Georges Rousse au Plateau à Lyon © Claire Mayer
« Je voulais avoir la possibilité d'avoir une action quelque part, et de relater cette action par la photographie. On peut avoir une action quelque part, et ensuite la photo peut suggérer le rêve. J'ai commencé en photographiant les lieux abandonnés, puis j'ai pris un dessin des demoiselles d'Avignon, je suis allé dans un endroit qui était en cours de démolition, j'ai peint les demoiselles d'Avignon sur le mur, et j'ai fait la photo. D'un seul coup, j'ai vu qu'il y avait une relation incroyable entre le dessin, la peinture, la photo. Le principe est établit à ce moment-là, puis je me suis demandé ce que j'allais faire. Ce qui m'intéressait à ce moment-là, c'était l'art minimal et l'art conceptuel, je ne voyais pas comment j'allais commencer une œuvre avec rien. Donc je me suis dit que j'allais faire comme Malevitch ou Mondrian ont fait, recommencer de la figuration, avancer comme cela pour arriver à l'abstraction la plus complète à un moment donné. Ca a donc marché comme cela, et très vite, j'ai été confronté à la profondeur, à la perspective. J'ai peint sur les murs, et dans d'autres endroits l'espace était trop petit donc mes personnages étaient dessinés sur deux murs, donc c'est à ce moment là que je suis arrivé à l'anamorphose, car j'étais obligé de travailler sur une surface tridimensionnelle, qui au final doit être plane. »
Georges Rousse Montréal 1997 © Georges Rousse / ADAGP
L'aventure de Georges Rousse dans la photographie a donc commencé comme cela. Au début des années 1980, il explore les lieux abandonnés, pour leur rendre l'âme happée par l'abandon. « J'avais une attirance pour tous ces lieux abandonnés depuis la guerre. Je suis un genre d'archéologue dans la mesure où je m'intéresse à une architecture qui n'intéresse plus personne. Ce sont des lieux quelconques, des entrepôts laissés à l'abandon. J'essaie de redonner une dernière image qui est ultime mais qui peut aussi être une œuvre d'art. » Ces lieux en friches, l'artiste se les réapproprie pour les sublimer. Le résultat, en anamorphose (déformation d'une image à l'aide d'un procédé qui permet de voir une autre image superposée à la première) est stupéfiant, et ce depuis 30 ans.
Georges Rousse Chasse-sur-Rhône 2011 © Georges Rousse / ADAGP
Georges Rousse Lyon 2012 © Georges Rousse / ADAGP
L'exposition présentée au Plateau de Lyon jusqu'au 26 juillet prochain propose, sous forme de cinq « boîtes » de grandes tailles, le travail de Georges Rousse réalisé dans différentes villes de France et du monde. Des œuvres qu'il a conçu en grande partie avec des jeunes en difficulté, qu'il initie au monde de l'art pour les sortir de leur spirale infernale. « A un moment donné, j'ai rencontré Daniel Siino, qui s'occupait à l'époque de jeunes en difficultés. Un jour, j'avais une exposition dans une galerie à Lyon, il est venu me voir, m'a demandé de parler aux jeunes de mon travail, et je lui ai dit, plutôt que de parler aux jeunes, autant faire une installation ensemble. Il se trouve que ces jeunes, dans le centre où ils sont « éduqués », existait une colonie pénitentiaire pour mineurs. C'était en 1996. J'ai visité cet endroit, et tout de suite, j'ai été ému, car une colonie pénitentiaire, ça ne signifie plus rien pour nous, sauf dans la mémoire cinématographique peut-être (rires). C'est quelque chose que j'ai vu et connu enfant. J'ai pensé que c'était l'endroit idéal pour faire une installation, donc avec les jeunes on a fait une première installation. »
Georges Rousse dans son exposition au Plateau © Claire Mayer
Ainsi, Georges Rousse partage son talent avec les jeunes, et les introduit dans le monde de l'art de façon ludique et originale. Petites fées de l'artiste, ils se sont rendus avec lui en France, mais aussi à Houston aux Etats-Unis, et surtout à Mumbay en Inde. Ce dernier projet de l'artiste avec les jeunes a été phénoménal, puisqu'avec l'aide d'une ONG locale, l'équipée artistique a réalisé une œuvre monumentale dans un bidonville indien. Les jeunes locaux et français ont fusionné, afin de créer ensemble une image époustouflante. Avant tout symbolique, cette étoile conçue dans le bidonville a été un moment poignant dans la carrière de l'artiste.
Mumbai 2014, making off. © Sandra Calligaro
Mumbai 2014, making off. © Sandra Calligaro
Mumbai 2014, making off. © Sandra Calligaro
Utopies partagées au Plateau porte donc formidablement son nom, celui d'un travail artistique impressionnant, partagé au plus grand nombre. A voir sans hésiter.
Pour ceux qui ne pourraient se rendre à Lyon, le catalogue d'exposition est disponible aux éditions Actes Sud, au prix de 28 euros.
Claire Mayer
Utopies partagées de Georges Rousse
Le Plateau – Région Rhône Alpes
1 esplanade François Mitterand
69002 Lyon
Jusqu'au 26 juillet 2014