© Sylvain Norget
Il exerce sa profession en freelance, en particulier pour la mode, et les agences de comédiens. Dernièrement, un litige l'a opposé au magazine féminin Elle, pour la publication de l'une de ses images, sans pour autant être rémunéré.
Monnaie courant dans le milieu de la photographie, Sylvain Norget n'est malheureusement pas le seul à subir les crises, mais surtout les humeurs de la presse.
Rencontre avec le photographe, qui s'explique.
En quelques mots, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis photographe, je vis Bordeaux, mais je me rend régulièrement à Paris pour travailler. Je travaille pour une agence de comédiens et pour des agences de mannequins. Je fais beaucoup de photos de presse, des éditos de mode ainsi que pas mal de mariages.
Qu'est-ce qui vous a mené à la photographie ?
Le hasard. J'ai pris un jour un appareil, en 2007, et j'ai commencé à prendre des photos. Avant, j'étais décorateur d'intérieur. Quand j'ai fait de la déco, j'ai travaillé pour Helmut Newton, car je travaillais à Monaco, sans doute est-ce revenu dans mon esprit à ce moment-là. J'ai aimé faire des photos, donc je me suis lancé.
Quelles ont été vos premières collaborations ?
Ma première collaboration a été avec Paris Match, il y a quatre ans. Je fais des photos pour des comédiens, donc ceux-ci utilisent les images. Du coup, les agents de comédiens utilisent mes photos pour les promos de comédiens pour la presse, et la presse ne me demande, en général, pas vraiment mon avis avant de publier. Souvent, je découvre les publications, et je n'ai pas été informé, et surtout, pas été payé.
Est-ce phénomène courant ?
Cela arrive tout le temps, car la presse ne paie pas, ou très rarement. Nous sommes obligés de taper du poing sur la table pour parvenir à obtenir notre dû, comme cela a été le cas avec le magazine Elle.
Pourriez-vous nous expliquer le litige qui vous a opposé au magazine Elle ?
Il s'agit de l'une de mes images qui a servi à illustrer l'interview d'une comédienne. Celle-ci, qui est une amie, a proposé mes photos, ce qui ne me posait pas de problème. Suite à cela, une journaliste de Elle m'a contacté, pour avoir la photo en HD, et je lui ai envoyé. Elle m'a remercié, et je n'ai plus eu de nouvelles.
Il faut savoir que nous ne signons jamais de contrats ou d'autorisations, il y a plein de photos qui partent dans la presse, les agents et les comédiens ont les images en HD, donc ils les donnent. Mais cela ne me concerne pas uniquement, c'est le lot de quasiment tous les photographes.
Etant donné que c'est moi qui ai envoyé la photo en HD, j'étais déjà au courant à la base. Suite à cela, j'ai demandé à travailler un peu plus avec Elle, je leur ai récemment proposé un shooting avec une actrice américaine que je vais réaliser au mois d'août. Je n'ai eu aucune réponse, positive comme négative, cela a commencé à m'énerver. J'ai donc écrit un tweet qui leur était adressé, et c'est à partir de là qu'ils se sont réveillés.
Je peux autoriser un média à publier l'une de mes images sans être payé, car cela m'arrange sur le coup, mais je sais que Elle, ou encore Paris Match, ont des budgets, même si bien souvent ils disent qu'ils n'en ont pas.
Qu'ont-ils répondu ?
De les contacter à une adresse, ce que j'ai fait. Ils se sont alors un peu excusés. Le paiement est en cours.
Ce tweet a bien fonctionné, car j'ai la chance d'avoir beaucoup d'abonnés, sur facebook également, et dans ces cas-là, le message posté prend de l'ampleur. Si je n'avais pas eu autant de followers, ou si je ne les avais pas contacté, je pense que je n'aurai pas été payé.
Est-ce monnaie courante dans le milieu de la presse, de ne pas remplir au préalable de contrat ?
Ils m'ont envoyé une fiche à remplir pour le paiement de la photo, c'est la première fois que je remplis un document pour autoriser à publier mes photos. La plupart du temps, ils ne s'occupent pas de cela.
Ce qui est dommage, c'est que cette journaliste, qui m'a contacté, m'ai demandé en urgence une photo de cette comédienne, que je lui ai envoyé rapidement, mais en revanche, lorsque j'ai essayé de les contacter pour proposer des choses, je n'ai eu aucune réponse. Nous sommes tous dans le même panier, ce snobisme pénible qui fait que l'on ne traite pas correctement les photographes.
Si vous deviez utiliser votre expérience pour permettre à d'autres photographes d'être plus vigilants, que leur conseilleriez-vous ?
Il y a désormais beaucoup de magazines web de plus en plus connus et influents, qui ne travaillent qu'en collaboration, sans rémunérer. Cela permet en effet aux photographes de se faire connaître, mais le problème, c'est qu'à force, ça a descendu énormément les prix des photographes. A force de travailler gratuitement, cela n'encourage pas les médias à rémunérer les photographes.
Le milieu de la mode paie très mal, les magazines comme Wad ne paient ni les photographes, ni les mannequins.
Je conseillerai aux photographes de faire attention, de se vendre, car ce métier s'apprend aussi comme cela, dans le respect de son travail. De ne pas accepter de faire n'importe quoi juste pour de la publicité qui, de toute façon, peut être faite par soi-même grâce à facebook, twitter, ou d'autres réseaux sociaux.
Le nombre exponentiel de photographes sur le marché de la photographie ne pousse-t-il pas justement certains photographes à travailler gratuitement ou à avoir des tarifs très bas ?
Il y a de plus en plus de photographes, mais la concurrence est également une bonne chose car elle permet de nous booster, de voir ce que font les autres. Les magazines profitent énormément du statut de jeune photographe, en leur promettant de les faire connaître, mais tout en travaillant gratuitement. C'est de plus en plus fréquent, et les agences de mannequins fonctionnent également comme ça : avant, pour faire des tests payants pour les agences de mannequins, ils demandaient de réaliser un book gratuitement pour montrer ce dont on est capable de faire, puis ils payaient. Aujourd'hui, beaucoup d'agences à Paris demandent de faire trois books gratuitement, et seulement après, ils commencent à payer.
Tout le monde accepte de faire du gratuit, ce qui prend des proportions énormes sur le marché, et le gratuit devient alors monnaie courante.
En revanche, les anglo-saxons paient, donc je conseillerai aux jeunes photographes de se tourner vers ce marché.
http://www.butportraiture.com
Propos recueillis par Claire Mayer