Pastorale africaine, de Hans Silvester, aux éditions de La Martinière
© Hans Silvester
Il s'agit du treizième livre de Hans Silvester, et du troisième qui illustre les coutumes des peuples de cette région d'Afrique australe. Parue elle aussi aux éditions La Martinière en 2006, son œuvre Peuples de la vallée de l'Omo était un véritable témoignage culturel en deux volumes. Une partie était consacrée à la présentation des tribus et aux anecdotes de voyage partagées avec elles, l'autre se concentrait sur les aspects visuels avec les peintures corporelles pratiquées dans la région.
Soucieux d'offrir une narration appropriée, Silvester aime allier sa passion de l'image au doux maniement de la langue française. Ayant déjà collaboré avec Jean Giono pour raconter son reportage sur la Camargue, il choisit pour ce nouvel ouvrage Pastorale africaine un amoureux des mots et de la Nature, Pierre Rhabi, ainsi que Joëlle Ody, journaliste au magazine Polka.
L'artiste se concentre ici sur un aspect plus précis qui l'a marqué au cours de ses voyages en Ethiopie : le quotidien de ces enfants-bergers, à travers leur travail et leurs peintures corporelles. La tribu Suri, ou Surma, compte environ 30 000 individus pour 300 000 zébus, soit 10 bêtes par personnes. Autant dire que ces chiffres expriment bien l'amour que porte ce peuple à ses animaux.
© Hans Silvester
Du bambin et son veau à l'adolescent et son zébu : une formation dès le plus jeune âge
Commençant très jeunes leur formation de berger, les petits Suri créent des groupes de 10 à 20 individus, et passent trois mois ensemble à travailler avant de revenir au village et de laisser leur place à un autre groupe. Ce roulement donne l'occasion aux enfants de ne pas être complètement séparés ni de leur mère ni de la vie au village. Pendant ces trois mois, les enfants et les bêtes dorment dans un kraal, sorte de hameau aménagé pour que tous puissent dormir ensemble dès le coucher du soleil jusqu'aux premiers rayons du jour.
Quasi-nomades pendant leurs mois de pastorale, les petits bergers ont appris à voyager léger. N'ayant presque aucun bien matériel, les enfants portent sur leurs corps nus des calebasses assez légères pour y transporter quelques bricoles (lames de rasoir, arc, peau de vache roulée). Malgré toute la magie de ce récit, le photographe nous ramène à la réalité en évoquant le maniement des armes, même pour les plus petits, afin d'être aptes à défendre leur tribu et leurs bêtes.
« La beauté se mesure dans le regard des autres »
Au fil de ses voyages, Hans Silvester s'est aperçu que les enfants n'avaient aucun motifs picturaux récurrents, leur plaisir étant dans la création et le renouvellement perpétuel. Néanmoins, ils se plaisent à imiter les motifs du corps des vaches, comme pour vivre en symbiose avec elles. C'est avec la cendre de bois qu'ils donnent cet aspect blanchâtre au corps et au visage. Puis, comme enrobés dans un petit nuage de coton, ils se servent de l'argile, et créent des motifs à l'aide de tige de fleurs ou encore de branches en guise de pinceaux. Les enfants aiment aussi se déguiser en leurs personnages favoris : les vaches. Une fois le corps recouvert d'une croûte d'argile, ils prennent soin de se confectionner des cornes grâce à la même matière.
Leur palette chromatique est réduite à ce qu'offre la Nature : blanc, ocre rouge, jaune. Ils usent également de fleurs pour parfaire leurs parures. Pas de miroir pour s'admirer : « La beauté se mesure dans le regard des autres », écrit Silvester.
© Hans Silvester
© Hans Silvester
Dans cet ouvrage, les portraits captés par Silvester font abstraction du second plan pour mieux se concentrer sur le sujet principal. On retrouve ainsi des portraits d'enfants coiffés de peau d'antilope, ou encore des gros plans sur les motifs de peintures corporelles. Souvent photographiés lors de leurs tâches quotidiennes, les apprentis bergers ne fixent pas l'appareil. Habitués au photographe et à son objectif, ils agissent naturellement, en toute confiance. Et les quelques portraits qui captent leur attention offrent un résultat fascinant grâce à leurs regards perçants.
© Hans Silvester
Hans Silvester délaisse le noir et blanc au profit de la couleur, et quelle couleur ! Le vert des pâturages, le sang, les pigments et le feu : voici les quelques teintes éclatantes qui font vivre cette série de photo.
Avec une vision objective et une démarche quasi-sociologique dans sa manière d'aborder les sujets, Hans Silvester nous offre des photos vivantes et touchantes de sincérité. Grâce à ses « cheveux blancs », confie-t-il, l'artiste a su se faire accepter par les anciens et par la communauté. Son œil familier mais jamais intrusif en est la preuve.
© Hans Silvester
Pastorale africaine
Hans Silvester (Auteur) - Pierre Rabhi (Préface)
Editions La Martinière
40 euros