Marilyn Monroe et Philippe Halsman 1959 Yvonne Halsman Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos
Ce sont ces deux côtés de Halsman qui nous ont séduits dans l'exposition « Étonnez-moi ! » présentée au Jeu de Paume, du 25 octobre au 24 janvier 2016. De Marilyn Monroe à Dali, en passant par les couvertures du magazine Life, les commissaires ont choisi d'y présenter des sujets très variés. Pourtant, dans chacun des espaces de l'exposition, la dualité de Halsman reste omniprésente.
Des portraits fidèles à l'ombre de Freud...
« Je fais beaucoup de portraits et je les prends très au sérieux. Avec vérité et sans artifices, je tâche de saisir l'essence même de mon sujet. » expliquait Philippe Halsman. Au-delà des commandes commerciales, on sent un véritable intérêt pour les sujets qu'il photographie. Bon nombre de ses portraits et reflètent à merveille la personnalité des sujets. Dans le cliché Muhammed Ali, le spectateur sent parfaitement la détermination du boxeur, qui a gardé ses gants le temps de la photographie, comme pour montrer qu'il se tient toujours prêt à décocher un direct. De son côté, Louis Armstrong nous invite à nous déhancher au son de sa trompette en 1966. Andy Wahrol, photographié en 1968 est étrangement inquiétant. Les quatre photographies de l'artiste pop, mises côte à côte, provoquent un effet très perturbant sur celui qui les regarde. En plus d'être fidèles au caractère de leurs modèles, ces clichés entraînent le spectateur avec eux, quitte à le bousculer. « Envoûtant » serait le mot parfait pour décrire l'effet des portraits de Philippe Halsman sur le public.
Muhammad Ali (né Cassius Clay), 1963, Philippe Halsman, Archives Philippe Halsman © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos
Louis Armstrong, 1966, Philippe Halsman, Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos
Andy Warhol, 1968, Philippe Halsman, Archives Philippe Halsman. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos
Au cours de l'exposition, on apprend son grand intérêt pour la psychanalyse. Sa série Jumpology présente des célébrités en train de sauter. Pour Halsman, le type de saut est significatif de la personnalité : un saut avec les bras en l'air montrerait un caractère ambitieux alors qu'un saut les pieds en arrière montrerait le caractère enfantin d'une personne. La première fois qu'Halsman a réalisé l'expérience avec Marilyn, celle-ci aurait sauté comme une enfant. Mécontente du résultat, il aurait fallu attendre 5 ans pour que le photographe puisse retenter l'expérience. Marilyn Monroe aurait sauté plus de 200 fois pour atteindre le saut parfait.
Marilyn Monroe, 1959, Philippe Halsman, Musée de l'Elysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos
Et une grande dose d'humour !
Outre cet aspect psychanalytique, la série Jumpology est avant tout teintée d'humour et nous avons été conquis en voyant sauter en l'air des célébrités telles que Brigitte Bardot, Jean Seberg, le photographe Edward Steichen, le cinéaste Jacques Demy, ou encore les époux Windsor. Ces hommes et ces femmes se prêtent au jeu d'un trampoline imaginaire et donne à voir un spectacle réjouissant pour celui qui regarde.
La dernière partie de l'exposition présente aussi son travail avec Fernandel, en 1948 : The Frenchman. Ce livre présente un jeu de question-réponse et vous apercevrez par exemple un cliché de Fernandel souriant de toutes ses dents, en réponse à la question : « Le Français moyen pince-t-il encore les filles dans la foule ? »
Enfin, d'autres indices ne font que confirmer encore une fois la grande dose d'humour du photographe : une vitrine présente des cartes de vœux adressées par Philippe Halsman à sa famille. Ces montages ont été élaborés par Halsman lui-même et certains sont vraiment très drôles. Sur l'un d'eux, le photographe lui-même fait office de boulet de canon ; c'est sa femme Yvonne qui se charge d'allumer la mèche.
Un poil surréaliste avec la moustache de Dali
L'humour de Philippe Halsman n'est pas sans rappeler l'ironie un peu loufoque que l'on pourrait retrouver chez les artistes surréalistes. Au cours de l'exposition, certains clichés font d'ailleurs clairement penser au mouvement surréaliste : Expérience pour un portrait de femme, qui utilise la technique de la surimpression, ou encore l'homme à la pipe, qui pourrait être un clin d'oeil à Magritte.
"Plantées comme deux sentinelles, mes moustaches défendent l’entrée de ma personne", Dalí’s Mustache, 1953-1954, Philippe Halsman, Archives Philippe Halsman
© 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos., Droits exclusifs pour les images de Salvador Dalí : Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2015
La collaboration du photographe avec Dali prend une place très importante dans l'exposition, et à juste titre : les deux artistes ont travaillé pendant 37 ans ensemble. Les clichés qui ressortent de cette expérience prouvent que le surréaliste et le photographe étaient sur la même longueur d'ondes. De nombreuses photographies, inspirées par la moustache de Dali, n'ont d'autre but que de mettre le surréaliste en valeur et de faire rire l'auditoire : cela fonctionne. Halsman a aussi repris des œuvres de l'artiste, pour les transformer en photographies : The voluptate mors, 1931, se voit ainsi transformée en Crâne de léopard, en 1951. Ce sont désormais des corps de femmes nues qui composent le squelette. Ce jeu subtil montre comment le dialogue a été important entre les deux artistes.
Certaines photographies représentant Dali ont un grand pouvoir cinématographique et montre à quel point Halsman était doué pour l'agencement d'une image. Dali Atomicus, 1948, est la preuve indéniable de ce talent pour la construction : l'image présente une pièce chamboulée par des chats qui sautent à travers la pièce et de l'eau qui se renverse à tout va. Cette photographie, vraiment puissante, ne vous laissera pas indemne et vous donnera, à vous aussi, l'envie de sauter.
Dalí Atomicus, 1948, Philippe Halsman, Musée de l'Elysée. © 2015 Philippe Halsman Archive / Magnum Photos.
Droits exclusifs pour les images de Salvador Dalí : Fundació Gala-Salvador Dalí, Figueres, 2015