© Alix Cléo Roubaud
Asthmatique depuis toute petite, Alix Cléo Roubaud en mourra à l'âge de trente et un ans. L'asthme, le mal des ultra-sensibles, comme une malédiction littéraire, celle de Proust entre autres. Au fil de l'exposition, on croit parfois entendre son souffle trop court, sa respiration se saccader, happer l'air qu'il reste à prendre pour en faire quelque chose. En faire quoi ? Un autoportrait vivant d'une femme libre dont l'oeil semblait défier le monde comme sur ce cliché sans titre 1979/1980. On plonge dans l'intime des années 1980, son appartement, sa chambre à elle, à la Woolf. Ce pourrait être une louve d'ailleurs cette Alix. Le noir et blanc saisit cette époque de cigarettes, de bouteilles de vin et de bande d'amis.
Autoportrait © Alix Cléo Roubaud
La dernière chambre © Alix Cléo Roubaud
Si quelque chose noir © Alix Cléo Roubaud
La projection du film d'Eustache vient salutairement éclairer ce travail dense, riche, qui peut aussi sans doute être obscur pour certains. Alix y a une diction parfaite, un peu bourgeoise, rendant ses provocations plus subversives encore. Elle raconte d'ailleurs l'histoire d'une photo, « Elle est fort obscène » dit-elle. En plein acte sexuel, elle s'était allumé d'abord une cigarette et, devant l'étonnement de son partenaire, en avait rajouté, joueuse, en lui disant qu'elle allait de surcroît prendre une photo. Ce qu'elle fit. Et de conclure face au jeune étudiant sur le fait qu'une photo peut être « personnellement pornographique tout en étant publiquement décente »
Ce court-métrage reçut un César en 1982, quelques mois après le suicide d’Eustache le 5 novembre 1981.
Deux soeurs qui ne sont pas soeurs © Alix Cléo Roubaud
« Toute la photographie lutte contre la mort » écrit la photographe. Plus loin elle évoque « la blancheur du papier qui remonte tel un linceul ». La mort n'est jamais loin chez Roubaud, elle rôde, elle colle à sa peau, blanche elle aussi, aux négatifs, à la vie. Bords de mer, cadavres de bouteilles oubliés sur une grande table, rangées d'arbres : voilà une série de photos laiteuses où la lumière déborde, brûle, consume comme chez Camus et son Etranger. A défaut de faire éclater le goudron, elle fait voler en éclat les clichés d'Alix.
© Alix Cléo Roubaud
Mais la couleur vient aussi bousculer tout ça. L'aquarelle, les coloriages ou les encres (« Hommage à Morris Louis ») s'invitent sur les tirages, à la façon d'un Duane Michals. Munie d’une petite lampe directionnelle, elle intervient à même l’image en cours de développement. L'utilisation de ce « pinceau lumineux » vient à la fois amputer et prolonger la photo, comme sur celle de Bertrand Bordon avec la fumée de sa cigarette s'échappant du cadre en une volute infinie.
Alcools © Alix Cléo Roubaud
Le Baiser © Alix Cléo Roubaud
Hôtel de France © Alix Cléo Roubaud
Emilie Lemoine