© Lorenzo Castore, Pologne 2000
Present Tense
Lorenzo Castore a grandi en Italie avant de partir pour l'ailleurs : Etats-Unis, Inde, Kossovo, Albanie, Pologne... Il emmène avec lui un appareil photo, cherchant le sens de sa vie et de celle des autres. La photo n'est dès lors plus un témoin historique mais un journal de bord, ampli de pensées, de sensations et de sentiments. C'est une photographie vivante. Pour son exposition à la Galerie Vu', Lorenzo Castore présente une série intitulée Present Tense qui réunit des photos de différentes époques et différents lieux. Ensemble, elles constituent ce que le photographe appelle une « autobiographie photographique » où « les faits se mêlent aux sensations, la pensées aux sensations et parfois, la réalité au rêve et à l'imaginaire ».
© Lorenzo Castore, Pologne 2004
Le réel imaginé
L'onirisme semble être le fil conducteur de cette exposition où les œuvres sont dénuées de titres. Sans eux, les photographies sont libres d'interprétation, encouragées à se libérer de leur sens premier. Ainsi sur l'un des clichés, on distingue deux corps de femme, regards cachés, bouches entrouvertes, on ne sait si elles expriment de la souffrance ou du plaisir. Sûrement les deux à la fois. Cet instant exprime une tension entre deux contraires ; tension qui, pour Lorenzo Castore, est « la source du mystère de l'existence ». Sur une autre photo, une femme nue écarte ses jambes, s'offrant au regard des spectateurs, mais un rayon de lumière passe sur son corps, cachant l'intimité qu'elle voulait révéler. C'est à nous de l'imaginer, de compléter la photographie comme un puzzle dont la pièce centrale serait absente. L'artiste italien ne cesse de convoquer notre imagination grâce à des photos entre ombres et lumières, entre réalisme et hallucinations. Photographiée de dos, recouverte d'un voile blanc, une sœur religieuse marche dans la rue. Au centre de la photo, sa main qu'elle a mise derrière son dos. Une main puissante de paysanne, une main formidable qui déclenche une succession d'images dans l'esprit du spectateur. Elle raconte une histoire que nous ne connaissons pas, nous poussant à nous en inventer une autre. Toutes les photographies ont cette puissance créative et cette force de montrer tout en cachant.
© Lorenzo Castore, Etats-Unis 1994
L'étrangeté d'Ackerman
L'artiste se met ainsi en scène (ci-dessus), au milieu d'une forêt de pins. Il se montre nu, timide, tel un animal sauvage devant un homme. Le gouffre d'incertitude et la sensation de vide, que le photographe explique avoir ressenti en quittant le domicile familial, semblent ne l'avoir jamais véritablement quitté. Il nous observe, essaie de comprendre comment l'humanité, avec tous ses traumatismes, continue à exister. Lorenzo Castore photographie à tâtons, refusant toute réalité objective et tente de trouver sa place à coup de « surprises, coïncidences, imprévus, doutes et mystères ».
L'exposition est un voyage bercé par une sensation de déjà-vu. Et pour cause, dans la même galerie, le photographe américain Michael Ackerman a présenté un travail similaire, notamment Half Life, en 2011. Les deux photographes sont amis, ont en commun style et sujets. Tous les deux fascinés par la Pologne, ils se concentrent sur la photographie en noir et blanc, utilisent le même flou, le même grain. Leur démarche est semblable puisque Michael Ackerman recherche l'expression d'un univers intérieur, tourmenté, grâce à l'appareil photo. En regard des œuvres de Michael Ackerman, celles de Lorenzo Castore complètent une quête d'un réel imaginaire mais ne surprennent pas. On avance dans l'exposition sachant ce qui nous attend mais heureux de ressentir cette familière étrangeté.
© Lorenzo Castore, Italie 2008
Paulina Gautier-Mons