
The bus stopped... she slept so well, nothing or no one dared wake her up. © Erick Ifergan
His sleepy eye tells the story of a lost emperor who was once the most powerful emperor who ever lived. © Erick Ifergan
Après avoir étudié le cinéma à UCLA, Erick Ifergan entame sa carrière à Paris dans les années 1980. Il réalise une série de campagnes publicitaires pour Dior, Sony ou Nintendo, ainsi que les pochettes d'albums et vidéoclips d'artistes comme Souchon, Bruel ou Goldman. En 1990, le voilà de retour à la cité des anges où il réalise les clips de Rod Stewart, Isac Hayes ou Tori Amos. Pour son travail de réalisation, il reçoit plus d'une centaine de récompenses internationales comme le Lion d'Argent à Cannes ou un Epica d'or au Royaume-Uni. Publicitaire en phase avec les exigences esthétiques du XXIè siècle, il poursuit parallèlement ses recherches artistiques à compte d'auteur, et réalise le long métrage « Johnny 316 » (1998), puis le court-métrage « Divine Presence » (2008). Les « American Nights », présentées à Cannes, marquent dans son parcours un retour à la photographie.
I am the king of roses... I have a kingdom and my kingdom is full of roses. © Erick Ifergan
Edward Hopper, qui travaillait lui-même à partir de tirages photo, ne désavouerait pas ces larges plans figés, tout empreints de solitude urbaine. Réalisés en argentique avec un Hasselblad de moyen format, leur dimension panoramique est mise en valeur par une impression en double-page réalisée chez l'éditeur Arnaud Bizalion. Sous la lumière blafarde et verdâtre des feux de circulation, Los Angeles, empire d'asphalte, devient l'environnement « naturel » d'une faune anonyme et pittoresque : loubards retraités, itinérants illuminés, matrones adipeuses ou prophètes improvisés...
The Clown's mother took my hand behind her car in the gas station. She asked: "are you a believer?" I said "Yes". She said «Repeat after me»... Here I was down town LA between a clown and his mother repeating a religious text that was for sure meant to baptise or convert me to a strange and new religion. © Erick Ifergan
Mais contrairement aux apparences, le travail d'Ifergan ne part pas d'une intention documentaire ou réaliste. Dans un essai placé en fin de volume intitulé : «Erik Ifergan ou la photographie conceptuelle en tant que narration fragmentée», le critique et universitaire Drew Hammond écrit : « Plutôt que de faire de la photo une fiction servant à représenter la réalité, le travail d'Ifergan contraint la réalité à représenter sa fiction. » En effet, le photographe travaille à partir de fragments narratifs de son invention (morceaux de scénario, notes pour un projet artistique) qui accompagnent chaque image dans le recueil. Cela peut être aussi court que : « Waitin' for my man » (un homme est planté seul, sous les feux d'un lampadaire, au milieu d'un trottoir crasseux) ou encore : « The little house under the freeway » (une cabane de fortune se dresse sous une autoroute métropolitaine). Après avoir défini un emplacement, le photographe guette la situation réelle qui correspondra à ces schémas imaginaires prédéfinis. C'est pourquoi Drew Hammond peut affirmer que chez Ifergan, ce sont les êtres humains qui servent de ready-made* : l'artiste ne cherche pas à révéler leur personnalité, mais les choisit parce qu'ils correspondent au cliché qu'il a en tête. De même que, pour le ready-made, le lieu (le musée) est plus important que l'objet, chez Ifergan, la configuration du lieu (entre autres, les arrangements lumineux) précède l'apparition du sujet humain.
He stared at me for the longest time, mesmerized as if he just saw the virgin Mary in the lone silence of night on Broadway boulevard. © Erick Ifergan
A la fois narratives et conceptuelles, intimistes et distanciées, comiques et tragiques, les scènes nocturnes d'Ifergan défilent sous nos yeux comme autant de vignettes d'un panthéon moderne. Mais on ne peut pas décider, en définitive, si ces étranges divinités de notre mythologie urbaine sont un produit de l'imagination, où si elles mènent réellement leur existence marginale derrière le papier mat Hahnemüle utilisé par l'artiste. Une prouesse de sobriété et de concision, dans l'idée comme dans la réalisation.
HOPE
FF 260 x 181 mm,
96 pages, 40 photographies,
couverture reliée cartonnée pelliculée mat
impression quadri R°V° sur condamat 170 grs
*Forgé par Marcel Duchamp pour décrire sa célèbre «Roue de bicyclette» (1913), le terme de «ready-made» désigne un objet manufacturé qu'un artiste détourne de sa fonction d'usage pour l'exposer dans un lieu culturel, lui conférant ainsi de fait un statut d'oeuvre d'art.