Peter Hutchinson, Looking from my Garden to Giverny and on to the French Alps, 1991 Collection Frac Limousin. © Peter A. Hutchinson Cre?dit photo F. Le Saux
Peter Hutchinson, Shoal Beach Project (détail), 1997 © Peter Lauer, Düsseldorf
Figure majeure du genre, Hutchinson offre une évasion contemplative dans les royaumes minéraux et végétaux. Le photographe Philippe Durand est également exposé à ses côtés pour son travail sur la Vallée des Merveilles dans le Mercantour. Les deux séries présentées sont brillamment agencées dans ce tout nouveau FRAC dont l'architecture se veut une mise en abyme de l'extérieur dans l'intérieur. Celle de Philippe Durand notamment impressionne par son gigantisme : l'une des deux grandes salles qui lui sont dédiées est une véritable reconstitution des Alpes du Sud, avec ses roches et le son des ruisseaux.
Actuphoto a pu visiter ces expositions et s'est pris une sacrée claque en découvrant les travaux absurdes de Hutchinson. L'artiste, que nous avons eu l'honneur de rencontrer, n'a rien perdu de son optimisme bien qu'il nous soit apparu assis sur un fauteuil roulant, souffrant d'une blessure due à une séance de yoga qui a mal tourné.
Peter Hutchinson, né en 1930 en Angleterre, cultive aujourd'hui un jardin florissant à Cape Cod, la presqu'île en spirale du Massachusetts dont nous vous avions parlé au sujet des photographies de Meyerowitz. Le personnage est abracadabrant et l'absurdité cynique de ses œuvres témoigne d'une folie douce toute britannique. Horticulteur de formation, Hutchinson est dès ses débuts fasciné par les plantes, les terreaux fertiles et les matières en décomposition. Ce n'est qu'à la fin des années 1960 qu'il transpose son sujet d'études à l'art.
Peter Hutchinson, Berlin-Aruba, 1992 Collection Frac Limousin
© Peter Hutchinson Crédit photo F. Le Saux
Cultiver son jardin
Son approche scientifique permet d'envisager chaque œuvre comme une expérimentation botanique ou géologique. Ainsi, l'exposition se construit comme une visite du laboratoire de l'artiste. On pénètre d'abord dans son jardin qu'il cultive sans relâche. De grands panneaux présentent son vivier comme une forêt vierge abondante. Passé ce premier sas, le spectateur est amené à découvrir la série « Collages » : un patchwork photographique de flore bariolée reconstituant les paysages fantasmés par Hutchinson.
Peter Hutchinson, Thrown Rope Project for artists’garden at Weimar, 1993
Sérigraphie et pastel gras
Galerie Bugdahn et Kaimer, Düsseldorf
Cette entrée en matière présage la suite : Hutchinson est un gentil fou. En 1972, il tente une nouvelle approche du jardinage. Las de disposer ses semis en ligne droite, il lance des cordes en l'air et plante ses jacinthes en suivant les ligne sinueuses que les cordes ont tracé en tombant. Le résultat photographique est fascinant : les couleurs serpentent au gré du hasard.
Peter Hutchinson, Alyssum Thrown Rope, 1991
Collage photographique, gouache, pastel gras, encre et texte sur carton
Galerie Bugdahn et Kaimer, Düsseldorf
Into the Wild
En 1971, il part pour une expédition incertaine dans le Colorado avec un assistant recruté par petites annonces. Pendant une semaine, les deux compères s'isolent dans la montagne pour vivre uniquement de ce que la nature leur offre : graines, plantes, champignons avec lesquels ils manquent de s'empoisonner. De cette randonnée primitiviste émergera la série de photos et dessins « Foraging ». Il envisage ainsi une excursion en milieu hostile comme une œuvre d'art.
Images d'Atlantide
Ce qu'on aime avec Hutchinson, c'est qu'il ne s'adonne pas à l'onanisme intellectuel. Il déclare d'ailleurs n'avoir aucune intention didactique. Ses œuvres sont le reflet du capharnaüm florissant de son esprit qui plane à des latitudes atmosphériques.
En 1969, il fait son jardinage dans les abysses et part sur l'île de Tobago pour photographier des plantes et des fruits en décomposition à douze mètres de profondeur dans les eaux du Pacifique. Le résultat est précurseur de l'esthétique du film Avatar. Les végétaux ondulent et hypnotisent.
Peter Hutchinson, Undersea Flower Triangle, Two Oceans Projects, 1969
Magic Mushroom
Émerveillé par les moisissures, Hutchinson conçoit les processus de décomposition comme des rouages essentiels du cycle de la vie : les matières se frelatent et nourrissent le vivier terreux d'où émergeront de nouveaux germes. Ce n'est pas un hommage mais un hymne au champignon qu'il voue sur les versants du volcan « Paricutin » au Mexique. À trois cents kilomètres de la capitale, une éruption qui a duré neuf ans fait naître le volcan en 1943. Ce monticule de terre encore vierge est une aubaine pour Hutchinson qui déploie alors un dispositif colossal. Accompagné par des guides mexicains de haute montagne et leurs chevaux, il transporte deux cents kilos de pain au sommet du volcan, à 3 170 mètres d'altitude. Le projet « Super Wonder Bread » de 1970, consiste à faire moisir le pain sur des bâches en plastique pendant 6 jours. Le résultat, d'après les mots de l'auteur est « macro-cosmique » : les photos aériennes qui en découlent montrent un dégradé de couleurs pastels poudrées au sommet d'une montagne pelée.
Peter Hutchinson, Paricutin Volcano project , 1970-1995
Photographie couleur et noir et blanc, encre sur papier
Studio Peter Hutchinson, Provincetown
L'exposition est fascinante : la quasi-entièreté du travail de l'artiste a été transférée au FRAC. Photographies, sculptures, notes, textes, expérimentations ludiques et installations loufoques sont posées là comme un hommage, une véritable biographie d'un artiste reconnu bien tard.