© Zen Lefort
Zen Lefort est un jeune photographe indépendant. Il a suivi des études professionnelles dans la photographie sans passer par une école, mais en fréquentant des studios. Il débute sa carrière en tant qu'assistant lumière pour des photographes de mode. A tout juste 20 ans, il part faire du photoreportage au Liban, en Centrafrique et à Kiev en février 2014. Il prend des photos de portraits, des rues, de l'après conflit en Ukraine qui est loin d'être terminé. Aujourd'hui, la Crimée est sous le contrôle militaire de la Russie
Rencontre avec le Zen Lefort, qui raconte ce qu'il a vu des rues de Kiev.
Comment avez-vous débuté la photographie ? Qu'est-ce qui vous a poussé à travailler dans ce domaine ?
Plus jeune, je n'étais pas vraiment intéressé par les études et j'ai suivi un cursus professionnel dans la photographie, au départ quelque peu par défaut. Petit à petit, j'ai été attiré par l'image, j'ai commencé à travailler dans des studios, et j'ai décidé de partir dans des pays en conflit pour y trouver des informations à relater.
Pourriez-vous nous parler de votre parcours en tant que photographe en quelques mots ?
J'ai commencé la photo vers l'âge de 18 ans, j'ai travaillé pour des photographes de mode en tant qu'assistant lumière, puis j'ai arrêté. Depuis un an, je m'intéresse à la photo de reportage, aux conflits.
Travaillez-vous indépendamment, ou faites-vous partie d'une agence ?
Je travaille pour moi, je suis en freelance.
Quel a été votre premier voyage ? Dans quel pays vous êtes-vous rendu au départ ?
Je suis d'abord parti au Liban, à Tripoli, à l'âge de 19 ans. C'était impressionnant, mais je n'avais pas vraiment préparé ce premier voyage, je suis parti sans assurance. Le pays était en conflit, et je vivais avec des réfugiés syriens plus âgés que moi. C'était une bonne expérience.
Je suis resté douze jours à Tripoli, et trois jours à Beyrouth.
Après les conflits en Ukraine, vous avez donc décidé de partir à Kiev ?
Je suis parti à Kiev, j'ai vu que c'était le désordre à cause des conflits et j'y suis allé immédiatement. Lorsque je suis arrivé, le président avait pris la fuite et c'était intéressant de couvrir cet événement, voir comment les gens réagissent et continuent leur vie, et comment se passe le conflit en Crimée, ce qui est encore différent...Je trouvais intéressant de travailler dans ce pays.
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Combien de temps êtes-vous resté à Kiev ?
J'y suis resté une semaine, mais je vais certainement y repartir, ou peut être en Crimée, je ne sais pas encore. On verra selon l'évolution dans le pays.
En tant que photographe indépendant, comment avez-vous organisé votre projet à Kiev ?
Cela s'est fait très rapidement, en à peine 24 heures. J'ai pris mon billet d'avion, mon passeport, mon appareil photo, et je suis parti.
Aviez-vous un fixeur sur place, un contact pour vous accompagner ?
Non, je n'avais pas de fixeur. Dans cette ville, c'est très simple : il n'y a pas besoin de fixeur, de chauffeur. C'est différent de la Centrafrique où c'est plus complexe, là on a besoin de plus de sécurité.
En arrivant à Kiev, qu'est-ce qui vous a le plus marqué ?
La Place Maïdan bien-sûr, mais j'avais déjà vu pas mal de photos donc je n'étais pas trop choqué. C'était assez impressionnant de voir à quel point c'était le désordre, c'était étonnant, je ne sais pas comment expliquer. C'était une journée historique, le nombre de personnes sur la place était considérable, on voyait des familles, les gens étaient mobilisés.
© Zen Lefort
© Zen Lefort
Aviez-vous eu la nouvelle concernant le départ du président Ianoukovitch ?
Je suis arrivé à 17h, et le lendemain, on allait savoir si le président partait ou non, c'était l'évènement très attendu.
Comment le gens ont-ils réagi, y avait-il plus d'anti Ianoukovitch que de pros Ianoukovitch ?
Les habitants sont restés sur leur poste, pas de grande joie, l'heure n'était pas non plus à la fête. Ils sont restés concentrés sur cet événement, et il ne sont pas partis ailleurs, car ce n'est pas terminé pour eux. Ils maintiennent les troupes, les manifestants restent.
Pourriez-vous nous résumer votre semaine en Ukraine ? Qu'est-ce qui vous à marqué ?
Quand je suis arrivé, ils étaient déjà en train de nettoyer la ville qui est plus ou moins propre. Le pays a une organisation incroyable : il y avait des personnes pour distribuer la nourriture, des gens pour les soins médicaux. Ils sont vraiment bien organisés, c'est impressionnant. Cette organisation m'a surpris. J'y ai aussi vu des habitants fiers d'eux : ils ont réussi à faire fuir le président. Je ne suis pas arrivé pendant les jours de combats mais juste après.
© Zen Lefort
Etes-vous entré en contact avec des habitants, aviez-vous un projet, un angle concernant cette actualité ?
Je n'avais pas de projet ou d'angle, tout était possible, le président s'étant enfuit, je suis resté avec un groupe de jeunes et je les ai suivi pendant toute la journée. Ce n'était pas du tout festif, je les ai photographié durant la journée et je voulais savoir comment ils vivaient ce changement.
J'ai des photos de la Place Maïdan, où l'on voit des funérailles d'un manifestant. Le premier soir, ils rendaient hommage aux manifestants morts. Je me suis concentré sur les portraits des combattants.
© Zen Lefort
Sur ces photos de portraits, les protagonistes ont l'air bien déterminé. A votre avis, sont-ils optimistes ?
Oui, ils le sont, mais la situation n'est pas figée.
© Zen Lefort
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Aujourd'hui, les affrontements sont-ils terminés ?
Il n'y a plus d'affrontements, mais je ne dirai pas que c'est terminé. Les manifestants restent sur la Place Maïden, et voudront surement soutenir la Crimée.
Dans la ville, ils allaient chercher des fleurs pour rendre hommage aux morts des combats. Un cortège avec un cercueil passait, on essayait de voir ce qu'il se passait, et à ce moment là, les habitants criaient « slava », qui signifie « honneur », « gloire » en ukrainien. Effectivement, ils rendaient hommage aux combattants morts en déposant des fleurs sur une sorte d'autel. Après cela, ils aidaient à nettoyer la ville et déplaçaient les pavés situés dans la rue.
On s'est tous promenés plus ou moins sur la place, les gens sortaient pour voir à quel point la place était transformée, c'était assez intéressant.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Je ne sais pas, j'attends de voir comment ça bouge mais je retournerai sans doute en Ukraine, en Crimée selon l'évolution.
Propos recueillis par Claire Mayer