© Beaucardet W./Urba images server
Mais sa vision des choses ne serait rien sans ce que lui a offert et ce que lui offre encore le monde. Un monde qu'il décrit avec intensité et profondeur, sans jugement ni préjugés, ou presque. Cette prétention de photographier tout ce qui l'entoure reste néanmoins sélective. Même si Salgado se refuse d'être considéré comme un photographe militant, ses reportages restent profondément porteurs d'un message à la fois social et environnemental, dénonçant les conflits ethniques et géopolitiques, suivant de près les populations réfugiées et exilées. Et lorsqu'on le lui fait remarquer, il répond :
« Cela s'est fait comme un prolongement de mon engagement politique et de mes origines. Nous vivions entourés de réfugiés qui avaient fui, comme nous, les dictatures d'Amérique du Sud, mais aussi la Pologne, le Portugal, l'Angola... Alors, naturellement, je me suis mis à photographier les émigrés, les sans papiers. »
© Sebastiao Salgado - Oaxaca, Mexique, 1980
Car Sébastio Salgado prône une vision de la photographie bien précise, qu'il ne cesse d'alimenter dans le livre. Sa formation d’économiste lui permet de comprendre le contexte des différents pays dans lesquels il s’émancipe, soit. Mais chacun de ses voyages semblent le nourrir et conforter ses idées sur ce qu’est l’humanité. Une humanité qu’il a su apprivoiser au fil des années.
L’homme, c’est avec un grand « H » que Salgado le met en lumière. Une lumière primordiale dans la construction de ses photographies qui lui permet de donner, avec une certaine pureté, un langage propre à chaque image, son langage.
« La photo est mon langage. Le photographe est là pour fermer sa gueule, quelles que soient les situations, il est là pour voir et pour photographier. C'est par la photo que je travaille, que je m'exprime. C'est par là que je vis. » écrit-il avec ses tripes.
© Sebastiao Salgado - Péninsule de Yamal, Sibérie, Russie, 2011
Et comment ne pas le croire ? Salgado serait un peu le grand-père, ici photographe, que l’on aimerait avoir. Celui qui raconte avec autant de simplicité que de vivacité ses histoires de vies, ses histoires photographiques. Des histoires personnelles qui sont en fait universelles, expliquant ainsi le titre De ma Terre à la Terre.
Et sa Terre, il y tient ! L’œuvre Genesis, lettre d’amour à la nature et fruit d’un travail de quarante reportages qu’il termine à presque 70 ans, se veut « faire réfléchir à la nécessité de respecter la planète et de la protéger pendant qu’il en est encore temps » énonce-t-il.
Mais au-delà de ce discours porteur de messages, le photographe s’engage pleinement pour ce qu’il appelle « prodige », la Terre. Parmi ses nombreux combats, l’artiste a réalisé récemment, en 2013, un reportage sur le territoire des Indiens Awas, peuple de Colombie, dénonçant l’invasion de leur terre par des fermiers, la pollution de l’eau ou encore la déforestation… Espérant sensibiliser autant par ses photos que par ses mots.
« Personne n'a le droit de se protéger des tragédies de son temps, parce que nous sommes tous responsables, d'une certaine manière, de ce qui se passe dans la société dans laquelle nous avons choisi de vivre ».
© Sebastiao Salgado - Ceara, Brésil, 1981
Juliette Sellin
De Ma Terre A La Terre - Sebastiao Salgado et Isabelle Francq
Date de parution : 5 mars 2015
Editeur : Pocket
Prix : 6,20e