© Araki - Crazy Old Man - éditions Thircuir
Publié aux édition Thircuir, le nouvel ouvrage d'Araki ressasse, encore et toujours, les obsessions du photographe japonais. Crazy Old Man A présente alternativement des instantanés de poupées, de nus, de fleurs ou de villes. Parfois peints ou découpés, ces clichés continuent d'inscrire Araki dans un registre incertain, entre poésie et hard-core, qui n'intéresse que lui-même.
© Araki
Dans Crazy Old Man A, Araki continue son journal intime photographique, initié dès le début de son œuvre dans les années 60. Le photographe, aujourd'hui âgé de 74 ans, y présente successivement les motifs récurrents de son travail. Des objets d'abord, ceux du quotidien, comme un siège auto, une statuette, des toilettes, des poupées. Mais Araki ne serait pas Araki sans détournement. Les poupées photographiées en gros plan, parfois démembrées, souvent nues, se transforment en objets d'un monde fantastique, celui de l'artiste. Les étranges couleurs et la mise en scène introduisent de l'angoisse dans ces jouets qui nous accompagnent pourtant depuis l'enfance. Ce qui était rassurant, inscrit dans la normalité et le quotidien est métamorphosé jusqu'à rappeler les vanités baroques.
Le dérangement que provoque Araki est profondément lié au sexe et à la mort qui sont au coeur de tout les questionnements humains. En alliant poupées, fleurs et salamandres, Araki multiplie les référants mystiques et philosophiques. Les compositions diffèrent, avec même quelques beaux coups de pinceaux abstraits, mais le monde qui s'en dégage reste le même, celui d'Araki, où il ne fait pas bon vivre – surtout quand on est une femme.
© Araki
Depuis ses débuts, Araki est reconnu principalement pour ses photos de Tokyo et ses photos de femmes. Si quelques clichés de la ville sont présentés dans l'ouvrage, ils sont rapidement dépassés par le nombre de femmes photographiées. Rejoignant l'univers de ces vanités contemporaines, le corps des femmes sous l'oeil du photographe japonais, est un corps plastique, où l'érotisme n'existe pas. « Quand je suis devenu adulte, une femme pour moi, cela signifiait tout de suite son sexe » déclarait ainsi Araki dans son ouvrage rétrospectif publié aux éditions Taschen. Les photos de ces femmes, réduites à la seule chose qui semble les faire exister, participent à la constitution du journal intime de l'artiste. Lui qui est « devenu un appareil photo », qui ne distingue plus la machine de l'être humain. La démarche était intéressante un moment mais finit par dévoiler la vacuité de l'oeuvre. Tout est photographiable, sans distinction, sans réflexion, sans préoccupation de l'intime. Il est tragiquement ironique de constater que sa femme est décédée d'un cancer de l'utérus et qu'il est lui-même atteint d'un cancer de la prostate, comme si ses obsessions charnelles avaient pénétré la chair même du couple. Quand Araki dit : « Un photographe qui ne photographie pas les femmes n'est pas un photographe, ou seulement un photographe de troisième classe (…) Les femmes vous apprennent beaucoup plus de choses sur le monde que la lecture de la Comédie Humaine de Balzac », l'artiste semble certain d'exprimer son amour des femmes alors qu'il ne fait, en réalité, que les confondre avec ses fantasmes quotidiens. N'est-ce pas absurde de dire qu'une femme, simplement parce qu'elle est femme, aurait plus à nous apprendre que Balzac ?!
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Le problème Araki ce n'est pas ses choix de photos, mais la réitération lassante de ses motifs. L'univers d'Araki se réduit souvent aux thèmes qu'il ressasse depuis les années 60. Sous prétexte de vouloir photographier uniquement ce qui l'entoure il déclare : « Je n'ai rien à dire, aucun message particulier dans mes photographies (…) j'ai des choses à photographier alors que je n'ai rien à exprimer ». De toute évidence, il s'agit d'un mensonge : Araki essaie toujours d'inscrire sa démarche photographique dans un projet vital. Araki pense ses photos, les vend comme une marque. Sa dernière collaboration avec l'industrie de luxe italienne Bottega Veneta ne fait que confirmer le discours marketing d'Araki qui aimerait bien se faire passer pour un « sale gosse faisant des bêtises interdites ». On a envie de lui dire que « ses bêtises interdites » ne le sont plus depuis belles lurettes et qu'il serait tant qu'il passe à autre chose, à la lecture de la Comédie Humaine peut-être ?
Crazy Old Man A
Araki
Disponible le 19 Mars 2015
aux Editions Thircuir, 289p