©Archives Graziano Arici
Dans un éloge, Frédéric Schiffter, philosophe et écrivain français, déploie la passion qu'il voue à Claudia Cardinale à travers une série de clichés « mon cœur appartenait à Claudia, un jour j'irai à Cannes la rencontrer et elle accepterait de tourner un film avec moi ». Les photographies de Claudia Cardinale proviennent des archives de Graziano Arici, photographe et grand collectionneur. Dans la préface de Claude Nori, puis avec les commentaires de l'auteur Frédéric Schiffter, sont esquissées les étapes d'une carrière singulière : celle de Claudia Cardinale. En 1958, elle n'a encore que vingt ans et est « radieuse, solaire et espiègle ». Couronnée « la plus belle italienne de Tunis », elle deviendra La Cardinale en acceptant de jouer devant la caméra de Franco Zeffirelli, Luchino Visconti et surtout pour son mari, le producteur Pasquale Squitieri. Des rôles emblématiques qui ont fait d'elle l'icône d'une époque, l'incarnation de la beauté d'un autre temps, mais jamais dépassée. L'intrépide Claudia Cardinale ne se laissera pas voler la vedette.
©Archives Graziano Arici
Sur la première photographie à l'intérieur de l'ouvrage, Claudia Cardinale est le modèle d'un paparazzi d'agence spécialisée dans les magazines populaires. Mèches tombantes et manches retroussées, elle manque encore un peu d'assurance mais laisse entrevoir son aura de femme décidée et d'actrice accomplie. Son regard sait déjà jouer avec l'objectif, et elle s'adonne à un délicieux mais encore naïf « flirt photographique » le temps d'une séance.
©Archives Graziano Arici
©Archives Graziano Arici
D'une atmosphère intimiste, elle pose, dans le second volet de photos présentées, devant toute une équipe qui la sublime et crée une mise en scène autour d'elle à Venise, aux abords de l'Hôtel Cipriani. C'est le second volet de cet ouvrage dédié à Claudia Cardinale, qui, sous le crépitement des flashs comme sur les plateaux de cinéma, sait ce qu'elle doit faire et joue son rôle à la perfection. Son maquillage est retravaillé, ses coiffures bombées et les tenues sophistiquées qu'elle revêt font plutôt penser aux couvertures des magazines. Les incertitudes de la jeune fille encore quelque peu mal à l'aise ont laissé place au charisme d'une jeune femme qui s'assume. Au cœur des années 60, les canons de la beauté se veulent alors tout en subtilité. « Déambulant ainsi, nonchalantes et bronzées sous le regard des hommes, et conscientes de l'effet qu'elles produisaient (...) les créatures s'appliquaient à effectuer des travellings sensuels quand elles revenaient de la baignade à leur serviette, ou quand elles allaient de leur serviette au marchand de glace ».
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Sensuelle mais jamais sexuelle, subtile sans être provocatrice, elle arbore un visage qui a encore gardé quelques rondeurs de l'enfance. Nonchalamment allongée sur un canapé ou relevant sa jupe comme une danseuse de cabaret, Claudia Cardinale sait jouer de ses atouts. Une épaule dénudée, une petite moue, la starlette, avec une pointe de défi dans le regard, interpelle dans un doux mélange de fraîcheur candide et d'un soupçon de désir. C'est d'ailleurs « sur l'effet d'un regard, de quelques mots, d'un sourire, d'une mine boudeuse ou espiègle » qu'avec le cinéma, les starlettes s'élèvent au rang de star. Ce « presque rien » qui change tout et fait de Claudia Cardinale l'une d'entre elles, au même rang que Brigitte Bardot, Gianna Maria Canale ou encore Ursula Andress. Une dynastie de jeunes et jolies jeunes femmes qui sont « un idéal féminin qu'on n'approche ni ne possède jamais, bien sûr, mais que ce sentiment si particulier qu'on lui voue préserve de l'oubli et de l'infidélité ».
©Archives Graziano Arici
Sur les derniers clichés, la ligne de ses sourcils est marquée et son regard se fait plus dur. Souligné d'un trait d'eye liner, elle garde pourtant dans les yeux cette pointe de candeur qui faisait tout son charme. Jeune, elle n'est pourtant pas de ces « starlettes de la Croisette » qui « prêtaient facilement à rire avec leur ingénue prétention à passer du néant de l'anonymat à l'être de la célébrité ». « Naïves et provocantes, (elles) désiraient mettre de la poésie dans leur vie en la confiant à des magiciens de l'image fussent-ils les plus fantasques, les plus maniaques, les plus tyranniques ».
©Archives Graziano Arici
Mis à part quelques uns présentés en double page, la quasi totalité des clichés ne sont imprimés qu'une page sur deux. Sur fond blanc, les images, uniquement en noir et blanc, tirent vers le gris. Des teintes quelques peu vieillies mais qui n’entachent en rien cette beauté d'antan. L'auteur Frédéric Schiffter clôt l'ouvrage non pas sur le regret d'une époque révolue mais plutôt sur une vision d'un réalisme presque désenchanté : « Quand je revois les documents de ces années dites glorieuses, je ne peux m'empêcher de songer que ce qui motivait les efforts des starlettes à crever l'écran opaque de l'anonymat, ce n'était pas tant leurs rêves d'une dolce vita, que l'amour naturel de leur jeunesse qu'elles pressentaient menacée par le vandalisme du temps ». Il cite même Jean Cocteau : « Le cinéma filme la mort au travail, le fléchage à sens unique du temps, le chemin par lequel tout se décompose ».
Pourtant, il ajoute enfin « de tous les arts, le cinéma est le seul qui provoque en moi de violentes boufées de nostalgie (...). Relire un livre qui m'avait jadis marqué ranime mon intérêt ou mon plaisir, mais ne me laisse pas avec ce sentiment à la fois accablant et voluptueux de voyager vers le temps révolu de mes jeunes années ».
Capucine Michelet
Dolce Claudia, Eloge de la starlette
Frédéric Schiffter
Editions Contrejour, Collection cahier d'images
Format : 20,8 x 15 x 0,8 cm
Broché: 80 pages (12 €)