Couverture de Volta, Gabrielle Duplantier
Une jeune fille au regard défiant ouvre la balade photographique qu'est Volta. On a l'impression qu'elle met en garde le lecteur. À juste titre, car il ne sera plus tout à fait le même après avoir refermé le livre. C'est que Volta dérange : la noirceur des photos ne tient pas seulement à leurs couleurs sombres ; les thématiques – ou plutôt les ambiances – qu'elles donnent à voir mettent mal à l'aise. En vis-à-vis, deux portraits se répondent : une statue de la vierge Marie, le regard vide, exacerbe le désespoir d'une femme dans son bain, les mains cachant ses pleurs.
On sort de la maison et l'on se retrouve dans un champ désolé. Encore une femme, en robe de mariée à côté d'un âne. Elle doit être folle. Sur la page d'à côté, un cliché montre une bâtisse en ruine (chez elle peut-être?) entourée d'arbres morts et de tours électriques.
On change de lieu. En pleine nature, un épouvantail épouvantable effraie les oiseaux et les marcheurs. Fait de têtes de poupées décapitées, le « personnage » ressemble à la fois à un hydre et à l'antenne d'une parabole.
À propos d'animaux, comme dans les Métamorphoses d'Ovide, un paon prend forme humaine, au détour d'une page. Cependant, la filiation entre les deux entités est perceptible. Qu'est-ce qui, de l'animal, reste en nous ?
L'étrangeté de Volta provient aussi des regards dans lesquels on plonge pour ne plus remonter à la surface. Le tremblement de la lumière reflétée dans la pupille des modèles est un paradoxe : à la fois intense et fuyant, le regard semble absent, comme si l'esprit de son propriétaire s'en était allé. Comme des possédées, les nombreuses femmes qui remplissent les pages de Volta hantent le lecteur. Sans que rien ne soit explicitement montré, on se demande ce qui leur est arrivé. Quelque chose de grave, c'est sûr.
On sent obscurément que la religion n'y est pas pour rien. Une image nous inquiète : celle d'un prêtre en train d'officier dans une église en ruine. En face du cliché se trouve une foule d'ombres contre un mur moisi. Des silhouettes apparaissent mais on ne sait pas de qui ni de quoi il s'agit. Des forces inconnues agissent tout au long de l'ouvrage et désemparent celui qui le feuillette.
La superstition et l'angoisse sont partout : en face d'une énième icône religieuse gisent les ossements d'un oiseau en voie de décomposition. C'est que Volta trouve sa force dans la juxtaposition d'images sans liens explicites, créant ainsi une nouvelle narration : celle, peut-être, de la subjectivité de l'artiste qui laisse libre court à son inconscient.
La préface de la romancière Maylis de Kerangal nous apprend que « volta » signifie « retour » en portugais. Et en effet, l'ouvrage de Gabrielle Duplantier constitue un retour aux sources de l'artiste : le pays basque. Prenant la main du lecteur, elle l'emmène dans un lieu qui n'en est pas un, entre rêve et réalité.
C'est donc comme le personnage de cette photo que l'on parcourt Volta : du bout des orteils, dans l'obscurité d'une cage d'escalier. À quoi mène-t-il ? On ne sait pas, mais la curiosité nous pousse à continuer de gravir les marches.
Marie Beckrich
Fiche Technique
ISBN : 9782954053035
Titre : Volta
Photographe : Gabrielle Duplantier
Éditions : Lamaindonne
Parution : septembre 2014
Format : 22 x 28 cm
128 pages
26 €