© Brian Duffy
Chroniques du 03/03/2015 au 31/5/2015 Terminé
Philharmonie 221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris 75019 Paris France
Jusqu'au 31 mai, l'exposition David Bowie Is retrace le parcours de l'artiste dans les moindres détails. Tous les supports sont présents : costumes, vinyles, clips... l'immersion est totale. La Philharmonie plonge les groupies et les curieux dans un dispositif à la fois visuel et sonore, mais où l'image reste maître du temps.Philharmonie 221, avenue Jean-Jaurès 75019 Paris 75019 Paris France
David Bowie Is est une véritable immersion musicale et visuelle. Tout comme le personnage, l'exposition est un spectacle à part entière. Armé d'un casque audio, le spectateur déambule dans les différentes salles, hésitant entre se trémousser ou bien se concentrer. Mais cette hésitation n'est en rien frustrante, puisque même Bowie explique que la musique et l'image sont faites pour s'entendre. Les oreilles guident les yeux et inversement. A peine rentré dans une autre pièce un nouveau bruit se déclenche, qu'il soit une musique de Bowie, sa voix ou celle d'une personne qui l'a rencontré. Chaque son accompagne méticuleusement une photographie, un clip, une vidéo, ou encore une affiche...
Image et Biographie
Les photographies de David Bowie Is dévoilent les différentes étapes de sa vie. Elles commencent avec le petit David Robert Jones, âgé de six mois le 10 mai 1947, et enchaînent avec le David Bowie aujourd'hui. Mais sa naissance se voit aussi par sa décision d'incarner un personnage à lui seul. Son nom de scène provient de deux choix personnels. D'abord, il ne veut pas être confondu avec le chanteur du groupe de rock The Monkees, qui est Davy Jones. Ensuite, il choisira de prendre le nom du pionnier James Bowie, un fervent soldat ayant participé à la révolution du Texas au XIXème siècle. Une photo d'archive de cet homme qu'il admire est présente. David Bowie peut donc commencer à s'émanciper.
Dès l'adolescence, Bowie semble à l'aise devant l'objectif. A 16 ans, il pose avec les choristes The Kon Rads. La photographie en noir et blanc montre qu’il affirme déjà un style vestimentaire particulier. Il porte le costume cravate tel un dandy et la coupe banane tel Elvis Presley. L'affirmation de soi est le plus gros trait de sa personnalité. David Bowie Is... David Bowie bien-sûr ! Derek Fearnley, membre de The Buzz (le groupe de David Bowie dans les années 60) a dit « se rappeler du côté stimulant de Bowie ». Cette énergie qu’il dégage est force de création. Une énergie retranscrite dans tous les portraits présents à l'exposition.
Bowie aime le bouddhisme, la bohème, l'avant-gardisme, ce sont des mouvements qui le nourrissent. Plusieurs photographies illustrent ses multiples inspirations autant spirituelles qu’artistiques. Parmi elles, l’une est un portrait de l’artiste pendant le Aladdin Sane Tour. Bowie y chante en transe, micro en bouche, la lumière rivée sur son visage. Il porte le troisième œil sur le front, un bijou de culture bouddhiste aux couleurs dorées. Cette idée vient d’une rencontre avec le directeur du label Mercury de l’époque, qui porte lui aussi cet accessoire.
© Roy Ainsworth
Image et Création
Au-delà de ce détail, tout ce côté « paillettes et grandiose » se retrouve dans la majorité des photos. Car Bowie, c’est l’invention du « Glitter Rock ». Ce mouvement des années 70 est à l'origine d’un univers visuel novateur. Il est le pionnier du « glam » et de la construction de fortes identités. Le rock n’est plus dédié qu’aux machos mais à tous les musicos. Même si Bowie est maître de son travail, il cherche pourtant tout type d’influences provenant d’autres artistes, d’autres personnes rencontrées prêts à nourrir sa créativité. Andy Warhol en fait partie. Beaucoup de clichés le montrent en sa compagnie ou en train de s’en moquer. « Qui aime bien, châtie bien » dit le proverbe familier. Celui qui retient notre attention est une photo des coulisses du film Basquiat, en noir et blanc, en légère contre-plongée. Bowie est assis dans un fauteuil, les jambes croisées et l’air quelque peu hautain. Il est déguisé en Warhol, portant sa perruque et ses vêtements.
A l’inverse des paillettes, le choix photographique de l’exposition dévoile aussi des images étonnantes et conceptuelles. Ainsi, l’électricien russe Semyon Kirlian, inventeur de la « photographie Kirlian », immortalise le doigt de l’artiste sous tous ses angles. Ce procédé capture une image sous une haute tension électrique, dévoilant quelque chose d’expérimental et de surprenant.
