHEN Po-I