Détentrice d'une maitrise en Cinéma et en Histoire de l'Art en France, et d'un diplôme de littérature et langues étrangères en Italie, il semble que le regard de Suzanna Pozzoli se soit forgé entre deux pays.
Dans la continuité de son travail sur l'identité et le territoire, mais à l'inverse de ses précédents attraits pour les centres urbains, Rêver les yeux ouverts est une réflexion progressive sur la géographie, l'espace, enfin sur les liens que l'être humain entretient avec son environnement, son espace vital.
Au fil du livre sont introduits des personnes, mais aussi l'un des lieux que ceux-ci affectionnent, ou considèrent comme une partie de leur expériences, parfois une partie d'eux-mêmes.
Pour chaque endroit, un court texte rédigé à la première personne incarne la voix de la personne photographiée. Les pages qui suivent sont des images de l'endroit choisi par eux.
© Susanna Pozzoli, "Elise Démery#1", 2012
© Susanna Pozzoli, "Elise Démery#2", 2012
Bien sûr, un tel travail impose des limites géographiques : il aurait été très long et fastidieux de prétendre à parcourir l'Europe, ou bien d'autres parties du monde. Pour cette raison, Suzanna Pozzoli se concentre sur la France, sur bons nombres de provinces de l'Hexagone.
Beaucoup de rencontres et quelques récits personnels, relativement intimes, agrémentent donc les photographies de l'artiste. Sans véritable force esthétique ou artistique, l'image a ici pour seul but de montrer, de rendre compte d'un lieu qui compte particulièrement pour l'un des témoins présents dans l'ouvrage.
© Susanna Pozzoli, "Marie Rousseau#1", 2013
© Susanna Pozzoli, "Marie Rousseau#2", 2013
Forêts denses, mûrs jaunis ou neufs, structures abandonnées ou fraichement rénovées, dans Rêver les yeux ouverts, la matière rencontre le corps à travers des photographies simples mais à forte dimension sémantique.
Hugues de Poix parlera de son château, François Forêt d'un théâtre, Olivia Lefébure de la cabane dans laquelle elle jouait enfant.
De nombreuses références pour de nombreuses vies, des espaces miteux ou luxueux, un même attachement à l'abstrait ou au concret de la surface. Il suffit finalement de se sentir bien là, un peu mieux ici, ou tout à son aise là-bas.
Peu importe, tant que l'humain se sent lié à un espace qu'il considère comme sien, à des perspectives amicales, des courbes et des lignes rassurantes.
© Susanna Pozzoli, "François Foret#1", 2012
© Susanna Pozzoli, "François Foret#2", 2012
Avec les âges varient les visages, et si chacun a fait le choix d'une place bien distincte, tous sont reliés à l'endroit par l’expérience ou la perception, par ce ce qu'ils pensent être particulier, lié à leur propre mémoire ou désir.
Susanna Pozzoli l'a bien compris, et, par la photographie, elle a capturé, ou plutôt fixé à jamais, ce qui participe à la condition humaine, désormais sédentaire et parfois encore nomade : son rapport à l'habitat, plus largement à la planète qu'elle peuple depuis des millions d'années.
Charlotte Courtois
Rêver les yeux ouverts de Susanna Pozzoli
Editions Filigranes
Co-producteur : Nature Humaine, Le Blanc
Format : 280 x 230
80 pages
Broché avec rabats
67 photographies en couleur
25 €