Bowie a donc pleinement conscience du pouvoir photographique, qu’il utilisera d’ailleurs à travers d’autres courants artistiques. L’image semble être pour lui multifonctionnelle voire pluridisciplinaire. Parmi les images transformées vers d’autres arts, il y a celle de Terry Pastor pour l’album Ziggy Stardust. Cette pochette s’inspire d’une photo de Brian Ward, prise par une nuit londonienne froide, à laquelle Terry Pastor donne de la couleur. L’autre œuvre, est celle d’Edouarde Paolozzi, composée d’une multiplication d’images provenant de livres ou encore de magazines. Cette composition, Bowie la considère comme le reflet du progrès mais aussi de la destruction de l’humanité. David Bowie réalisera lui aussi sa propre création, tirée d’une photographie du film « The Man Who Fell to Earth » par David James en 1976. Pour ce faire, il conçoit un collage où il copie/colle le sol de la salle de bain sur l’eau de la baignoire. Il découpe aussi son portrait pour le coller dans le miroir créant ainsi un procédé de dissociation.
© David James
Image et Puissance
L'exposition rend hommage à cette puissance de l’image qu’admire Bowie, via plusieurs dispositifs. Trois cadres animés sont accrochés dans une salle dans lesquels des photographies de l’artiste défilent. Mais surtout, David Bowie Is met en place une véritable tranche de vie photographique. Quatorze portraits, couleur comme noir et blanc, ont été sélectionnés pour représenter différentes étapes de sa vie. Une légende divisée en chapitres accompagne chacune des images. « Germination », « Fascination », « Reconditionnement », « Vocation », « Réaction », « Détection »... Des mots qui semblent s’accorder avec chaque étape de vie capturée dans les portraits. Des portraits remplis d’émotion. A en donner le frisson.
Parmi les photographes choisis, on retrouve Armstrong-Jones et Herb Ritts, tous deux connus dans le domaine de la mode. Anton Corbijn photographe et réalisateur a aussi sa place, tout autant que John Rowlands, pour son magnifique portrait noir et blanc The Archer de 1976. On trouvera encore Geoff Mc Cormack, connu pour avoir accompagné David Bowie dans ses voyages de 1973 à 1976. Cette dizaine de clichés révèle tous les visages de Bowie, traversant le temps. L’histoire d’un instant il n’est plus seulement une icône mais un être humain comme les autres. Chaque portrait attrape une émotion, une jeunesse, un souvenir…
© John Rowlands
Image et anecdotes musicales
Avec ses 140 millions de disques vendus, comment ne pas passer devant toutes les photographies de ses pochettes d’albums ? Car oui, elles sont toutes présentes. La Philharmonie a même créé une véritable pièce ambiance « studio d’enregistrement ». A l'intérieur s’y trouvent quasiment toutes les couvertures de disques et trois photos. Pourquoi trois ? Chacune montre l’artiste dans différents studios. La première est au Sigma Sound Studio, à Philadelphia, prise par Terry O’Neill en 1974. Ce photographe britannique est aussi connu pour ses clichés d’Audrey Hepburn, Brigitte Bardot ou encore The Beatles. Les deux dernières sont de Geoff Mc Cormack, l'une immortalise Bowie au Cherokee Studios (Los Angeles), l'autre en train de composer une chanson en 1975.
Certaines pochettes racontent des anecdotes particulières. Une planche contact de la séance photo pour le disque d’Aladdin Sane en est un exemple. Réalisée par le photographe Brian Duffy en 1973, celle-ci montre des diapositives en noir et blanc. Parmi elles, une seule domine, elle est en couleur. Elle sera alors sélectionnée pour l’album. La Philharmonie, pour le plaisir des yeux, l’affiche en grand format. D’autres éléments croustillants sont aussi présents, comme une séance Polaroid pour l’album Scary Monsters, toujours par l’artiste Brian Duffy.
© Brian Duffy
Quant aux autres membres du groupe, ils ont eux-aussi leur anecdote. L’album «The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars » montre quatre portraits noir et blanc effectués en contre-plongée. Un choix réfléchi puisqu’il fait référence à la contre-plongée de Stanley Kubrick dans son film Orange Mécanique que Bowie admire beaucoup. L’affiche du Earthing Tour, réalisée par le designer Rex Ray en 1997, termine ce classement anecdotique. Celle-ci dévoile un gros plan de Bowie dont le regard est perçant. Sa pupille gauche est dilatée. La bagarre de la cour d'école a mal tourné. Il n'a que quatorze ans.
© Frank W. Ockenfels
Juliette Sellin