© Marie Sordat / Yellow Now
Série Cendres, Belgique/France/US - 2004-2009
© Marie Sordat
Marie Sordat, photographe française née en 1976, nous dévoile un monde brut, qui accroche le regard comme il écorche les sens, qui dérange, à mi-chemin entre rêve et ivresse. La photographe fait appel à l’imagination et au ressenti. Ses sujets sont insaisissables, flous. Ce sont des ombres, des fantômes éphémères, presque des visions. Un univers sombre, jamais serein, où la neige des photos se confond avec le grain grossier de l’argentique.
Série Hosanna, Israël - 2009
© Marie Sordat
Entre flous et mirages
Parmi ses clichés, celui d’un homme, prostré à la table d’un bar dont la décoration est passée de mode. Bras croisés sur le meuble, le visage contre ses membres, il semble en proie au désespoir. Et les formes incertaines de quelques objets qui lui font face libèrent l’imagination. Cet élément clair pourrait être un verre, renversé d’avoir trop servi. L’histoire de cet homme se tisse au gré de nos pérégrinations mentales. Plus loin, dans une rue éclairée, une femme voilée tient dans ses bras un enfant à la capuche rabattue. Leur consistance est fantomatique. Sont-ils ici ou déjà en partance ? Sont-ils un mirage, une illusion ? La persistance de la scène, figée sur le papier est seule à nous rappeler que ce moment a bien eu lieu.
Série MotherLand - 2009-2012
© Marie Sordat
Elle se dévoile, sans un mot
Le livre est pensé comme un film, sans souci de chronologie. Les séries se mélangent (Walking after Midnight côtoie Motherland, Cendres ou Marelle), les lieux n’ont plus d’importance (Belgique, Bosnie-Herzégovine, Cambodge, France, USA, Italie, Israël…). Les photographies ne se font écho que par leur couleur et les ombres qu’elles abritent. Mais l’ensemble se veut simple et mystérieux, raison à l’origine de l’absence d’écrits dans le livre. Pas de texte, donc, ni de matériel sophistiqué. Neuf appareils argentiques, voilà les seuls outils qu’elle a utilisés pour réaliser ses clichés. Une frugalité dont la photographe s’amuse, écrivant sur la dernière page du livre « Maquetté dans Paint, sans connexion internet et sur la table de la cuisine ».
Fantasmagorique et chimérique, Empire offre un voyage dans la conscience plus que dans le réel. « Chaque photo réussie, c’est de la magie. » Magie blanche ou noire, Marie Sordat ne choisit pas. C’est ainsi que les odes à la féminité, à la vie et à l’amour jouxtent l’expression de nos peurs les plus enfouies.
Empire, Editions Yellox Now, 14 x 21, 128 pages, 22 euros