Sans Titre (Les Personnages avec le petit François) 1994-1995 Valérie Jouve C-print, 100 x 130 cm. © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015. Courtesy galerie Xippas, Paris
Valérie Jouve a le dynamisme d'une artiste qui a des choses à dire. Vive, loquace, elle déambule dans les différentes sections afin de présenter l'exposition Corps en Résistance (au Jeu de Paume jusqu'au 27 septembre). Elle explique que lorsqu'elle a commencé son travail à la fin des années 1980, elle avait déjà conscience que ce serait une entreprise de très longue haleine. Il faut effectivement du temps et de l'énergie pour étudier en profondeur les liens qui nous unissent à notre environnement, ceux-là même qui se tissent entre humanité et urbanisme. Ce corps à corps - ou « corps à ville » plutôt - , qu'il se passe à New York, à Marseille, au Guatemala, en Palestine ou en banlieue parisienne, passionne Jouve et se retrouve au cœur d'une œuvre photographique dense et plurielle.
Sans titre (Les Personnages avec Marie Mendy)
1994-1996
Valérie Jouve
Photographie couleur, 110 x 148 cm.
Collection FRAC Ile-de-France. © Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015
Sans titre (Les Personnages avec E.K.)
1997-1998
Valérie Jouve
C-print, 114 x 152 x 3,5 cm.
© Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015. Courtesy galerie Xippas, Paris
Sans titre (Les Situations)
1997-1999
Valérie Jouve
C-print, polyptyque 6 panneaux, 80 x 107 cm chaque.
Collection Centre National des Arts Plastiques, Paris.
© Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015
Cette dissection du monde urbain, ou qui s'urbanise, est dans un premier temps assez fascinante, d'autant plus que Valérie Jouve est selon nous une portraitiste née. La photo du petit François montre à elle seule toute la puissance et la maîtrise de la photographe. Les Sorties de bureau, figures désarticulées, découpées et collées sur fond gris, sorties tout droit de la Défense ou de Manhattan, proposent de leur côté une chorégraphie d'uniformes sombres. Cinquante nuances de gris où hommes et femmes semblent véritablement danser. Il y a aussi ces lignes de voitures, Sans titre (Les Situations), montrant des corps d'un coup si proches et pourtant si loin, isolés dans leurs carcasses de métal. Au dessus d'eux émerge la photographie d'un homme hagard et gominé. Valérie Jouve montre ceux qui se croisent, dans une promiscuité physique forte, et qui pourtant « (...) ne font que s'effleurer. »
Les Sorties de bureaux
Détail, 1998-2002
Valérie Jouve
C-print, polyptyque de 24 panneaux, 50 x 883,5 cm.
© Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015. Courtesy galerie Xippas, Paris
Park Avenue vs Broadway. La délimitation sociale, pour ne pas dire discrimination, est montrée. Découpage à l'appui. Car l'artiste revendique un travail manuel, voire traditionnel : que ce soit le travail à la chambre grand format ou les ciseaux utilisés pour découper ses clichés en passant par cette retoucheuse avec laquelle elle a travaillé bien avant l'apparition du numérique. Valérie Jouve met en avant l'engagement qui imprègne tout son travail. On ne doute évidemment pas de ses intentions, mais on ne les ressent pas avec autant de force qu'elle. Certaines images ou vidéos ennuient et on peine à leur trouver une âme, ou même l'intention politique, sociale ou écologique qu'elle leur prête. La section Blues, créée spécialement pour l'exposition du Jeu de Paume, ne convainc pas non plus. On entend Valérie Jouve nous parler du Guatemala, de l'injustice, de Tania Carl, cette chanteuse vagabonde exilée là-bas, mais l'on ne voit presque rien, comme si les clichés ou la vidéo s'étaient vidés de leur substantifique moelle, avaient perdu l'âme, la révolte et le soleil sur le chemin du retour.
Sans titre
2014-2015
Valérie Jouve
C-print, 100x130 cm.
Production : Jeu de Paume, Paris.
© Valérie Jouve / ADAGP, 2015. Courtesy de la galerie Xippas, Paris
Sans titre
2014-2015
Valérie Jouve
C-print, 100x130 cm.
Production : Jeu de Paume, Paris.
© Valérie Jouve / ADAGP, 2015. Courtesy de la galerie Xippas, Paris
Emilie Lemoine