« Très photogénique, Roland-Garros, très universel », résume sobrement Philippe Labro dans la préface. L'homme de lettres manifeste son attachement au tournoi dans cette introduction qui a tout d'une déclaration d'amour. Il compare même le tournoi à de la dramaturgie : « Ici se joue une comédie humaine, ici se déroule un récit qui n'a pas été écrit, et dont chaque minute peut révéler une surprise ou susciter une déception, faire naître une exaltation. » Après tant d'emphase, c'est donc une rétrospective inattendue que dévoile ce recueil.
© Steve Hiett, Vue du haut du court central
« À travers le miroir »
Il donne à son appareil photo un virage à180° : au lieu de rester l'oeil rivé sur les courts, il vagabonde au gré des rencontres, en focalisant sur les détails, des couleurs, des instants fugaces. La seconde partie du recueil « À travers le miroir » regorge de micro événements et de micro mondes, au cœur de la compétition à proprement parler qu'est le tournoi. Même les personnalités passent sous ce filtre de la photo instantanée, prise sur le vif. Le portait casual qu'il fait du légendaire Björn Borg, six fois vainqueur du tournoi, est glissé dans le livre entre deux clichés d'ambiance. On dirait presque que le joueur de tennis fait partie des meubles ou du moins qu'il appartient à ce monde à part qu'est Roland-Garros.
© Steve Hiett, tableau d'affichage des rencontres 2014
Et si Roland-Garros était une planète à lui tout seul ? C'est en tout cas l'impression très forte que dégage ces photographies. Les courts de l'Est parisien donnent à voir un spectacle étrange et bien rodé. Les clichés en plan rapproché des ramasseurs de balles donnent l'ampleur de ses participants de l'ombre du tournoi. De ces groupes de jeunes, photographiés de dos ou encore en plein échauffement (oui oui, comme les sportifs) en sort l'impression d'être face à un groupe uni et fort, l'un des symboles de Roland-Garros.
L'ombre du photographe de mode
Gaël Monfils, Novak Djokovic, Ernest Gulbis, Rafael Nadal ou encore Andy Murray, Steve Hiett photographie ces champions à la manière des icônes de mode, Andy Murray volant dans les airs ou un Nadal concentré, le visage dédoublé sur écran géant en face de gradins remplis. L'appareil photo de Steve Hiett et les yeux des spectateurs sont rivés simultanément sur ces sportifs.
© Steve Hiett, Rafael Nadal
Mais le héros essentiel de ces photos, c'est la couleur. Steve Hiett vivifie les contrastes en utilisant un flash qui donne à ses clichés une lumière très blanche. Quelquefois, ce style offre l'impression désagréable que les photographies sont surexposées. Cependant, la patte artistique de Steve Hiett contribue à créer un univers à part dans la nébuleuse de Roland-Garros. Le livre se veut en lui-même être le souvenir du tournoi de Roland-Garros en miniature : la couverture imite d'ailleurs la terre battue des courts...
Vingt-deux clichés de Steve Hiett sur Roland-Garros sont actuellement exposés à l'Hôtel de ville de Paris jusqu'au samedi 20 juin 2015. L'exposition fait égalemen découvrir les aménagements du nouveau stade.
Roland-Garros, de Steve Hiett,
144 pages, 39 euros, paru en avril 2015
Publié par les éditions de la Martinière.