The Tract Houses no. 17 © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne
Du 23 mai au 24 août 2014, LE BAL propose une exposition innovante consacrée à Lewis Baltz et à l'influence du cinéma, notamment Godard, Antonioni et Hitchcock, sur son œuvre.
Né en 1945 aux Etats-Unis, Lewis Baltz envisage la photographie en tant qu'instrument d'appréhension de l'homme avec son environnement et comme support de l'art conceptuel.
Sous l'influence d'Ed Ruscha, la photographie s'opère à un « degré zéro » : l'auteur ne doit pas établir son style mais une distance avec l'objet représenté.
Des premiers travaux du photographe américain à ses clichés d'artiste accompli, l'exposition réunit sur deux étages un bon nombre de ses séries, retraçant ainsi sa carrière : The Prototype Works (1967-1976), The Tract Houses (1969-1971), Nevada (1977), Continuous Fire Polar Circle (1986), Candlestick Point (1987-1989), Sites of Technology (1989-1991) et Ronde de Nuit (1992-1995).
Tandis que la salle du bas met en lumière les liens entre les clichés de Lewis Baltz et le cinéma, celle du rez-de-chaussée se concentre sur la notion de surveillance avec les dernières œuvres du photographe.
Ainsi, les façades opaques et anonymes des maisons de la série The Tract Houses réfèrent aux nombreuses devantures qui ouvrent les films d'Hitchcock tels que Psychose ou Cinquième Colonne. A l'instar du cinéaste, Lewis Baltz photographie l'absent pour immortaliser le présent.
Ces images montrent une architecture dépourvue d'humanité, comme pour souligner le désastre de la réalité du monde : « Là où j'ai grandi, construction est synonyme de destruction. L'appât du gain anéantit tout sens commun » explique le photographe.
Tract House no.8 © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne
Alfred Hitchcock, Saboteur, 1942 © NBC Universal
Dans cette même salle du bas prend place la grille Candlestick Point, composée de 84 tirages en noir et blanc et couleur, et disposée selon un schéma indiqué par le photographe lui-même. Cette série marque le passage de Lewis Baltz à la couleur et cette alliance avec le noir et blanc opère un brouillage du temps, mêlant le « ça a été » de Roland Barthes à la permanence de ce désastre dans le monde contemporain : « Je me suis toujours concentré sur les phénomènes à la marge, ces zones presque invisibles, transparentes, que l'on ne qualifie pas de « paysage ». Tout ce qui est occulté par convention ou habitude, le presque obscène ».
En 1975, la célèbre exposition New-Topographics : Photographs of a Man-altered Landscape, à laquelle a participé Lewis Baltz inaugurait déjà une nouvelle conception de la photographie de paysage.
Reprenant ces principes, Candlestick Point correspond à un lieu laissé à l'abandon dans la baie de San Francisco, un paysage post-industriel, « éloigné du lyrisme encore présent chez Robert Adams », comme l'explique Diane Dufour, co-commissaire de l'exposition avec Dominique Païni.
Lewis Baltz, Candlestick Point, 1987-1989 © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne
Lewis Baltz, Candlestick Point, 1987-1989 © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne
Il faut rappeler que la culture visuelle de l'époque ne s'élaborait pas au sein d'institutions comme les musées d'art contemporain, mais bien au cinéma : « Nous ne rations pas un film d'Hitchcock, Antonioni ou Godard » énonce Lewis Baltz. Ainsi, le spectateur du BAL, grâce à un écran placé au milieu de la salle, peut apprécier la mise en parallèle des films qui ont inspiré le photographe et ses clichés. Par exemple, les terrains vagues de Candlestick Point font écho à ceux des Carabiniers de Jean-Luc Godard, film tourné en région parisienne.
Au rez-de-chaussée, Sites of Technology et Ronde de Nuit présentent respectivement des captures d'écran issues de caméras de surveillance et des photographies de l'univers technologique. Ces deux dernières séries établissent un jeu inquiétant entre détail et plan d'ensemble : « Sans repère spatial, nomades, ces œuvres évoquent l'emprise généralisée d'un état technocratique où l'informatique et la statistique menacent de triompher définitivement » écrit David Campany. Le spectateur est alors placé dans une position de voyeur, qui de lui ou de l'oeuvre surveille l'autre ?
La scénographie peut sembler clinique au premier abord mais correspond à la volonté d'analyse et de dissection du réel du photographe.
L'exposition permet également d'apprécier l'attention portée par Lewis Baltz à la qualité de ses tirages.
Lewis Baltz, Surveillance video, Sophia Antipolis, 1989-1991, Sites of Technology © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne
Lewis Baltz, Ronde de Nuit, 1992-1995 © Lewis Baltz, courtesy Galerie Thomas Zander, Cologne
Cette dernière s'accompagne de la parution du livre Lewis Baltz – Common Objects, conçu par l'artiste Pierre Hourquet. Ce n'est pas un simple catalogue d'exposition mais bien un livre objet, regroupant des tirages de Lewis Baltz, des captures des films présentés dans l'exposition et des textes inédits de Dominique Païni et David Campany.
Ainsi, en replaçant l'oeuvre de Lewis Baltz dans une histoire de l'art plus générale, l'exposition du BAL sort le photographe du « carcan » minimaliste et apporte une autre vision sur son travail, en réalité traversé par de multiples héritages.
Juliette Chartier et Léa Pietton
Common Objects Lewis Baltz
LE BAL 6, Impasse de la Défense 75018 Paris
Du 23 mai au 24 août 2014