Diagonal Composition 1993 © Jeff Wall
« Ah mais vous êtes le mec des light boxes ! », lui a lancé un douanier il y a quelques mois. Difficile de se défaire de ce qui a fait son succès, ces caissons lumineux sont après tout en partie à l'origine de sa légende. Jeff Wall en a marre, il le dit : il veut faire autre chose, élargir sa palette. Voilà sûrement ce qui motive la présentation de ses petits formats dont la moitié au moins n'est pas présentée sur des boîtes de lumière.
Il y a quelque chose d'admirable chez ces artistes à succès qui sont en quête perpétuelle de renouvellement. Pourquoi s'embêter à vouloir évoluer alors que la recette fonctionne ? Parce que c'est sûrement le propre de l'art. Wall s'explique d'ailleurs en citant Degas. Le peintre ne considérait jamais ses peintures comme achevées, et quand il en croisait certaines chez ses amis, il repartait parfois avec pour les continuer. La démarche du photographe canadien va dans ce sens, celui de perfectionner, d'inventer de nouvelles formes, de ne rien s'interdire, pas même l'utilisation de l'Iphone. Hélas, Jeff Wall semble finalement ressasser le même motif conceptuel et anti-esthétique, qui a fait son succès dans les années 1970. Quarante ans plus tard, cela ne fonctionne plus aussi bien.
« Suis-je chanceux ? Suis-je bon ? », s'interroge-t-il au sujet d'une photo dont la composition lui semble parfaite. Nous sommes aussi dans l'interrogation. Est-ce bon ? Est-ce nouveau ? Parvient-t-il à bouger les lignes ? Serions-nous en train de passer à côté de cette exposition ?
Probablement. Ce sont précisément les traditionnels clichés sur caisson qui nous plaisent le plus, comme The Giant, 1992 qui montre une vieille femme nue aux proportions gigantesques au beau milieu d'une bibliothèque. Absurdité géniale. Ou encore, du côté des photographies « non éclairées », ce petit enfant au débardeur sale (Torso, 1997) à côté d'un arbre (Shapes on a Tree, 1998 que l'on retrouve en plus grand dans la même sale, en face).
Torso, 1997 © Jeff Wall
Alors oui, le thème et les recoins d'un monde oublié et craquelé comme un savon sale peuvent intriguer suffisamment pour se laisser toucher par quelques images évocatrices : celle d'une valise remplie d'eau de pluie, d'une fenêtre opaque ou celles de la mini série Diagonal Composition (Diagonal Composition, 1993, Diagonal Composition n°2, 1998 et Diagonal Composition n°3, 2000).
Mais d'autres clichés, trop déconnectés ou déjà trop vus, laissent de marbre, voire déçoivent. C'est le cas du reste de petit pois en sauce dans son moule d'aluminium (Peas and sauce, 1999), des petites robes en vitrine (Shop Window, Rome, 2006) ou des images floues, comme les sempiternelles prises de vue d'écran TV (Boy on TV, From Eviction Struggle, 1989).
Si l'on admire les propositions souvent audacieuses et originales de la fondation Cartier-Bresson, on reste un peu plus dubitatif face à ces Smaller Pictures sans saveur.