© Joseph Ford
Rencontre avec un jeune photographe qui prend de la hauteur.
Pourquoi la photographie ? Comment tout a commencé ?
Lorsque j'étais à la fac, un ami faisait un peu de photos. Je l'ai accompagné plusieurs fois, et, au fur et à mesure, j'y ai pris goût. Du coup, je me suis acheté un premier appareil, et j'ai commencé à essayer plusieurs choses. Ça m'a rapidement plu.
J'aime beaucoup Bill Brant. Il me fascinait à l'époque. J'adorais ses paysages et ses nus aussi. Je trouvais qu'il explorait des paysages d'une façon assez particulière, quasi-inédite pour moi. Même si ce sont de vieilles photos, c'est un point de vu très intéressant. J'aimais aussi l'aspect presque politique de ses photos.
Expliquez nous votre série « Aerial » ? Etant donné que vous avez commencé votre carrière dans la photo de mode, d'où vient cette passion pour la prise aérienne ?
Cela fait maintenant quelques années que je fais des prises de vue en hélico. Il y a deux ans, lors d'un voyage en Sicile, j'ai énormément capturé de paysages aériens. J'ai profité par la suite de ces clichés pour trouver une idée, et, rapidement, le concept de mélange des textures m'est apparu. En effet, une fois en haut, on retrouve des similitudes avec d'autres formes géométriques qui nous rappellent certaines choses du quotidien, mais à une échelle différente.
Dunes © Joseph Ford
C'est très compliqué, ça m'a pris beaucoup de temps. Dans une première étape, je faisais plusieurs séries de photos aériennes. Puis, je travaillais en collaboration avec plusieurs stylistes qui m'aidaient à trouver des vêtements correspondant aux bonnes formes géométriques et aux bonnes textures. Mais j'ai aussi réalisé d'autres séries, où je choisissais d'abord les accessoires puis je recherchais des paysages presque similaires : formes, couleurs, etc. C'était un travail très difficile dans ce sens, car il n'est pas simple de trouver le décor parfait quand on sait que l'hélico coûte entre 15 et 30 euros la minute. On ne peut pas perdre de temps !
Plusieurs marques vous ont commandé cette série, expliquez-nous la différence entre les prises de vue pour Lacoste et celle pour Pepe Jean, par exemple. Comment avez-vous travaillé sur ces projets ?
Même si le principe reste le même pour les deux marques, la façon de travailler a été assez différente :
Pour Pepejean, ils souhaitaient faire des images de Londres pour fêter leurs 40 ans d’existence. Du coup, il fallait que tous les visuels soient représentatifs de Londres, ou qu'il y ait un élément particulier qui connotait Londres. Après, ils étaient très ouverts sur la façon de photographier la ville, du moment que la capitale était reconnaissable. J'ai fait beaucoup de recherches en amont : à pied, mais également sur l'ordinateur, pour trouver des endroits qui me semblait intéressants et qui avaient du potentiel. On m'a livré tous les vêtements avant, donc j'ai passé beaucoup de temps à les regarder et à me dire « tiens ça ressemble à ce type d'immeuble » ou « ça ressemble à ce type de paysage ». Et ensuite, je suis allé sur le terrain pour chercher les endroits qui correspondaient en ce sens.
Pepe © Joseph Ford
Lacoste © Joseph Ford
En parcourant votre site, nous remarquons que ce n'est pas la première fois que vous avez associé mode et nature. Pour un shoot Lacoste, mais également Nike, vous avez conjugué mode et animaux. Pourquoi basculer les codes de la photo de mode ?
Pour le shoot Lacoste et Nike, c'était une commande pour un magasine de Sportwear. Ils sont venus me trouver pour savoir si j'avais des idées. J'ai souhaité associer la nature avec les chaussures et ceci en créant une sorte d'opposition entre les deux. On avait, soi-disant, des chaussures qui étaient « en danger ». Pour la chaussure Lacoste, nous avons prit un crocodile. L'animal devait attaquer la basket. Nous l'avons filmé en mouvement. C'était assez difficile à réaliser, car, bien évidemment, avec les animaux, on sait ne connaît jamais leur réaction à l'avance. Donc, on a crée une mise en scène assez limitée dans l'espace pour lui faire faire ce qu'on voulait et donner un aspect précis à la photographie.
Bousculer les codes est un désir, car je trouve qu'il y a déjà beaucoup de bons photographes de mode « traditionnelle ». Il n'y a pas, ou peu, d'intérêt à copier les mêmes choses qui ont été faites depuis 10 ans. Ce n'est pas forcément ce qui m'intéresse le plus dans la mode. Là où cela devient stimulant pour ma part, c'est lorsqu'on touche quelque chose de nouveau, qu'on fait de nouvelles expériences et que, justement, on bouscule ces codes.
Avez-vous des idées pour une nouvelle série de photos dans la lignée de « Aerial »?
Exactement pareil non, mais en continuant de faire des diptyques, oui. Et en associant nature et mode, oui aussi. Donc oui, plusieurs projets en cours, secrets pour le moment.
Clouds © Joseph Ford
Concernant l'ensemble de vos travaux, le décalé, voir le surréalisme, semble être votre petit truc en plus, comme les nombreuses publicités que vous avez pu réaliser au cours de votre carrière. Comment faites-vous pour avoir tant d'imagination ?
C'est assez difficile à expliquer (Rire). Je passe par des périodes où les idées fusent, je ne manque pas de les noter, de les retravailler. J'en parle aussi avec des gens qui me sont proches pour voir ce qui semble intéressant aux uns et aux autres. C'est assez rare que je trouve une idée et que je la produise tout de suite. En général, j'ai plusieurs semaines, plusieurs mois voir plusieurs années de réflexion et de travail avant que cela n'aboutisse. Et il y en a beaucoup qui ne parviennent jamais à éclore. Soit par faute de moyen, soit par faute de temps, soit parce que je ne les trouve plus intéressantes après un certain moment. En général pour avoir des idées, je fais du sport, et elles me viennent comme ça.
Watch © Joseph Ford
Propos recuellis par Noëmie Beillon