© Bernard Plossu, Dune du Pilat
Le Jardin du Large porte bien son nom. Il est question de s'amarrer pour un longue aventure, on s'attache au port et on contemple. Sera-t-elle tranquille ? Non. Tantôt apaisante, tantôt en colère, elle est la définition même de l'imprévisibilité. On ne peut la conquérir, mais elle engloutit notre esprit par sa beauté. Elle n'a ni origine ni destination et c'est sûrement pour cela que les virées à la mer semblent si dépaysantes. Face aux côtes, aux mers et aux océans, notre esprit vogue au loin. Tout s'efface et nous dépasse. Nous voilà transportés.
Un long voyage
Le Jardin du Large, long voyage suspendu entre ciel et mer, s'ouvre sur un portrait. Une mère, son fils et son bébé se baladent sur la côte. Ils sourient. Le vent les décoiffe. Toutes ces choses sont familières et ont une résonance particulière en chacun de nous et davantage pour tous les amoureux de la mer. On souhaite s'évader à notre tour ; se perdre. Sentir la brise. Et l'histoire continue. La mer et l'océan. La pluie et le beau temps. L'aventure s'arrête enfin sur un autre modèle. Une jeune femme a la tête dans les nuages. Là encore, des cheveux volent. « Le vent l'emportera, tout disparaîtra » comme le chante Bertrand Cantat. Emmitouflée dans son petit pull avec pour seul infini l'horizon, elle nous rappelle notre propre expérience à la mer, lorsque nous sommes songeurs et heureux de vivre. Heureux de contempler une beauté trop souvent oubliée et détruite par la civilisation.
© Bernard Plossu, Isleta del Moro
© Bernard Plossu, Michèle Honnorat
Entre ces différents visages, l'histoire s'écrit par tous et pour tous. De jeunes garçons jouent au foot tandis que des adultes surfent sur courant. On dîne devant la mer. Des chiens, peut-être abandonnés, ou dont les maîtres sont hors champ, se promènent. Les plages sont propices aux réunions de famille et les amoureux aiment s'y poser. Il y a des marins, des voyageurs et de jeunes bambins.
Le territoire du vide
Cette appellation "territoire du vide" de l'historien Alain Corbin fait état de l'éternité de la mer. Vidée des hommes, elle prend toute son ampleur. Ces photographies, pourtant si simples de beauté, ne nous laissent pas insensibles. Il y a quelque chose de profond dans la Nature qui en appelle à notre désir de découverte. Pourtant, ce n'est que de l'eau, n'est-ce pas ? Cette force, cette intensité et l'effet qu'elle a sur l'homme est inexplicable. Depuis la nuit des temps, nous ressentons cela. Ces paysages spectaculaires de dunes et de rochers nous rappellent le temps originel. On a vu la mer calme, maintenant on la découvre agitée. Indomptable, impressionnante. Quand vient la nuit et que seul l'éclair illumine l'horizon, on se sent tout petit. Cet « instant » capté n'a pas son pareil. Nous aurions aimé le saisir nous-mêmes.
© Bernard Plossu, Au large de Ginostra
La mer est aussi entourée de plusieurs bâtisses. Le temps des stations balnéaire est arrivé ! Chambre avec vue, déjeuner en terrasse. Des routes mènent à de nombreux complexes immobiliers installés précisément là où le sublime fait son apparition. Ces clichés pourraient faire peur s'ils n'étaient pas synonymes de vacances à la plage. Certes, la volonté de l'homme de maîtriser ce qui ne peut l'être a toujours eu des conséquences dévastatrices. Nous aimons tous - si nous en avons l'occasion - profiter des superbes vues qu'offrent les hôtels mais cet intérêt personnel ne doit pas nous faire perdre de vue nos responsabilités.
© Bernard Plossu, Le Pyrée, Athènes
Le tour de force de Bernard Plossu est multiple. Il nous fait voyager depuis chez nous. Puis, il nous donne envie d'ailleurs, à la recherche de choses simples mais oubliées. Enfin, il nous rend jaloux de sa capacité à avoir su saisir ces beaux « moments ».
Seul bémol : un livre plus grand avec davantage de photographies n'aurait pas été de refus !
Caroline Vincent